Story Killers, l’enquête qui démasque une agence israélienne spécialisée dans la désinformation

Rachid M'Barki et son ex-femme Marianne Soubret assistent à la cérémonie d'ouverture du 16ème Festival International du Film de Marrakech, le 2 décembre 2016. (Photo,AFP)
Rachid M'Barki et son ex-femme Marianne Soubret assistent à la cérémonie d'ouverture du 16ème Festival International du Film de Marrakech, le 2 décembre 2016. (Photo,AFP)
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Publié le Samedi 18 février 2023

Story Killers, l’enquête qui démasque une agence israélienne spécialisée dans la désinformation

  • L’affaire BFM TV n’est que la partie émergée de l’iceberg: c’est ce que démontre l’enquête menée par le consortium de journalistes
  • L’équipe d’investigation s’est présentée comme un groupe de «consultants indépendants» qui travaillait pour un client africain

PARIS: Une enquête menée en France par la cellule investigation de Radio France avec le consortium Forbidden Stories dans le cadre d’une enquête plus vaste intitulée «Story Killers» a réuni plus de cent journalistes qui ont travaillé pour trente médias internationaux pendant plus de six mois. Les informations qui en découlent sont choquantes. Elles ont été révélées au grand public avec l’affaire d’ingérence à BFM TV et le cas du journaliste expérimenté Rachid M'Barki, suspendu par sa direction depuis le 11 janvier dernier.
L’affaire BFM TV n’est que la partie émergée de l’iceberg: c’est ce que démontre l’enquête menée par le consortium de journalistes. En réalité, les investigations menées exposent, faits incontestables à l’appui, l’étendue et le pouvoir de l’industrie de la désinformation.
La piste BFM TV a mené les journalistes d’investigation Frédéric Métézeau (Radio France), Gur Megiddo (TheMarker, Israël) et Omer Benjakob (Haaretz) en Israël, où ils ont réussi à infiltrer ce que l’enquête de Radio France décrit comme une «structure spécialisée dans l'influence, la manipulation électorale et la désinformation». Il s’agirait d’une société fantôme qui n’aurait aucune existence légale. Elle gérerait une équipe appelée «Team Jorge» en référence au nom de son dirigeant. Très réservés et méfiants, les membres de l’équipe se présentent comme d'anciens officiers de l'armée ou des services de renseignement israéliens, des experts en information financière, des spécialistes des questions militaires, de la guerre psychologique ou des médias sociaux. Pour infiltrer cette structure, l’équipe d’investigation s’est présentée comme un groupe de «consultants indépendants» qui travaillait pour un client africain et avait pour mission d’influencer un scrutin électoral.
Une fois le climat de confiance installé, Jorge et ses collègues affirment à l’équipe d’enquêteurs que leur structure est intervenue dans «trente-trois campagnes électorales au niveau présidentiel, les deux tiers d'entre elles en Afrique anglophone et francophone; vingt-sept ont été un succès». En revanche, ils ne s’autorisent pas à se mêler de trois domaines spécifiques qui sont «la politique nationale américaine, la Russie et Israël».


