Retraites: Borne ne dévie pas d'une réforme «indispensable »

La Première ministre française Elisabeth Borne lors de l'émission politique "L'Evénement", consacrée à la réforme des retraites et diffusée sur la chaîne de télévision française France 2 à Aubervilliers dans la banlieue nord de Paris, le 2 février 2023 (Photo, AFP).
La Première ministre française Elisabeth Borne lors de l'émission politique "L'Evénement", consacrée à la réforme des retraites et diffusée sur la chaîne de télévision française France 2 à Aubervilliers dans la banlieue nord de Paris, le 2 février 2023 (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 03 février 2023

Retraites: Borne ne dévie pas d'une réforme «indispensable »

  • La cheffe du gouvernement, très attendue, s'est livrée devant la journaliste Caroline Roux à une nouvelle séance d'explications et de pédagogie
  • Invitée à dire si elle répèterait aujourd'hui que cette réforme est « juste», elle n'a pas réutilisé ce mot. « Il faut de la justice dans la façon dont on répartit l’effort entre les Français», a-t-elle seulement indiqué

PARIS: Sous la pression de mobilisations grandissantes contre sa réforme des retraites, Élisabeth Borne a défendu jeudi soir sur France 2 un projet "indispensable" sans revenir sur le report très contesté de l'âge de départ, mais en se montrant ouverte à des aménagements sur l'emploi des seniors ou les carrières longues.

La cheffe du gouvernement, très attendue, s'est livrée devant la journaliste Caroline Roux à une nouvelle séance d'explications et de pédagogie.

"C'est indispensable de mener une réforme pour préserver notre système de retraites par répartition", même si "demander aux Français de travailler progressivement plus longtemps ça n'est pas simple", a-t-elle affirmé.

Invitée à dire si elle répèterait aujourd'hui que cette réforme est "juste", elle n'a pas réutilisé ce mot. "Il faut de la justice dans la façon dont on répartit l’effort entre les Français", a-t-elle seulement indiqué.

Le gouvernement a été critiqué pour avoir dit au moment de la présentation de sa réforme le 10 janvier que celle-ci était "juste" et porteuse de "progrès social" alors qu'il subsistera des disparités de durées de cotisations. Ceux qui ont commencé à travailler tôt devront contribuer plus longtemps au système, et la situation de certaines femmes a aussi été soulignée.

L'exécutif a depuis recentré son message sur "l'effort" demandé aux Français et sur le caractère "indispensable" de la réforme pour "sauver" le système.

«Peu d'empathie»
"On vient de revivre la conférence de presse (de présentation du projet): la retraite pour les nuls. Comme s’il n’y avait pas eu deux journées de mobilisation. On aurait aimé un peu d’empathie", a réagi le patron de la CFDT Laurent Berger, qui est opposé, comme l'ensemble des syndicats au report de l'âge de départ de 62 à 64 ans. Il a appelé à "amplifier le mouvement".

Le président des Républicains Eric Ciotti, sur qui le gouvernement compte pour faire voter sa réforme, a trouvé la Première ministre "à la peine" et "peu convaincante dans ses explications", estimant qu'il n'y a "rien de nouveau sur la table".

Élisabeth Borne s'est dite cependant "ouverte" à des aménagements de certaines mesures d'accompagnement.

Elle a ainsi fait savoir qu'elle était favorable à ce le Parlement élargisse les possibilités de sanctions contre les entreprises sur la question cruciale de l'emploi des seniors.

Elle a aussi promis un "débat" à l'Assemblée sur les carrières longues, sur lesquelles le chef de file des députés de droite, Olivier Marleix, reçu à Matignon mercredi, avait évoqué un terrain d'entente.

Sur les femmes, dont certaines sont pénalisées par la réforme, elle a admis que l'effort demandé concerne "des femmes comme des hommes" mais "pas celles qui ont commencé à travailler tôt, qui ont des métiers pénibles", ou "qui ont eu des carrières hachées".

«Sans ambiguïté»
La cheffe du gouvernement espérait convaincre les Français mais aussi sa majorité, au sein de laquelle des élus ont émis des doutes.

Elle a reçu à cet égard, juste avant son émission, le soutien d'Edouard Philippe, chef du parti allié Horizons, qui a annoncé sur BFMTV son soutien "sans ambiguïté" au projet.

Accusé de ne pas suffisamment soutenir l'exécutif, ce partisan d'un report de l'âge de départ jusqu'à 65, 66 voire 67 ans, voit son groupe semer la confusion, certains députés menaçant de voter contre ou s'abstenir.

La Première ministre a assuré qu'elle n'avait "pas de doute" sur le vote de la majorité en faveur de la réforme et assuré qu'elle n'envisageait pas de recourir au 49.3 qui permet l'adoption d'un texte sans vote sauf motion de censure.

