Ukraine: Wagner critique l'armée russe et voit Bakhmout résister jusqu'au printemps

Autrefois discret, Evguéni Prigojine a longtemps été un allié invisible du Kremlin dont il exécutait certaines des basses oeuvres. (Photo, AFP)
Autrefois discret, Evguéni Prigojine a longtemps été un allié invisible du Kremlin dont il exécutait certaines des basses oeuvres. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 17 février 2023

Ukraine: Wagner critique l'armée russe et voit Bakhmout résister jusqu'au printemps

  • Ses propos interviennent alors que Moscou est en quête d'une victoire à quelques jours du premier anniversaire de son invasion le 24 février
  • «Je pense qu'on aurait pris Bakhmout s'il n'y avait pas cette monstrueuse bureaucratie militaire, et si on ne nous mettait pas des bâtons dans les roues tous les jours», a fustigé Evguéni Prigojine

MOSCOU: Le patron des paramilitaires russes de Wagner a jugé que Bakhmout, épicentre des combats dans l'est de l'Ukraine, ne tomberait pas avant "mars ou avril", s'en prenant à la "bureaucratie militaire" qui freine selon lui l'offensive.

Ses propos interviennent à un moment où la Russie est en quête d'une victoire à quelques jours du premier anniversaire du déclenchement du conflit, le 24 février, et sur fond d'intensification ces dernières semaines de son assaut dans la partie orientale du territoire ukrainien.

"Je pense que c'est mars ou avril. Pour prendre Bakhmout, il faut couper toutes les routes d'approvisionnement" ukrainiennes, a dit Evguéni Prigojine, fondateur du groupe Wagner, dans une vidéo publiée sur internet.

"Je pense qu'on aurait pris Bakhmout s'il n'y avait pas cette monstrueuse bureaucratie militaire et si on ne nous mettait pas des bâtons dans les roues tous les jours", a poursuivi M. Prigojine dans une autre vidéo, étalant sur la place publique ses différends avec la hiérarchie militaire.

Les Etats-Unis et leurs alliés préparent l'adoption de nouvelles sanctions contre la Russie pour le premier anniversaire de l'invasion, a déclaré jeudi à des journalistes Victoria Nuland, secrétaire d'Etat adjointe aux affaires politiques.

"Vous allez voir autour du 24 un nouveau gros paquet de sanctions des Etats-Unis et de tous nos alliés partenaires du G7", a-t-elle indiqué. "Ces sanctions vont approfondir et élargir dans certaines catégories les mesures que nous avons déjà prises, tout particulièrement pour limiter le flux de technologies vers l'industrie de la défense russe".

Le chef de la diplomatie israélienne Eli Cohen a pour sa part effectué jeudi la première visite d'un ministre de l'Etat hébreu en Ukraine depuis le début de l'offensive russe.

"Israël est résolument solidaire des Ukrainiens et reste attaché à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de l'Ukraine", a déclaré M. Cohen.

"Israël s'oppose fermement au meurtre de civils innocents", a-t-il encore martelé, après s'être rendu dans la ville martyre de Boutcha, symbole des atrocités dont est accusée la Russie, et au mémorial de Babi Yar, symbole de l'extermination des juifs d'Ukraine par les nazis.

Il a ensuite rouvert officiellement l'ambassade israélienne à Kiev, un geste diplomatique fort alors que, jusqu'ici, Israël avait pris soin de rester neutre dans ce conflit.

«Nous tenons bon»

Evguéni Prigojine a également estimé que le fait que Wagner ne puisse plus recruter de prisonniers en échange d'une amnistie constitue une "saignée" pour son organisation, en première ligne à Bakhmout.

Interrogés par l'AFP jeudi, des officiers ukrainiens dans cette cité ont affirmé que le moral restait élevé, malgré les récentes avancées russes.

"Nous devons reconnaître les succès de l'ennemi. Il y a une armée russe régulière ici" dont l'artillerie tire "avec précision", a dit Artiom, commandant adjoint d'une unité des garde-frontières ukrainiens.

Un autre officier, Iouri, a qualifié la situation à Bakhmout de "stable", tout en refusant de faire des prévisions pour la suite. "Nous tenons bon", a-t-il ajouté.

Selon le Parquet ukrainien, cinq civils ont été tués et neuf blessés jeudi dans des bombardements sur Bakhmout.