Services vendus aux renseignements
L’enquête révèle ainsi que la désinformation est inscrite dans l’ADN du mode opératoire de cette structure qui a réussi à développer une plate-forme numérique puissante nommée «Advanced Impact Media Solutions», également connue sous l’acronyme «Aims». Cette dernière est en réalité un logiciel qui permet de fabriquer de faux profils et de les activer sur les plus grands réseaux sociaux. Selon les aveux de ses membres, Team Jorge affirme avoir réussi à vendre Aims à plusieurs services gouvernementaux de renseignement.
Lors de l’enquête, Team Jorge procède à une démonstration détaillée du mode de fonctionnement d’Aims, qui, au début de l’année 2023, exploitait plus de trente-neuf mille faux profils. Ce travail de professionnel donne à ces profils créés une crédibilité appuyée par de vraies photos, de vrais e-mails, de vrais comptes sur Amazon ou Airbnb, de vrais commentaires sous des vidéos YouTube – et même d’authentiques numéros de téléphone grâce auxquels ces usurpateurs parviennent à tromper d’importantes plates-formes qui exigent une vérification des comptes et des identifiants à deux étapes.
Par ses logiciels, son savoir-faire, ses contacts et ses moyens, Team Jorge est capable de créer une fausse information, de la diffuser (parfois par le biais de médias crédibles, comme cela a été le cas avec BFM TV) et de piloter les interactions sur les réseaux sociaux pour la rendre virale.
Team Jorge affirme d’ailleurs avoir parfois recours au «recrutement» de journalistes au sein de grands médias étrangers. Lors de leurs discussions avec les enquêteurs, les responsables de la société israélienne montrent une vidéo du 19 septembre 2022 dans laquelle on voit Rachid M'Barki, le journaliste de BFM TV, faire part, images à l'appui, des difficultés que connaît l'industrie du yachting à Monaco après la mise en place des sanctions contre les oligarques russes. Une fois diffusé, cet extrait a été isolé et diffusé massivement sur Twitter par la plate-forme Aims afin de le rendre viral. L'objet de cette intervention consiste donc clairement à discréditer les sanctions infligées à la Russie.
Un degré de sophistication surprenant
Dans le cadre du projet Story Killers, le journaliste Damien Leloup, qui travaille pour le quotidien Le Monde, affirme avoir été «très surpris et impressionné par le degré de sophistication technique de cette plate-forme et par les dispositions mises en place pour échapper aux mesures de détection, celles de Facebook notamment». Aims est selon lui «capable de générer des éléments techniques qui lui permettent vraiment de se faire passer pour un humain».
Team Jorge avoue avoir également contribué au sabotage de plusieurs scrutins, dont le premier référendum sur l'indépendance de la Catalogne, organisé le 9 novembre 2014. Il se vante en outre d’avoir facturé l’une de ses prestations 6 millions d'euros – il s’agissait d’obtenir le report d'un scrutin dans un pays africain. L’enquête révèle que cette structure affirme aller plus loin en usant de procédés illégaux, comme la mise sur écoute par le biais de la complicité d’employés de compagnies de télécommunication. Elle avoue également aux enquêteurs sa pratique d’un lobbying ciblé avec l’aide de personnalités connues comme l'Israélien Ilan Mizrahi, ancien directeur adjoint du Mossad et ancien conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre Ehud Olmert, ou encore Roger Noriega, un ancien diplomate des administrations George W. Bush et Reagan.
Mais qui est Jorge?
L’enquête a réussi à identifier Jorge, de son vrai nom Tal Hanan, un ancien officier de l’armée israélienne reconverti en conférencier qui a été interviewé par un bon nombre de médias en ligne ainsi que par des quotidiens à gros tirage comme The Washington Post, en 2006.
Tal Hanan est le patron de Sol Energy et de Denoman, deux sociétés spécialisées dans la sécurité et le renseignement. La biographie que l’on trouve sur l’un de ses sites officiels le décrit comme un spécialiste des explosifs qui a servi dans les forces spéciales de l'armée israélienne et a commandé des opérations à haut risque de protection de cadres au Mexique, en Colombie et au Venezuela. Il aurait dirigé des programmes de formation en matière de lutte contre le terrorisme… pour le gouvernement américain.


A Marseille, Notre-Dame de la Garde, symbole de la ville, se refait une beauté

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  • "C'est la chance d'une vie" d'avoir pu étudier "depuis la fin des années 1990 jusqu'à aujourd'hui" cette basilique, raconte l'architecte en charge des travaux de redorure et de restauration, Xavier David
  • Après l'installation pendant plusieurs semaines d'un échafaudage enveloppé d'une bâche thermosoudée, les travaux porteront à la fin de l'été sur la surface de la statue, dont la dorure a été abîmée par le mistral, l'air marin et la pollution industrielle

MARSEILLE: Cent mètres carrés de feuilles d'or à appliquer derrière un échafaudage surplombant la baie de Marseille, dans le sud de la France: un chantier monumental s'apprête à démarrer à Notre-Dame de la Garde pour redonner son éclat à la "Bonne Mère", statue de la vierge à l'enfant emblématique de la ville.

"C'est la chance d'une vie" d'avoir pu étudier "depuis la fin des années 1990 jusqu'à aujourd'hui" cette basilique, raconte l'architecte en charge des travaux de redorure et de restauration, Xavier David.

"On est enfin arrivé au plus haut, au plus précieux, au plus important", ajoute-t-il à propos de la redorure de la statue haute de 11,2 mètres et dont la couronne, à 225 mètres au-dessus de la Méditerranée, est le point culminant de la deuxième ville de France.