L'Assemblée nationale commence lundi l'examen du texte, sur lequel environ 20.000 amendements ont été déposés, plus de la moitié par La France insoumise (LFI)

En première ligne sur cette réforme, la cote de confiance d'Elisabeth Borne a atteint un plus bas depuis sa nomination à 23% (-4 points), selon un sondage Elabe réalisé mardi et mercredi.

Après une mobilisation record mardi, avec entre 1,2 et 2,7 millions de personnes dans la rue, qui sera suivie par deux nouvelles journées d'action la semaine prochaine, elle a redit qu'elle "mesurait ce que ça représentait" de travailler plus longtemps.

Mais dimanche, Mme Borne avait déjà serré la vis en affirmant que le report à 64 ans, qui cristallise le mécontentement, n'était "plus négociable".

Ce raidissement expose à d'éventuels blocages dans le pays, que 60% (+3 points en une semaine) des Français "comprendraient", selon un sondage Elabe publié mercredi, tandis que 71% restent opposés à la réforme

 

Retraites: la réforme questionne le rapport au travail, selon le politiste Bruno Palier

Le projet de réforme des retraites, en voulant "faire des économies très vite", ébranle notre "rapport au travail", estime le politiste Bruno Palier (CNRS/Sciences Po), spécialiste des systèmes de protection sociale et auteur de "Réformer les retraites" (Presses de Sciences Po, 2021).

Votre livre propose une analyse historique et comparative des réformes des retraites. Celle-ci s'inscrit-elle dans une tendance générale ?

Ce qui se dégage clairement en Europe, c'est que l’État renonce progressivement à garantir le maintien du niveau de vie des retraités par rapport à ce qu'ils avaient pendant leur période active. En revanche, il lutte contre la pauvreté en garantissant des minima de pension, le minimum vieillesse en France.

Un autre pilier de nos systèmes est l'idée de contributivité: quand vous cotisez, vous touchez une pension qui se rapproche de votre revenu d'avant. Enfin, une dernière tendance historique est de favoriser, par des exonérations fiscales, l'épargne placée dans des fonds de pension pour ceux qui le souhaitent et le peuvent. Cela a commencé en Angleterre, puis en Suède, en Allemagne. La France y est venue après avec les plans d'épargne retraite.

Le projet va-t-il creuser davantage les inégalités, comme l'en accusent ses détracteurs ?

La première inégalité est celle entre générations puisque tout le monde ne va pas bénéficier de la même promesse du système de retraite. Deuxième inégalité qui pénalise beaucoup les femmes: celle entre les carrières complètes et les carrières incomplètes. La troisième inégalité est entre les plus riches ou ceux qui ont la chance de travailler dans une entreprise qui cofinance une retraite par capitalisation, et les autres. Mais les réformes précédentes (entre 1993 et 2013) avaient déjà en elles cette idée qu'on ne garantira plus le maintien du niveau de vie des retraités par rapport à leur période active.

Quelle est la singularité du projet actuel ?

L'objectif est de faire des économies très vite et la meilleure façon d'en faire est de ne pas verser les retraites qu'il était prévu de verser. C'est la méthode la plus rapide: allonger la durée de cotisation prend plus de temps, augmenter les cotisations sociales est un tabou de notre politique économique.

Mais si cette réforme soulève autant de protestations c'est parce qu'elle crée une tension très forte sur le rapport au travail. Elle ne touche quasiment pas au niveau des retraites mais s'attaque au moment où on prend sa retraite. La question que l'on n'arrive pas à se poser est: pourquoi les Français ne veulent pas travailler plus longtemps ?

La réponse facile est de dire que ce sont des fainéants ! Il faut regarder de façon beaucoup plus fine: on constate d'abord que le taux d'emploi des 55-65 ans est de 56%. Cela fait 44% qui ne sont, selon la terminologie de l'Union européenne, +ni en emploi ni en retraite+ avec pour perspective dramatique un allongement de ce que les chercheurs appellent le +sas de précarité+ jusqu'à la retraite: ils ne vont pas retrouver d'emploi, leur droit au chômage va s'arrêter, leurs revenus vont baisser et leurs droits à la retraite vont diminuer. De l'autre côté, ceux qui sont encore en emploi vivent une dégradation des conditions de travail sous l'effet d'une hyperproductivité. On garde moins de salariés et on pressurise ceux qui restent. Résultat: personne n'est content.


Agriculteurs: la Coordination rurale bloque toujours le port de Bordeaux

 La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
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  • La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place
  • Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine

BORDEAUX: La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais.

La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place.

Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine et auquel les agriculteurs comme la classe politique française s'opposent.

