BEYROUTH : Le juge Tarek Bitar chargé de l'enquête sur l'explosion meurtrière à Beyrouth en 2020 a indiqué lundi avoir reporté les interrogatoires programmés en février en raison du différend qui l'oppose au parquet près la Cour de cassation.
Malgré les pressions, surtout politiques, auxquelles il est soumis, M. Bitar, juge indépendant, avait décidé fin janvier de reprendre l'enquête sur l'explosion du 4 août 2020 qui a fait plus de 215 morts.
L'explosion a été déclenchée par un incendie dans un entrepôt abritant des tonnes de nitrate d'ammonium stockées "sans mesures de précaution", de l'aveu même des autorités qui sont accusées par des ONG et les familles des victimes de torpiller l'enquête pour éviter des inculpations.
Dans son bureau du palais de justice de Beyrouth, le juge Tarek Bitar a déclaré lundi à des journalistes, dont l'AFP, qu'il avait décidé de suspendre tous les interrogatoires prévus en février, faute de coopération avec le parquet près la Cour de cassation.
"L'enquête judiciaire doit être accompagnée par le procureur général près la Cour de cassation, et il faut qu'il y ait une coopération entre les deux", a-t-il déclaré.
Le 24 janvier, M. Bitar avait inculpé huit personnes, dont le procureur général près la Cour de Cassation Ghassan Oueidate, et fixé des interrogatoires pour 13 prévenus.
En riposte, M. Oueidate avait décidé de le poursuivre pour "rébellion contre la justice" et "usurpation de pouvoir".
"Il y a des plaintes contre moi pour usurpation de pouvoir qui doivent être résolues et une enquête menée", a déclaré M. Bitar aux journalistes lundi.
"S'il est prouvé que j'ai usurpé le pouvoir, je dois être tenu pour responsable, et dans le cas contraire, l'enquête doit se poursuivre", a-t-il poursuivi.
Des observateurs craignent que cette crise au sein de la justice ne provoque l'effondrement du système judiciaire, une des dernières institutions encore debout dans le pays en proie à une grave crise sociale, économique et politique.