PARIS: "Comment on sort de ça par le haut? L'agitation provoquée mardi par la prise de parole à l'Assemblée nationale d'Adrien Quatennens, malgré sa condamnation pour violence conjugale, oblige les partis à se réinterroger sur le sort fait aux auteurs de violences, que la justice soit passée ou non.
Lorsqu'il s'est levé après 22h30 pour présenter un amendement à la réforme des retraites, le député qui siège désormais parmi les non inscrits a provoqué des réactions contradictoires emblématiques de la gêne des partis sur le sujet.
Certains députés de la France insoumise (LFI), des proches de Jean-Luc Mélenchon, l'ont applaudi, à l'image de Gabriel Amard, Sofia Chikirou et Sébastien Delogu, bien qu'il soit exclu du groupe pendant quatre mois.
Dans le même temps, des élues de la Nupes ont quitté l'hémicycle, des députés de majorité présidentielle ont crié au "scandale" et à "la honte".
L'intervention d'Adrien Quatennens s'est soldée par une interruption de séance et laissé entière la question du sort qui doit être réservé aux élus mis en cause pour violences sexuelles et sexistes.
Tous les partis politiques comptent dans leurs rangs des auteurs de ce type de violences, mais aucun n'a vraiment réussi à appliquer des règles valant pour tous.
Ces élus doivent-ils être frappés à jamais d'indignité ? Combien de temps le purgatoire doit-il durer ? Doit-il être calqué sur la condamnation pénale ?
Mercredi, le député LFI François Ruffin a relancé l'idée d'une "charte nationale" commune aux partis politiques, syndicats et entreprises qui décrirait "comment on procède" pour que "ce ne soit pas réglé à la petite semaine".
Dans le cas d'Adrien Quatennens, la justice l'a condamné à quatre mois de prison avec sursis, et la question de son avenir au sein de sa famille politique reste ouverte.
Et dans celui par exemple du député Renaissance Damien Abad, accusé de plusieurs viols, la justice ne pourrait intervenir que dans très longtemps. Ou pas du tout.
« C'est dramatique »
Pour François Ruffin, le temps politique ne doit pas nécessairement coïncider avec le temps judiciaire.
"Il y a une distinction entre les sanctions qui sont prises par un parti, par un syndicat, par une entreprise et la peine de justice", a rappelé François Ruffin.
"S'il y a des affaires de corruption à l'intérieur d'un parti, le parti peut prendre des mesures à lui seul qui ne relèvent pas de la justice", a-t-il détaillé.
Fin de non-recevoir chez Renaissance, le parti d'Emmanuel Macron.
La cheffe de file des députés, Aurore Bergé, l'a rappelé tard mardi soir: "on a toujours dit que la seule vérité existante était la vérité judiciaire", a-t-elle expliqué. Pour elle, les applaudissements qui ont accueilli Adrien Quatennens sont "le summum de l'indécence".
"C'est un sujet qui nous concerne tous", a jugé le député insoumis Lous Boyard, renvoyant la balle vers la droite et l'extrême droite.
"Peut-être que cette réflexion pourrait être intéressante pour les LR ou le RN ? Chez eux, on n'a pas entendu vraiment de libération de la parole des femmes sur ce sujet-là ?", a-t-il insisté sur RMC, estimant également que Renaissance faisait montre d'"opportunisme".
Au sein de La France insoumise et chez ses alliés de la Nupes en tout cas, le malaise est profond.
"On n'a pas fait preuve d'exemplarité, on a mal géré cette affaire dès le début en termes de symbole", confiait récemment une députée LFI.
La stratégie de communication d'Adrien Quatannens, qui a crié au lendemain de sa condamnation sur BFMTV au "lynchage" et accablait sa femme sans que celle-ci ait jamais pris la parole publiquement, "a révélé une argumentation qui est du registre d'une inversion du rapport agressée/agresseur", explique Danielle Simonnet, également députée LFI.
Le mouvement doit "voir à quelle conditions il peut parler en notre nom", a-t-elle ajouté.
"A force de ne pas vouloir entendre, on est dans quelque chose de conflictuel qui sape un peu tous les efforts qui ont pu être faits sur cette question. C'est dramatique", a regretté de son côté la députée écologiste Sandrine Rousseau.