Il s'agit de la première visite de la ministre sur le terrain depuis le retour des paysans dans la rue, une mobilisation surtout marquée en fin de semaine par les actions des bonnets jaunes de la Coordination rurale.

A Bordeaux, ils bloquent ainsi les accès au port et au dépôt pétrolier DPA: des pneus, des câbles et un tracteur entravent l'entrée du site.

Sous une pluie battante, les agriculteurs s'abritent autour d'un feu et de deux barnums tanguant avec le vent. Une file de camions bloqués dont des camions citernes s'allonge aux abords.

Les manifestants ont tenté dans la matinée de joindre Annie Genevard, sans succès.

"On bloque tant que Mme Genevard et M. Barnier [Michel Barnier, Premier ministre] ne mettent pas en place des solutions pour la profession. Des choses structurelles, (...), on ne veut pas un peu d'argent aujourd'hui pour rentrer dans nos fermes, on veut des réformes pour vivre, avoir un salaire décent", a déclaré à l'AFP Aurélie Armand, directrice de la CR du Lot-et-Garonne.

"Le temps est avec nous parce que quand il pleut on ne peut pas travailler dans les fermes, donc c'est très bien", a-t-elle lancé, alors qu'une pluie battante balaye la Gironde avec le passage de la tempête Caetano.

Plus au sud, dans les Landes, des agriculteurs de la CR40 occupent toujours une centrale d'achat Leclerc à Mont-de-Marsan mais les autorités leur ont donné jusqu'à vendredi inclus pour libérer les lieux, a-t-on appris auprès de la préfecture.

Tassement du mouvement, avant une reprise 

La préfète du département a par ailleurs condamné "les dégradations commises par des membres de la Coordination rurale" mercredi soir sur des sites de la Mutualité sociale agricole (MSA), visée par des dépôts sauvages, et de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), ciblée par un incendie "volontairement déclenché" dans son enceinte.

Sur Europe1/Cnews, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a redit que les agriculteurs avaient "parfaitement le droit de manifester", mais qu'il y avait "des lignes rouges" à ne pas dépasser: "pas d'enkystement", "pas de blocage".

A l'autre bout de la France, à Strasbourg, des membres de la CR se sont installés dans le centre avec une dizaine de tracteurs pour y distribuer 600 kilos de pommes aux passants.

"Nous, on propose un pacte avec le consommateur, c'est-à-dire lui fournir une alimentation de qualité en quantité suffisante et en contrepartie, le consommateur nous paye un prix correct", a souligné le président de la CR départementale, Paul Fritsch.

Les autorités constatent une "légère baisse" de la mobilisation à l'échelle du pays par rapport au début de la semaine, quand les syndicats majoritaires FNSEA et JA étaient aussi sur le terrain.

Ce nouvel épisode de manifestations agricoles intervient à quelques semaines d'élections professionnelles. La CR, qui préside aujourd'hui trois chambres d'agriculture, espère à cette occasion briser l'hégémonie de l'alliance FNSEA-JA et ravir "15 à 20 chambres" supplémentaires.

Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a annoncé mercredi que les prochaines manifestations emmenées par ses membres auraient lieu la semaine prochaine, "mardi, mercredi et jeudi", "pour dénoncer les entraves à l'agriculture".

FNSEA et JA avaient prévenu qu'ils se mobiliseraient jusqu'à la mi-décembre contre l'accord le Mercosur, contre les normes selon eux excessives et pour un meilleur revenu.

Troisième syndicat représentatif, la Confédération paysanne organise aussi des actions ponctuelles, contre les traités de libre-échange ou les installations énergétiques sur les terres agricoles.


Les députés approuvent en commission l'abrogation de la réforme des retraites

L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
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  • La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.
  • La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation.

PARIS : La gauche a remporté mercredi une première victoire dans son offensive pour abroger la très décriée réforme des retraites : sa proposition de ramener l'âge de départ de 64 à 62 ans a été adoptée en commission des Affaires sociales, avant son arrivée dans l'hémicycle le 28 novembre.

Le texte, présenté par le groupe LFI dans le cadre de sa niche parlementaire, a été approuvé par 35 voix (celles de la gauche et du Rassemblement national), contre 16 (venues des rangs du centre et de la droite).

La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.

Le Rassemblement national, qui avait présenté une proposition similaire fin octobre, mais que la gauche n'avait pas soutenue, a voté pour le texte de La France insoumise. « C'est le même que le nôtre et nous, nous ne sommes pas sectaires », a argumenté le député Thomas Ménagé.

La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation : celle-ci est ramenée de 43 à 42 annuités, ce qui revient à abroger également la réforme portée en 2013 par la ministre socialiste Marisol Touraine pendant le quinquennat de François Hollande.

Un amendement, présenté par les centristes du groupe Liot pour préserver la réforme Touraine, a été rejeté. Les socialistes, qui auraient préféré conserver cette réforme de 2013, ont décidé d'approuver le texte global malgré tout.

