SAMANDAG: Des dizaines de bras s'agitent frénétiquement lorsque démarre la distribution d'appareils de de chauffage, de couvertures et blousons offerts par une télévision privée turque: dans le quartier Atatürk de Samandag (Sud), les habitants enragent contre l'Etat, toujours absent selon eux onze jours après le séisme.
Les habitants de la grande ville d'Antakya, chef-lieu de province d'Hatay dévastée par le tremblement de terre du 6 février qui a fait plus de 36 000 morts en Turquie, ont eux aussi crié à l'abandon les jours suivant la catastrophe.
L'aide a fini par arriver.
A Samandag, ville de 40 000 habitants proche de la frontière syrienne, à 25 km au sud-ouest d'Antakya, la colère contre les autorités reste intacte.
Hasan Irmak, 57 ans, a vu sa maison s'écrouler la nuit du séisme, perdant cinq membres de sa famille, dont sa fille Belinda, six ans.
"Elle était en vie pendant deux jours. Je lui parlais dans les ruines. Puis elle a perdu toute énergie. Le troisième jour, elle était morte. Les secouristes de l'Afad (l'organisme public de gestion des catastrophes, NDLR) sont arrivés le quatrième", se désole-t-il.
Depuis lors, Hasan survit plutôt qu'il ne vit. Il a dû enterrer ses proches en famille, sans l'aide de quiconque. Les rescapés vivent dans une petite cabane en métal rouge qu'il a construite pour eux. Glaciale à la nuit tombée.
"Nous n'avons pas d'eau, pas de toilettes, pas de médicaments, pas de docteurs. Je porte les mêmes habits depuis onze jours. Il n'y a pas de magasins ouverts, pas de banques. Il me reste 25 livres (environ 1,25 euro) pour ma famille", crie-t-il, sortant les quelques billets de sa poche.
"Le gouvernement a dit qu'il nous aiderait financièrement. Mais rien n'est venu."
«Citoyen de troisième classe»
Dans son quartier, des dizaines de maisons se sont effondrées ou sont devenues inhabitables. Celle de Semir Ayranci, un forgeron de 43 ans, semble relativement épargnée, avec seulement quelques lézardes apparentes.
Mais faute de permission d'y résider accordée par les autorités, il doit dormir dans une tente qu'il a dressée sur le terrain adjacent, avec 23 membres de sa famille. Et se nourrir de ce que des camions apportent parfois.
"Toutes ces distributions sont des initiatives privées. Nous sommes abandonnés par l'Etat. Aujourd'hui, onze jours après le séisme, il ne nous a toujours rien envoyé", s'énerve-t-il, se percevant "comme un citoyen de troisième classe".
Les habitants du quartier redoublent donc de solidarité. Le boulanger, après un appel aux dons sur les réseaux sociaux, s'est fait livrer d'énormes quantités de farine. Il travaille désormais d'arrache-pied pour fournir gratuitement du pain.
Quelques mètres plus loin, un rouleau compresseur nivelle un terrain pour qu'y soient installés mobile-homes et tentes, cadeaux d'un généreux donateur, expliquent les superviseurs des travaux.
Juste à côté, quatre femmes pèlent des pommes de terre qui serviront à la soupe populaire. "Il n'y a pas d'Etat. Nous sommes toutes bénévoles", s'indigne l'une d'elles, Seval Yuves, 44 ans.
"Onze jours sont déjà passés. C'est terrible", poursuit cette femme vêtue d'un manteau jaune. Depuis le séisme, sa famille et elle dorment dans la remorque d'un camion prêtée par un voisin.