Pour évaluer avec précision les travaux, prévus de février à décembre, Xavier David a notamment descendu en rappel les quatre versants de la vierge dorée.

"Il faut voir aussi avec la main, on ne peut pas seulement voir avec l'oeil", explique celui qui arpente depuis plusieurs décennies l'étroit escalier en colimaçon situé dans les entrailles de la "Bonne-Mère", au sommet duquel on peut observer, par une trappe au milieu de la couronne de la statue, toute la ville de Marseille, sa baie et ses collines.

Après l'installation pendant plusieurs semaines d'un échafaudage enveloppé d'une bâche thermosoudée, les travaux porteront à la fin de l'été sur la surface de la statue, dont la dorure a été abîmée par le mistral, l'air marin et la pollution industrielle.

"La redorure de la statue a lieu à peu près tous les 30 ans", explique à l'AFP le père Olivier Spinosa, recteur du sanctuaire.

"Peu de personnel" 

Et de rappeler que la "Bonne Mère" est "véritablement une statue qui rassemble parce que, quand on arrive à Marseille, on la voit de loin, parce que, un jour ou l'autre, beaucoup de Marseillais se sont tournés vers elle, pour retrouver un peu de souffle, un peu d'espérance, de la joie".

"La vierge, c'est la mère, c'est l'enfant, c'est très méditerranéen, c'est l'amour, donc voilà, je crois que rien que pour ça, il faut la redorer", s'enthousiasme Nicole Leonetti, une retraitée marseillaise en visite à la basilique.

En amont de ce chantier de près de 2,5 millions d'euros, le diocèse de Marseille, propriétaire de l'édifice, a lancé une campagne de dons, proposant aux particuliers de financer une des 30.000 feuilles d'or nécessaires.

Le diocèse a également reçu le soutien de mécènes, comme l'armateur CMA CGM du milliardaire Rodolphe Saadé, basé à Marseille, ou encore le club de foot Olympique de Marseille et le groupe de spiritueux Pernod Ricard.

Lors du lancement de la campagne en mai, le cardinal de la ville, Jean-Marc Aveline, avait insisté sur "l'importance symbolique de Notre-Dame de la Garde", assurant que la "Bonne Mère" évoquait aux Marseillais des valeurs d'accueil et de dignité.

Marseille est "une ville où la population, pour la plupart, est arrivée d'ailleurs (...) à cause de divers problèmes de guerre, de famine, de misère, de corruption", avait détaillé le cardinal.

Le chantier ne concernera pas seulement la surface de la statue, mais aussi sa structure métallique ou encore les anges du clocher.

"Il y aura peu de personnel, seulement des compagnons très pointus, très compétents qui vont travailler sur la pierre, d'autres sur le fer, avant l'arrivée des doreurs" au mois d'août, explique Xavier David.

Une douzaine de doreurs travailleront "dans une sorte d'atmosphère stérile" à l'intérieur de l'échafaudage recouvert de la bâche.

La statue a été réalisée au XIXe siècle en "galvanoplastie", qui consiste à plonger un moule en plâtre dans un bain de cuivre.

Elle est la plus grande au monde réalisée avec cette technique, "qui donne en sculpture le travail le plus fin et le plus pérenne, puisque 140 ans plus tard, cette statue est encore parfaitement intacte", explique l'architecte. "A la condition qu'on lui apporte un soin particulier tous les 25-30 ans."


Paris appelle les forces rwandaises à «quitter instamment la RDC»

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  • "La souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC ne sont pas négociables", a déclaré à la presse le porte-parole de la diplomatie française Christophe Lemoine, selon qui le ministre Jean-Noël Barrot est attendu à Kigali après s'être rendu à Kinshasa
  • Dans la capitale congolaise, M. Barrot s'est entretenu dans la matinée avec le président Félix Tshisekedi avant de s'envoler pour Kigali où il doit rencontrer Paul Kagame

PARIS: Paris appelle les forces rwandaises à "quitter instamment" la République démocratique du Congo et le groupe armé M23 qu'elles soutiennent à "se retirer immédiatement des territoires dont il a pris le contrôle", a affirmé jeudi le ministère des Affaires étrangères.