La gauche affirme qu'elle est en mesure de porter sa proposition d'abrogation jusqu'au bout : après l'examen du texte dans l'hémicycle la semaine prochaine, elle a déjà prévu de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat le 23 janvier, à l'occasion d'une niche communiste, puis en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 6 février, cette fois dans un créneau dédié aux écologistes.

Les représentants de la coalition gouvernementale ont mis en garde contre un texte « pas sérieux » ou « irresponsable ».

« Il faut être honnête vis-à-vis des Français : si cette réforme des retraites est abrogée, certes ils pourront partir à 60 ans, mais avec une retraite beaucoup plus basse », a ainsi argumenté la députée macroniste Stéphanie Rist.


Censure du gouvernement : Le Pen fait monter la pression avant sa rencontre avec Barnier

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
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  • "Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure"
  • Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget

PARIS: Marine Le Pen fait monter la pression sur Michel Barnier, avant leur rencontre lundi à Matignon : elle assure que son parti n'hésitera pas à censurer le gouvernement à la veille de Noël si "le pouvoir d'achat des Français est amputé" dans le projet de budget 2025.

"Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure", a affirmé mercredi la cheffe de file des députés du Rassemblement national sur RTL.

Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget de l'Etat.

Si le RN et la gauche votaient conjointement cette motion alors la coalition Barnier, fragile attelage entre LR et la macronie, serait renversée et le projet de budget rejeté.

Si elle n'a pas détaillé la liste précise de ses revendications, Marine Le Pen a en particulier jugé "inadmissible" la hausse envisagée par le gouvernement pour dégager trois milliards d'euros des taxes sur l'électricité, une mesure toutefois supprimée par l'Assemblée nationale en première lecture.

"Taper sur les retraités, c'est inadmissible", a-t-elle aussi affirmé, insatisfaite du compromis annoncé par le LR Laurent Wauquiez. Celui-ci prévoit d'augmenter les retraites de la moitié de l'inflation au 1er janvier, puis d'une deuxième moitié au 1er juillet pour les seules pensions sous le Smic.

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. Si elles étaient suivies, celles-ci pourraient empêcher Mme Le Pen de participer à une quatrième élection présidentielle.

Face à cette menace de censure, Michel Barnier va recevoir en début de semaine prochaine, un par un, l'ensemble des présidents de groupes parlementaires, à commencer par Marine Le Pen dès lundi matin.

Ce premier tête à tête, depuis son entrée à Matignon, suffira-t-il ?

"Et-ce que M. Barnier va respecter l’engagement qu’il a pris, que les groupes d’opposition puissent reconnaître dans son budget des éléments qui leur paraissent essentiels ?", s'est interrogée la cheffe de file des députés RN.

Les demandes de notre parti étaient "de ne pas alourdir la fiscalité sur les particuliers, de ne pas alourdir sur les entrepreneurs, de ne pas faire payer les retraités, de faire des économies structurelles sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat", a-t-elle récapitulé. "Or nous n'avons pas été entendus, nous n'avons même pas été écoutés".

Poker menteur 

Alors qu'il a déjà lâché du lest sur les économies demandées aux collectivités locales, aux retraités et aux entreprises face aux critiques de sa propre majorité, le Premier ministre, confronté à la colère sociale des agriculteurs, des fonctionnaires ou des cheminots, a très peu de marge de manoeuvres.

"L'objectif est d'arriver à un équilibre entre les ambitions des groupes parlementaires et les impératifs de rigueur" budgétaire, répète Matignon, alors que le déficit public est attendu à 6,1% du PIB fin 2024 contre 4,4% prévu initialement.

L'exécutif agite, à destination du RN mais aussi des socialistes, la menace du chaos.

"Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera le pays d'un budget et le précipitera dans le désordre et la chienlit", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur CNews.

"Le pire pour le pouvoir d'achat des Français, ce serait une crise financière", a alerté de son côté sur LCI sa collègue Astrid Panosyan-Bouvet (Travail).

Une question demeure: le RN bluffe-t-il ?

"Si le gouvernement tombe, il faudra attendre juin pour qu'il y ait des élections législatives parce qu'il ne peut pas y avoir de dissolution pour le moment!", a semblé nuancer le porte-parole du RN Julien Audoul.

Dans tous les cas, ce jeu de poker menteur risque de durer jusque la veille de Noël, lorsque l'Assemblée nationale aura à se prononcer définitivement sur le projet de budget 2025 de l'Etat.

Le RN n'entend, en effet, pas déposer ou voter de motion de censure sur les deux autres textes (fin de gestion de 2024 et projet de budget de la Sécurité sociale) qui pourraient être adoptés par 49.3 avant.