ATHENES: Avec les élections en ligne de mire, les députés grecs ont décidé mercredi de faire barrage à un parti politique fondé par un ancien cadre de la formation néonazie Aube dorée qui purge une lourde peine de prison.
Le Parlement grec a adopté dans la soirée un amendement à la loi électorale de 2021 qui prévoit qu'un parti politique ne pourra pas participer aux élections si sa direction, officielle ou officieuse, a été condamnée pour appartenance à une organisation criminelle.
Visé par cette réforme voulue par le gouvernement conservateur de Kyriakos Mitsotakis : le parti d'extrême droite "Les Hellènes" porté sur les fonds baptismaux il y a trois ans par Ilias Kassidiaris, l'ancien porte-parole d'Aube dorée, aujourd'hui sous les verrous.
Cet ancien député du parti néonazi de 2012 à 2019 avait créé sa propre formation quelques mois avant son emprisonnement en octobre 2020.
A l'issue du procès de 67 dirigeants et cadres d'Aube dorée, cet homme de 42 ans, violent, négationniste et raciste, avait été condamné à 13 ans et demi de prison ferme pour son appartenance à une "organisation criminelle".
Aube dorée, dont les scores électoraux au pic de la crise financière avaient alarmé l'Europe entière, avait été impliquée dans l'assassinat en 2013 d'un rappeur antiraciste, Pavlos Fyssas. Ce crime est aujourd'hui jugé en appel.
Or, quatre ans après leur éviction du Parlement, Kyriakos Mitsotakis veut à tout prix éviter le retour de néonazis à l'issue des élections générales prévues au printemps.
Avec cet amendement, les autorités vont empêcher qu'Ilias Kassidiaris ne place à la tête de son parti "un homme de paille tout en continuant de diriger de facto le parti", explique à l'AFP le spécialiste de droit constitutionnel Nikos Alivizatos.
«Obligation morale»
Car malgré son incarcération, Ilias Kassidiaris a continué ses activités politiques. Depuis sa cellule de prison, il s'adresse régulièrement à ses sympathisants par des messages vocaux diffusés sur sa chaîne youtube qui compte plus de 120.000 abonnés.
Selon une enquête de l'institut Marc pour la chaîne de télévision Ant1, le parti "Les Hellènes" obtiendrait 3,4% des suffrages aux prochaines élections, un score supérieur au seuil de 3% fixé pour pouvoir envoyer des députés à la Vouli.
D'autres sondages placent ce parti juste en dessous de ce seuil mais en progression constante ces derniers mois.
Le Premier ministre a insisté sur "l'obligation morale de la démocratie de se prémunir contre ses ennemis".
Celle-ci "ne peut pas légitimer, et certainement pas financer, des organisations qui sapent ouvertement son fonctionnement", a-t-il fait valoir, en assurant qu'il s'agissait d'une "disposition similaire à celle déjà en vigueur dans plusieurs pays européens".
En Allemagne, à l'issue d'un long imbroglio juridique, les autorités ne sont pas parvenues à faire interdire le parti néonazi NPD qui n'a toutefois jamais réussi à entrer au Bundestag.
«Diatribes antisémites»
En Grèce, cette réforme ne rencontre pas que des soutiens. Pour Nikos Alivizatos, "la démocratie libérale doit tolérer ce genre de partis (fasciste) comme elle doit tolérer les partis et les groupuscules de gauche qui invoquent la dictature du prolétariat".
La Gauche radicale Syriza a émis des réserves. "Je crains qu'au lieu d'isoler les néo-nazis, l'amendement ne leur donne un coup de fouet majeur", a jugé l'ancien Premier ministre Alexis Tsipras.
Le nom de Kassidiaris est associé à des diatribes antisémites, des outrances nationalistes, des ruades anti-système et des accès de violence.
Lors d'une émission télévisée en 2012, il avait giflé une députée communiste et jeté son verre d'eau à la figure d'une élue de Syriza.
Ilias Kassidiaris affiche ses sympathies pour le Troisième Reich jusque sur son corps : il s'est fait tatouer sur son bras gauche une croix gammée.
En 2012, dans un climat de détresse sociale liée à la crise financière en Grèce, de perte de confiance dans les institutions et de discrédit des principaux partis politiques, Aube dorée avait fait une entrée fracassante au parlement avec 18 députés.
L'immense majorité des Grecs semble aujourd'hui vouloir en finir. Selon l'étude de Marc, 73,8% des personnes interrogées se disent favorables à l'interdiction du parti d'Ilias Kassidiaris.