BAGDAD: La télévision allemande Deutsche Welle (DW) a annoncé qu'un célèbre journaliste de sa chaîne en arabe avait été empêché d'enregistrer une émission en Irak en raison de "pressions" de responsables irakiens, poussant l'équipe de tournage à quitter Bagdad dans la précipitation.
Contactés par l'AFP, le ministère de l'Intérieur et l'autorité encadrant les médias en Irak n'avaient pas donné suite dans la journée de vendredi.
Jaafar Abdul Karim, qui anime la très populaire émission "JaafarTalk", devait enregistrer cette semaine une émission dans un parc de Bagdad. Il devait y être question "du chômage des jeunes, de la participation politique et des droits de la femme", a indiqué DW dans un communiqué publié jeudi soir.
Des représentants du mouvement de contestation de 2019 et des responsables du gouvernement irakien devaient participer à l'émission, dont l'animateur est très suivi sur les réseaux sociaux pour sa liberté de ton et les sujets sensibles qu'il aborde.
Mais l'équipe a fait l'objet de "pressions croissantes" de la part de "hauts responsables irakiens", a assuré la chaîne.
Les autorités compétentes ont ensuite "soudainement" demandé une "autorisation spéciale de tournage", même si, selon les dires de DW, elle était déjà munie des permis nécessaires.
"Des représentants du ministère de l'Intérieur irakien" se sont rendus à l'hôtel de l'équipe mercredi soir pour informer l'animateur qu'il n'était pas autorisé à travailler sans une autorisation spéciale et que, sans elle, il risquait d'être arrêté, lui assurant que "le gouvernement irakien ne pouvait plus garantir sa sécurité", a encore indiqué DW.
Le lendemain matin, Jaafar Abdul Karim, Allemand d'origine libanaise, et ses collaborateurs ont "dû quitter l'Irak (...) en raison d'inquiétudes liées à leur sécurité".
La Deutsche Welle a indiqué avoir protesté auprès de l'ambassade d'Irak à Berlin.
L'Irak est classé à la 172e place sur 180 au baromètre de Reporters sans frontières (RSF) sur les pays les plus dangereux pour les journalistes. En juin, la mission de l'ONU en Irak déplorait un "environnement de peur et d'intimidation" limitant la liberté d'expression.
Le soulèvement de 2019 avait été réprimé dans le sang et par la suite des dizaines de militants avaient été victimes d'assassinats, tentatives d'assassinat ou d'enlèvements.
"Vous pouvez nous menacer lorsque nous voulons produire notre épisode en Irak, mais vous ne pouvez pas menacer toute une génération qui croit aux droits humains et à la liberté", a réagi Jaafar Abdul Karim sur Twitter vendredi.