"La souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC ne sont pas négociables", a déclaré à la presse le porte-parole de la diplomatie française Christophe Lemoine, selon qui le ministre Jean-Noël Barrot est attendu à Kigali après s'être rendu à Kinshasa.

Dans la capitale congolaise, M. Barrot s'est entretenu dans la matinée avec le président Félix Tshisekedi avant de s'envoler pour Kigali où il doit rencontrer Paul Kagame.

Comme l'avait fait Emmanuel Macron lors d'un échange téléphonique avec son homologue rwandais il y a quelque jours, le chef de la diplomatie française, "redira cette position: le retrait des troupes rwandaises" du territoire de la RDC, selon Christophe Lemoine.

La démarche diplomatique française s'inscrit "en soutien aux processus" de Luanda et de Nairobi", des médiations conduites par l'Angola et le Kenya, respectivement au nom de l'Union africaine et de la Communauté des États d'Afrique de l'Est, a-t-il précisé.

Le groupe armé antigouvernemental M23 a pris le contrôle de Goma, grande ville de plus d'un million d'habitants, à l'issue d'une offensive éclair de quelques semaines au côté de troupes rwandaises. Il a indiqué jeudi qu'il continuerait sa "marche de libération jusqu'à Kinshasa".


Larcher au PS: «censurer à nouveau le gouvernement» serait «irresponsable»

Le président du Sénat français Gérard Larcher (C) s'exprime après le discours du Premier ministre français François Bayrou (non vu) au Sénat, la chambre haute du parlement français, à Paris le 15 janvier 2025. (AFP)
Le président du Sénat français Gérard Larcher (C) s'exprime après le discours du Premier ministre français François Bayrou (non vu) au Sénat, la chambre haute du parlement français, à Paris le 15 janvier 2025. (AFP)
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  • Le président LR du Sénat Gérard Larcher a appelé jeudi les socialistes à "la responsabilité", car "censurer à nouveau le gouvernement" serait "une idée irresponsable"
  • Si la commission mixte paritaire, composée de sept députés et sept sénateurs, parvient à s'entendre jeudi ou vendredi, le texte de compromis reviendra au vote à l'Assemblée lundi et au Sénat mardi

PARIS: Le président LR du Sénat Gérard Larcher a appelé jeudi les socialistes à "la responsabilité", car "censurer à nouveau le gouvernement" serait "une idée irresponsable", alors qu'une réunion cruciale pour trouver un compromis entre Assemblée et Sénat sur le projet de budget de l'État doit s'ouvrir à 9h30.

"Il faut qu'ils mesurent leur responsabilité vis-à-vis du pays", a déclaré Gérard Larcher sur France 2. "Est-ce qu'on peut continuer à être sans budget, avec les conséquences que ça a au quotidien pour les citoyens, pour les collectivités territoriales, pour le monde économique?", a-t-il interrogé.

Si la commission mixte paritaire, composée de sept députés et sept sénateurs, parvient à s'entendre jeudi ou vendredi, le texte de compromis reviendra au vote à l'Assemblée lundi et au Sénat mardi. Dans la chambre basse, le Premier ministre François Bayrou devrait faire usage du 49 alinéa 3 de la Constitution, pour le faire adopter sans vote et donc s'exposer à une motion de censure des députés.

"Est-ce qu'on peut continuer à jouer de cette manière? Je pense que les socialistes sont des gens responsables et qu'à un moment ou un autre, ils marqueront  clairement qu'ils ne sont pas d'accord avec ce budget", a défendu le président du Sénat. "Mais l'idée de censurer à nouveau le gouvernement m'apparaît une idée irresponsable".

Interrogé sur le point d'achoppement spécifique de l'aide médicale d'État (AME) avec la gauche mais aussi les macronistes, qui appartiennent à la coalition gouvernementale, Gérard Larcher a souhaité que la réduction de son enveloppe par le Sénat ne soit pas "caricaturée".

"Bien entendu, les soins d'urgence, les grossesses, la prévention, les vaccins, tout ceci est maintenu", a-t-il assuré, "mais nous réduisons l'enveloppe de l'aide médicale d'État et nous mettons sous condition d'avis médical un certain nombre d'interventions".

La droite souhaite diminuer de 200 millions les crédits alloués à l'AME réservée aux étrangers en situation irrégulière. In fine, la version commune proposée devrait acter cette réduction, selon une source parlementaire.