PARIS: Le président français Emmanuel Macron est confronté au plus gros bras de fer avec les syndicats depuis son arrivée au pouvoir en 2017, l'issue d'une série de grèves et manifestations contre le projet de réforme des retraites étant considérée comme décisive par les deux parties.
Le dirigeant de 45 ans a fait de la réforme des retraites un emblème de son second mandat, que les syndicats et des millions de manifestants sont déterminés à bloquer.
Après deux journées de grèves nationales et de manifestations, voici ce qu'il pourrait se passer dans la rue, au Parlement, au sein du gouvernement et dans l'opinion publique française dans les prochaines semaines.
Dans la rue
Les leaders syndicaux se sont félicités de la deuxième journée de protestations de mardi, qui, selon eux, a réuni 2,5 millions de personnes dans la rue.
Le décompte du ministère de l'Intérieur a fait état d'1,27 million de manifestants contre 1,1 million lors de la première journée de mobilisation le 19 janvier.
L'élan est du côté des syndicats qui ont annoncé deux nouvelles journée de protestations et de grèves mardi et samedi prochain.
"La mobilisation est toujours plus forte, et elle est étendue sur l'ensemble du territoire," a déclaré le patron du syndicat CGT Philippe Martinez.
Cependant les syndicats n'ont plus la capacité de paralyser le pays et la plupart des salariés du tertiaire peuvent facilement s'adapter à la pénurie de transports grâce au télétravail.
La plus grande crainte des autorités est une répétition des manifestations des "gilets jaunes". En 2018, ce mouvement spontané, issu principalement de la campagne et de petites villes françaises, avait conduit à de violents affrontements avec la police.
"Le traumatisme était si grand et la violence si importante, que je ne vois pas comment cela pourrait se reproduire pour le moment", a expliqué le politologue Bruno Cautrès à l'AFP.
Au gouvernement
Le gouvernement s'attendait à une réaction massive. Rares sont les changements politiques majeurs sans protestations en France.
L'ancien président de la République Nicolas Sarkozy s'était heurté à une résistance similaire avec sa réforme des retraites en 2010.
Macron a fait face à plusieurs mouvements syndicaux depuis 2017 et il a toujours réussi a faire passer ses réformes. La seule exception concerne sa première tentative de réformes des retraites, déjà très controversée, qui avait été retirée en 2020 pendant la pandémie de Covid-19.
La Première ministre Élisabeth Borne est en première ligne pour défendre la réforme, mais alors que les rangs de la contestations se durcissent, le président pourrait être contraint d'entrer dans la mêlée.
"Je pense que le président s'exprimera, mais il n'a pas d'intérêt de le faire maintenant," a déclaré à l'AFP un ministre sous couvert d'anonymat. "S'il le faisait, ce serait un peu vu comme: Panique à bord."
Au Parlement
Le projet de loi sera débattu pour la première fois entre les 577 députés de l'Assemblée nationale lundi.
Les alliés d'Emmanuel Macron constituent le groupe le plus important avec 170 députés, mais ils ne détiennent plus la majorité absolue depuis les élections législatives de juin.
Le soutien des 62 députés du parti de droite Les Républicains (LR), qui milite depuis longtemps pour le relèvement de l'âge de la retraite, sera essentiel pour adopter la réforme.
"Je souhaite que le régime de répartition permette de payer les retraites de demain", a déclaré jeudi Éric Ciotti, président du parti LR. "Si on ne le réforme pas, nous n’y arriverons pas."
Mais le soutien de l'ensemble des députés LR reste incertain.
Le débat à l'Assemblée nationale s'achèvera le 17 février au plus tard, pour que le texte passe ensuite au Sénat. Le gouvernement pourrait également faire passer la loi grâce à des pouvoirs exécutifs controversés qui le dispenseraient du vote du Parlement.
Dans l'opinion publique
Les derniers sondages montrent que plus que deux tiers des Français s'opposent à la réforme et une majorité de la population soutient les manifestations.
Les ministres s'efforcent de trouver des arguments en faveur de leur projet, arguant que les changements sont nécessaires pour réduire les dépenses publiques et qu'ils rendront le système de retraite plus équitable.
Mais "le gouvernement n'a pas réussi à convaincre de la nécessité de sa réforme", a déclaré à l'AFP Bernard Sananes, responsable du groupe de sondage Elabe.
En privé, les alliés du président Macron expliquent que leur meilleur espoir est l'adoption rapide d'un projet qui ne sera jamais populaire, mais qui pourrait être accepté à contrecœur comme nécessaire.
"La question est de savoir le degré de mobilisation et la durée de tout cela," a déclaré à l'AFP un ministre sous couvert d'anonymat.