SEOUL: La Corée du Nord a tiré samedi un missile balistique intercontinental (ICBM) apparemment tombé dans la Zone économique exclusive (ZEE) japonaise, a affirmé Tokyo, quelques jours avant un exercice militaire de simulation conjoint entre Washington et Séoul.
Pyongyang "a tiré un missile balistique de classe ICBM en direction de l'est. Il a volé pendant approximativement 66 minutes" et parcouru une distance d'environ 900 km, a déclaré le porte-parole du gouvernement nippon Hirokazu Matsuno aux journalistes.
Le temps de vol est similaire à celui de l'ICBM Hwasong-17, que Pyongyang avait testé en novembre dernier, selon le site spécialisé sud-coréen NK News.
M. Matsuno a répondu par l'affirmative quand un journaliste a demandé si le missile avait suivi une trajectoire "loftée" et a expliqué que l'éventualité qu'il s'agisse d'un missile à combustible solide serait analysée.
Ce nouveau tir de missile pourrait être un deuxième test du Hwasong-17, mais pourrait aussi être un test "de l'ICBM à combustible solide que Pyongyang est en train de mettre au point et qui pour l'instant n'a jamais été vu", a expliqué à l'AFP Joseph Dempsey, chercheur à l'Institut international des Etudes stratégiques (IISS).
La Corée du Nord tente depuis longtemps de mettre au point un ICBM à combustible solide. Ces missiles sont en effet plus faciles à stocker et à transporter, font preuve d'une meilleure stabilité et sont plus rapides à préparer pour un lancement, ce qui rend plus difficile leur détection, ainsi que leur destruction préventive par les forces américaines.
Le ministre japonais de la Défense, Yasukazu Hamada, a indiqué de son côté que le missile semblait avoir une capacité de vol de 14 000 km - ce qui lui permettrait d'atteindre la partie continentale des Etats-Unis.
"Il semble que le missile balistique tiré par la Corée du Nord soit tombé dans la ZEE du Japon, à l'ouest d'Hokkaido", a également déclaré le Premier ministre nippon Fumio Kishida aux journalistes, expliquant avoir "donné pour instruction (...) d'informer la population et de vérifier minutieusement la situation en matière de sécurité".
L'armée sud-coréenne avait annoncé plus tôt ce tir de missile, et affirmé que le pays maintenait "un état de préparation complet tout en coopérant étroitement avec les Etats-Unis et en renforçant sa surveillance et sa vigilance".
Ce lancement est "une nouvelle escalade dans les efforts de la Corée du Nord pour perfectionner ses capacités de frappes à longue portée", a déclaré à l'AFP Chun In-bum, général sud-coréen à la retraite. "Le message de la Corée du Nord est claire : nous progressons régulièrement vers notre but de perfectionner des armes nucléaires de longue porte".
Les tensions militaires se sont accrues sur la péninsule coréenne en 2022, année lors de laquelle Pyongyang a qualifié d'"irréversible" son statut de puissance nucléaire et mené une série record d'essais d'armements, et notamment d'ICBM.
En réponse à son voisin du Nord, Séoul a mené des manoeuvres militaires conjointes avec les Etats-Unis, son allié clé en matière de sécurité, moyen pour lui de convaincre l'opinion publique sud-coréenne de l'engagement américain à dissuader Pyongyang de toute attaque.
Le tir de samedi, le premier depuis sept semaines, intervient au moment où les deux alliés s'apprêtent à mener un exercice de simulation, qui doit se tenir la semaine prochaine à Washington, afin de discuter des mesures à prendre en cas d'utilisation de l'arme nucléaire par Pyongyang.
La Corée du Nord a menacé vendredi de réagir avec une force "sans précédent" aux manoeuvres américano-sud-coréennes à venir, y voyant les préparatifs d'un conflit armé.
Pour An Chan-il, chercheur à la tête de l'Institut mondial pour les études nord-coréennes, ce dernier tir indique que le dirigeant de Pyongyang Kim Jong Un "a finalement dégainé son épée".
Pas de pourparlers mais plus de missiles
Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol, qui a pris ses fonctions en mai 2022 en promettant de se montrer ferme vis-à-vis de Pyongyang, a considérablement intensifié la tenue d'exercices militaires avec les Etats-Unis.
Séoul a qualifié jeudi Pyongyang d'"ennemi" dans un document de défense, un terme qu'elle a utilisé pour la première fois en six ans, signalant un nouveau durcissement de sa position envers la Corée du Nord.
Au cours des essais d'armements menés par Pyongyang l'an dernier, un missile a atterri au sud de la ligne servant de fait de frontière maritime près des eaux territoriales sud-coréennes pour la première fois depuis la fin de la guerre de Corée en 1953.
En décembre 2022, la Corée du Nord a fait voler cinq drones dans l'espace aérien sud-coréen, dont un a franchi la zone d'exclusion aérienne autour du bureau du président Yoon Suk Yeol.
Pyongyang a affirmé à plusieurs reprises ne pas être intéressé par la tenue de nouveaux pourparlers, et Kim Jong Un a appelé à un accroissement "exponentiel" de l'arsenal nucléaire nord-coréen.
Lors d'un défilé militaire organisé à Pyongyang la semaine dernière, la Corée du Nord a présenté un nombre record d'ICBM capables de transporter des ogives nucléaires, ainsi que des engins conçus pour transporter des ICBM à combustible solide, selon des experts.