BAGDAD: La directrice allemande d'un centre culturel à Bagdad, Hella Mewis, a été libérée et remise vendredi à son ambassade en Irak, après trois jours de captivité, ont indiqué les autorités des deux pays.
Mme Mewis, qui travaille à Bagdad depuis 2013, avait pris fait et cause pour les manifestations antipouvoir déclenchées en Irak en octobre 2019. Des dizaines de militants ont disparu, plus ou moins brièvement, l'ONU accusant des « milices » de ces disparitions forcées.
On ignore toujours l'identité des ravisseurs et les raisons de l'enlèvement de l'Allemande, qui fait partie des rares Occidentaux vivant hors de la Zone Verte ultrasécurisée de Bagdad, où siègent plusieurs missions diplomatiques.
Une source de sécurité irakienne a toutefois expliqué qu'elle avait été libérée parce que l'unité d'élite du renseignement irakien, les Faucons, était parvenue à remonter une piste quelques heures après l'enlèvement.
Les Faucons ont interpellé un homme auquel ils ont montré les images de vidéosurveillance de l'enlèvement. « Il a alors identifié certains ravisseurs, des hommes appartenant à une faction se réclamant du Hachd al-Chaabi », une coalition de paramilitaires pro-iraniens intégrée aux forces de sécurité, selon la même source.
Une fois ces informations obtenues, l'homme a été relâché et « les forces de sécurité ont pu faire pression sur les ravisseurs pour qu'ils libèrent l'otage allemande », a ajouté cette source.
Mme Mewis se trouvait à Sadr City, un quartier chiite de Bagdad où les forces de l'ordre tentent depuis des années d'imposer la loi mais en vain, selon la même source.
Elle a ensuite « été remise au chargé d'affaires allemand à Bagdad », selon le ministère de l'Intérieur.
Sur caméra
Après sa libération, Mme Mewis, dont le centre d'art, Tarkib, est connu pour soutenir de jeunes artistes, a contacté son amie Dhikra Sarsam.
« Elle m'a dit qu'elle allait bien et qu'elle n'avait pas été maltraitée », a affirmé Mme Sarsam. « Elle va partir au plus vite en Allemagne. »
Des médias locaux ont diffusé des images de vidéosurveillance de l'enlèvement de Mme Mewis: prise en étau entre une berline noire et un pick-up blanc, un modèle utilisé par certaines forces de sécurité, elle est forcée de descendre de son vélo par des hommes qui la poussent violemment à l'intérieur du pick-up.
Les policiers du commissariat à quelques mètres de là ne sont pas intervenus, a affirmé un responsable de la sécurité.
Les autorités n'ont jamais arrêté ni accusé une quelconque partie dans les enlèvements de militants ces derniers mois dans un pays où les factions armées pro-iraniennes gagnent en influence.
Le porte-parole du Hachd s'est félicité sur Twitter de la libération de Mme Mewis, tout en appelant à « enquêter sur la présence clandestine de cette étrangère depuis huit ans à Bagdad ». Mme Mewis assiste pourtant régulièrement à des événements publics, souvent avec des officiels.
Le juge Abdelsattar Bayraqdar, porte-parole du Conseil suprême de la magistrature, a pour sa part indiqué que « l'enquête sur ce crime se poursuit ».
Après sa libération, le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, s'est dit « très soulagé ».
Selon Mme Sarsam, Mme Mewis était inquiète depuis l'assassinat début juillet à Bagdad du chercheur Hicham al-Hachémi, connu lui aussi pour son soutien à la révolte antipouvoir.