PEKIN: Le rêve du président Xi Jinping de voir la Chine devenir un géant du football mondial paraît plus éloigné que jamais, au moment où des enquêtes pour corruption visent des sommités de ce sport dans le pays.
Fan de football, M. Xi ne cache pas qu'il aimerait voir la Chine, géant économique et démographique, accueillir voire même remporter une Coupe du monde.
Il y a quelques années de cela, les clubs chinois faisaient les gros titres pour les sommes astronomiques dépensées dans le but d'acquérir des joueurs étrangers. Mais, depuis, des dizaines d'équipes ont disparu en raison de difficultés financières ou de la politique "zéro Covid" qui a coupé la Chine du reste du monde pendant près de trois ans.
Et la campagne anticorruption tous azimuts lancée par M. Xi s'étend aussi au football national, dont au moins quatre responsables ont eu des ennuis judiciaires depuis novembre.
Le principal d'entre eux est le président de la Fédération chinoise de football (CFA), Chen Xuyuan, qui fait l'objet d'une enquête pour "violations graves de la discipline et de la loi", selon une déclaration de l'agence gouvernementale des sports cette semaine.
L'ancien sélectionneur national, Li Tie, passé par la Premier League dans les années 2000, s'est aussi retrouvé sous le coup d'une enquête l'année dernière.
Enquête sans précédent
C'est "sans doute la plus grande enquête sur la corruption jamais menée dans le football chinois", affirme à l'AFP William Bi, consultant sportif basé à Pékin. Bien plus importante, selon lui, que celle qui avait révélé des matchs truqués, des pots-de-vin et des jeux d'argent interdits il y a dix ans.
M. Chen, un ancien docker de Shanghai, avait promis de mettre de l'ordre dans un championnat réputé pour ses dépenses excessives et sa mauvaise gestion. Mais le changement s'est fait attendre et la Chine a échoué à se qualifier pour le Mondial-2022 au Qatar, ce qui a coûté son poste au sélectionneur Li.
La Chine, qui occupe une modeste 79e place au classement mondial de la Fifa -entre la Géorgie et le Honduras- ne s'est qualifiée pour la Coupe du monde qu'une seule fois, en 2002. En Corée du Sud, elle avait perdu ses trois matches, sans inscrire le moindre but.
Après MM. Li et Chen, deux autres hauts responsables de la CFA -Chen Yongliang et Liu Yi- se sont retrouvés sur le gril en janvier.
Aucune des infractions reprochées aux quatre hommes n'a été révélée, et l'Administration générale des sports n'a pas répondu à une demande de commentaire de l'AFP.
Là où l'argent brille...
Le football d'élite en Chine est "super riche par rapport aux autres sports" du pays, explique Ping Wu, maître de conférences en sociologie du sport à l'Université britannique de Bedfordshire.
Et "là où l'argent brille en abondance, la corruption est fréquente. C'est un phénomène universel", rappelle-t-elle.
Mais, avant même la saison actuelle, les clubs chinois avaient renoncé aux dépenses à outrance qui attiraient des joueurs de renom comme les Brésiliens Oscar et Hulk ou encore l'Argentin Carlos Tevez.
Depuis 2020, la politique "zéro Covid" a bouleversé le championnat, vidé les stades et provoqué l'annulation d'événements internationaux comme la Coupe d'Asie, que la Chine devait accueillir.
"De nombreuses équipes se débattent dans des difficultés financières et la plupart ont des arriérés de paiement", explique M. Bi. "C'est un contraste saisissant avec la ruée vers l'or d'il y a sept ou huit ans".
"Le développement du football chinois a atteint un nouveau point bas", affirme-t-il.
Pour Simon Chadwick, professeur à la Skema Business School de Paris, la corruption n'est qu'une composante d'un "problème structurel et systémique beaucoup plus important" dans le football chinois.
Ce problème est "un mélange toxique d'Etat autoritaire et d'entrepreneurs et investisseurs spéculatifs" qui ont tenté de forcer son développement, estime-t-il.
"Les pays mettent normalement des décennies à établir les fondations d'un succès au niveau de l'élite", rappelle-t-il, décrivant l'agitation autour de la corruption comme une "réaction instinctive à un échec à court et moyen terme".
Malgré tout, "la Chine est devenue une grande puissance dans le sponsoring du football", affirme pour sa part Mme Wu, qui s'attend à ce que le pays fasse le ménage dans ce sport, le plus populaire au monde, et redouble d'efforts pour se qualifier au Mondial de 2026, le premier à 48 nations. Avant d'espérer accueillir la compétition.
"L'organisation des Jeux olympiques d'été de Pékin en 2008 et d'hiver en 2022 a permis à la Chine de progresser dans de nombreux sports qui n'étaient pas ses points forts", fait-elle remarquer. "De même, l'accueil de la phase finale de la Coupe du monde favorisera le développement sain du football masculin en Chine."