NEW YORK: Volée sous les nazis, rendue il y a un an à ses propriétaires légitimes, qui l'ont finalement vendue, une peinture emblématique de Marc Chagall est exposée toute l'année au Musée juif de New York, à qui son nouvel acquéreur l'a prêtée.
L'huile sur toile est un portrait très expressif du père de l'artiste franco-russe, qui l'avait peint en 1911 après s'être installé à Paris. Le tableau a connu une histoire tumultueuse, dont la dernière étape a été sa vente aux enchères à New York, le 15 novembre dernier, pour 7,4 millions de dollars.
Ses propriétaires légitimes, les héritiers d'un luthier polonais juif, David Cender, avaient décidé de s'en séparer peu après que la France leur eut restitué la peinture. Mais ils ont demandé que l'acquéreur, resté anonyme, la prête pour qu'elle soit exposée dans un lieu symbolique pour leur communauté, a expliqué à l'AFP le Musée juif de New York.
Une demande acceptée, mais le nouveau propriétaire y a ajouté une condition: que le tableau reste à New York, a ajouté le musée.
L'oeuvre avait été achetée en 1928 par David Cender, qui avait perdu ses biens quand il avait été forcé de s'installer dans le ghetto de Lodz, en Pologne, en 1940.
Déporté à Auschwitz, où sa femme et sa fille avaient été tuées, ce musicien avait survécu et s'était installé en France en 1958, où il est mort en 1966 sans recouvrer la possession du tableau.
Entretemps, l'oeuvre avait été rachetée, entre 1947 et 1953, par Marc Chagall lui-même, probablement en ignorant son origine, selon le ministère français de la Culture et la maison d'enchères Phillips, qui l'a mis en vente.
Après la mort de Chagall en France en 1985, "Le Père" était entré dans les collections nationales françaises en 1988, puis il avait été affecté au centre Pompidou et déposé au Musée d'art et d'histoire du Judaïsme à Paris.
La France l'a rendu à la famille Cender en 2022, après avoir fait voter une loi spécifique pour restituer l'oeuvre et quatorze autres à des descendants de familles juives spoliées.
La directrice du Musée juif de New York, Claudia Gould, s'est dite "honorée" de recevoir le tableau en prêt et de pouvoir l'exposer.
"Le pillage massif et systématique d'oeuvres d'art pendant la Seconde guerre mondiale, ainsi que le sauvetage et le retour de nombre d'entre elles, est l'une des histoires les plus dramatiques de l'art du 20e siècle, qui continue à avoir des répercussions aujourd'hui. Il est impératif que le Musée juif raconte ces histoires", a-t-elle souligné dans un communiqué.
Le tableau sera exposé jusqu'au 1er janvier 2024.