La Russie continue en parallèle sa campagne de bombardements des infrastructures ukrainiennes, y faisant une fois encore pleuvoir dans la nuit de mercredi à jeudi missiles et drones, causant la mort d'une personne.

Selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, les troupes russes ont tiré 36 missiles et drones, dont la moitié ont été abattus.

Rome demande à Pékin de «faire pression» sur Moscou

Le ministre italien des Affaires étrangères Antonio Tajani a demandé jeudi au chef de la diplomatie chinoise Wang Yi, de passage à Rome, de "faire pression" sur la Russie pour arriver à une "paix juste" en Ukraine.

"La Chine doit jouer un rôle fondamental pour pousser en direction de la paix", a affirmé M. Tajani, cité dans un communiqué de son ministère diffusé dans la soirée.

"Je suis sûr que Pékin est prêt à s'engager en ce sens", a-t-il ajouté, tandis que Wang Yi doit se rendre à Moscou après sa tournée européenne.

Le ministre italien, qui a reçu Wang Yi au siège de son ministère, "a réaffirmé la nécessité de faire pression sur la Russie pour favoriser les conditions d'une 'paix juste', à travers le soutien à la diplomatie, des sanctions efficaces, l'aide humanitaire et la justice pour les victimes", selon le communiqué.

Expulsion de diplomates

L'intensification des combats dans l'est intervient avant l'entrée prochaine du conflit dans sa seconde année et à un moment où la Russie est soupçonnée de préparer un nouvel assaut d'ampleur.

"Nous devons être préparés pour le long terme, cela peut durer de très nombreuses années", a averti jeudi le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg, dans un entretien avec l'AFP.

"Nous sommes là pour nous assurer que l'Ukraine gagne cette guerre", a-t-il promis.

Les Occidentaux devraient livrer dans les semaines à venir à l'Ukraine chars modernes, autres blindés et missiles de longue portée, autant d'armements qui pourraient encore accroître les problèmes de l'armée russe.

Depuis plusieurs mois, Américains et Européens aident aussi Kiev à se défendre dans le cyberespace, où les attaques russes contre l'Ukraine ont augmenté de 250% en 2022, d'après un rapport de Google.

Convaincu que son armée l'emportera sur le terrain, le président russe Vladimir Poutine doit, quant à lui, prononcer un important discours le 21 février.

La Russie a par ailleurs annoncé jeudi l'expulsion de quatre diplomates autrichiens en réponse à celle de quatre Russes plus tôt en février.

Elle a aussi déclaré avoir récupéré 101 de ses militaires au cours d'un échange de prisonniers avec l'Ukraine, qui a de son côté dit avoir obtenu le retour de 100 soldats et d'un civil.

Seul allié européen de la Russie, le président du Bélarus Alexandre Loukachenko a assuré jeudi que son pays ne se joindrait à l'offensive russe que s'il était directement attaqué, des conjectures allant bon train depuis des mois à ce sujet.

Le soutien à l'Ukraine du Congrès américain ne va pas faiblir, assure un sénateur à l'AFP

Les Etats-Unis vont continuer de débloquer de grosses enveloppes pour l'Ukraine, malgré l'hostilité de certains républicains, a tenu à rassurer l'influent sénateur démocrate Sheldon Whitehouse dans un entretien avec l'AFP jeudi, juste avant de s'envoler pour la Conférence de Munich sur la sécurité.

"Nous allons avant tout leur dire que l'Amérique soutient l'Ukraine de façon transpartisane et dans les deux chambres du Congrès", affirme Sheldon Whitehouse.

Pour appuyer ce message, le sénateur démocrate se rend dans la capitale bavaroise aux côtés du puissant élu républicain Lindsey Graham.

Selon M. Whitehouse, l'hostilité de la droite dure au déblocage de nouvelles grandes enveloppes pour l'Ukraine est largement exagérée: "Les (élus) excentriques s'attirent l'attention médiatique, mais je pense que la grande majorité, y compris des républicains à la Chambre, veulent continuer de soutenir l'Ukraine, tant qu'il n'y a pas d'inquiétudes autour de la corruption."

Il est "possible" qu'un accord soit trouvé à Munich sur la livraison d'avions de combat à Kiev, a aussi souligné l'élu du Rhode Island. Il a toutefois exhorté "d'autres alliés" à contribuer à l'effort, afin d'infirmer les accusations de Vladimir Poutine sur une prétendue "guerre par procuration" menée par les Etats-Unis en Ukraine.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »