AL-TALOUL, Syrie: Un village de la région syrienne d'Idlib a été emporté par les eaux après que le barrage local, endommagé par les violents tremblements de terre de lundi, a soudainement cédé jeudi. En quelques heures, les eaux de crue ont englouti les maisons et déplacé toute la population.
À la suite des tremblements de terre qui ont frappé successivement le sud-est de la Turquie et le nord de la Syrie en début de semaine, les habitants du village de Salqin ont été contraints de s'abriter dans une oliveraie locale après que le fleuve Oronte a inondé leurs maisons.
Najmeddine ben Abdel Rabiei, un habitant de 26 ans, a déclaré à Arab News que son village avait subi d'importants dégâts causés par le tremblement de terre. Il a indiqué que les villageois avaient désespérément besoin d'aide humanitaire, notamment de tentes pour les protéger des intempéries.
«Toutes nos maisons sont noyées dans l'eau», a affirmé Abdel Rabiei à Arab News. «Où les gens peuvent-ils aller? Ils n'ont pas d'abri.»
Craignant de subir le même sort que les habitants d'Al-Taloul, les résidents d'autres villages situés le long de la rivière Oronte ont fui vers les hauteurs de Jisr al-Choghour et de Darkouch.
Le tremblement de terre de magnitude 7,8 a frappé certaines parties du sud-est de la Turquie, du nord-ouest de la Syrie et des régions voisines aux premières heures de lundi, suivi d'un séisme de magnitude 7,5 quelques heures plus tard.
Selon le président turc, Recep Tayyip Erdogan, la mort d'au moins 19 388 personnes a été confirmée vendredi en Turquie, dépassant ainsi le bilan du tremblement de terre dévastateur de 1999. Au moins 3 377 personnes sont mortes en Syrie.
Dans le nord-ouest de la Syrie, tenu par les rebelles, les secouristes ont déclaré que plus de 2 037 personnes sont mortes et 2 950 ont été blessées, selon le Washington Post. Dans la Syrie contrôlée par le gouvernement, les médias d'État ont fait état de 1 347 morts et de 2 295 blessés.
Bien que des secouristes et des travailleurs humanitaires soient arrivés en Turquie voisine pour participer aux efforts de secours, le nord de la Syrie, où vivent environ 4,5 millions de personnes, dont 90% dépendaient déjà de l'aide humanitaire, a reçu très peu d'aide.
«La communauté internationale a promis une aide considérable à la Turquie, à juste titre, mais, comme d'habitude, les Syriens ne sont pas pris en compte», a écrit Charles Lister, chercheur principal et directeur des programmes sur la Syrie et la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme à l'Institut du Moyen-Orient, dans le magazine Foreign Policy cette semaine.
Pour des communautés comme d’Al-Taloul, cela signifie que de nombreuses personnes ont été contraintes de dormir dehors dans des températures glaciales.
Certaines zones du nord-ouest de la Syrie ont récemment connu des températures allant jusqu'à — 4 degrés. En raison du gel hivernal, des milliers de personnes passent la nuit dans leur voiture ou se blottissent autour de feux devenus omniprésents dans la région touchée par le séisme.
La défense civile syrienne, également connue sous le nom de «Casques blancs», a été déployée à Al-Taloul pour aider à évacuer les civils piégés dans les véhicules et les bâtiments et pour nettoyer le réseau d'égouts local afin d'évacuer les eaux de crue.
Ce vendredi, les Casques blancs ont accusé l'ONU de bâcler son intervention dans le nord-ouest de la Syrie.
«L'ONU a commis un crime contre le peuple syrien dans le nord-ouest du pays», a déclaré Raed Saleh, chef des Casques blancs, à l'Agence France-Presse, affirmant que les agences de l'ONU n'avaient fourni aucune aide spécifique aux survivants depuis la catastrophe survenue lundi avant l'aube.
«L'ONU doit présenter ses excuses au peuple syrien», a ajouté Saleh.
Les habitants d'Al-Taloul étaient déjà appauvris avant le tremblement de terre, ayant vécu en état de siège dans la région tenue par l'opposition au cours des douze dernières années de guerre civile en Syrie.
Hatem al-Ali, un résident de 62 ans, a déclaré à Arab News que le tremblement de terre est la goutte d'eau qui fait déborder le vase pour la communauté.
«Al-Taloul est un village extrêmement pauvre où les gens n'ont rien», a-t-il affirmé. «L'argent a disparu et tout ce que les gens possédaient est parti en fumée. Et croyez-moi, certaines personnes ne peuvent même pas acheter un paquet de pain.»
Le besoin le plus urgent à l'heure actuelle, affirme-il, est de disposer d'abris convenables, de nourriture et d'eau potable pour éviter l'hypothermie, la faim et la propagation des maladies. «Nous demandons aux responsables d'aider ces pauvres gens», a ajouté Al-Ali.
Plus de dix ans de guerre civile et de bombardements aériens avaient déjà détruit les hôpitaux et provoqué des pénuries d'électricité et d'eau dans le nord-ouest de la Syrie, laissant les communautés totalement démunies face à une catastrophe naturelle de cette ampleur.
«Après 12 ans d'un conflit brutal au cours duquel le régime syrien a utilisé presque toutes les armes disponibles contre sa propre population, le niveau de destruction infligé par le tremblement de terre au nord-ouest de la Syrie est sans commune mesure», a écrit Lister dans son article du magazine Foreign Policy.
«S'agissant spécifiquement du nord-ouest de la Syrie contrôlé par l'opposition, une catastrophe naturelle comme celle-ci n'aurait pas pu toucher une population plus vulnérable. Avant le tremblement de terre, la région représentait l'une des crises humanitaires les plus graves au monde.»
«Plus de 4,5 millions de civils vivent dans une petite zone qui ne représente pas plus de 4% de la Syrie — et près de 3 millions d'entre eux sont déplacés. Au moins 65% des infrastructures de base sont détruites ou fortement endommagées.»
Avant même le tremblement de terre, 2 millions de personnes n'avaient déjà pas de logement adéquat pendant le rude hiver syrien. Parmi elles, 800 000 personnes, dont la plupart sont des enfants, vivent dans des abris de fortune sans accès fiable au chauffage, à l'électricité, à l'eau potable ou aux installations sanitaires.
«C'est vraiment un scénario de cauchemar», a dévoilé Lister. «Une catastrophe naturelle désastreuse frappe l'une des populations les plus vulnérables du monde, laissant des milliers de bâtiments rasés et des milliers de victimes dans un climat hivernal glacial et pas une seule route n'est ouverte pour acheminer l'aide.»
Le Programme alimentaire mondial des Nations unies a lancé un appel de 77 millions de dollars américains (1 dollar américain = 0,94 euro) pour fournir des rations alimentaires et des repas chauds à 874 000 personnes touchées par le séisme meurtrier.
Le bilan des besoins d'aide «comprend 284 000 personnes nouvellement déplacées en Syrie et 590 000 personnes en Turquie, dont 45 000 réfugiés et 545 000 personnes déplacées à l'intérieur du pays», a précisé le rapport.
Mike Ryan, directeur exécutif du programme d'urgences sanitaires de l'Organisation mondiale de la santé, a déploré vendredi la «crise oubliée» de la Syrie.
«Les Syriens semblent être une réflexion après coup», a déclaré Charles Lister, directeur des programmes sur la Syrie et la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme à l'Institut du Moyen-Orient.
Alors que l'OMS se prépare à acheminer des fournitures médicales vers la Syrie depuis Dubaï, Ryan a signalé qu'un énorme retard dans l'acheminement de l'aide attendait d'atteindre le nord-ouest de la Syrie, tenu par les rebelles.
«Le monde a oublié la Syrie», a déclaré Ryan aux journalistes à Dubaï, lors des préparatifs du vol d'aide. «Franchement, le tremblement de terre a ramené l'attention. Mais ces millions de personnes en Syrie luttent maintenant depuis des années. Cela est devenu une crise oubliée.»
La Syrie est maintenant confrontée à un «désastre secondaire» de vies perdues à cause d'un manque d’équipements médicales, a insisté Ryan.
«Nous devons reconnaître que l'ampleur de cette catastrophe est si grande qu'elle dépasse les capacités de chacun. S'ils n'ont pas d'équipement, ils ne peuvent pas faire leur travail — c'est comme demander à un pompier de se précipiter sur un incendie sans lance à eau.»
Bab al-Hawa, en Turquie, le seul poste frontalier par lequel l'aide humanitaire des Nations unies est autorisée à entrer dans le nord de la Syrie, a été initialement fermé en raison des dommages subis lors du tremblement de terre.
Comme la majeure partie de l'aide entrant en Syrie doit passer par Damas, qui contrôle strictement sa distribution aux gouvernorats, la fermeture de Bab al-Hawa a rendu encore plus difficile l'acheminement d'une aide adéquate et rapide dans les zones les plus durement touchées.
Les premières livraisons d'aide internationale dans le nord-ouest de la Syrie, tenu par les rebelles, suite au séisme, sont arrivées jeudi. Le gouvernement syrien a déclaré qu'il avait également approuvé l'acheminement de l'aide humanitaire dans les zones touchées par le séisme qui ne sont pas sous son contrôle.
Un deuxième convoi d'aide de l'ONU a traversé la Syrie tenue par les rebelles depuis la Turquie vendredi. Le convoi de 14 camions transportait des articles non alimentaires tels que «des kits de secours, des lampes solaires, des couvertures et d'autres aides», a révélé Paul Dillon, porte-parole de l'Organisation internationale pour les migrations, dans un communiqué.
L'aide «sera suffisante pour environ 1 100 familles dans les zones touchées par le séisme à Idlib», a-t-il ajouté.
Le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, a exhorté le Conseil de sécurité à autoriser l'ouverture de nouveaux points d'aide humanitaire transfrontaliers entre la Turquie et la Syrie. La Turquie a déclaré qu'elle travaillait à l'ouverture de deux nouveaux itinéraires vers les régions de la Syrie tenues par les rebelles.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com