PARIS: "Cheval de Troie" d'une vidéosurveillance généralisée pour les sénateurs écologistes et communistes, mesures "incontournables" pour sécuriser les JO-2024 de Paris pour les autres, le projet de loi olympique très axé sur la sécurité a été largement adopté mardi par le Sénat.
Le texte a été voté par 245 voix pour et 28 voix contre. Examiné en procédure accélérée (une seule lecture par chambre) il va être transmis à l'Assemblée.
Débattu la semaine dernière, son article phare permet l'expérimentation de caméras dotées d'algorithmes pour détecter des mouvements de foule suspects ou éviter des "goulets d'étranglements dans le transports". Ce dispositif va "contribuer à la sécurisation des Jeux" et servira pour "évaluer en temps réel les mérites de cette technologie", s'est félicité la sénateur LR Agnès Canayer dont le groupe a voté pour.
Ces caméras d'un nouveau type pourront être déployées dès l'entrée en vigueur de la loi et pourraient donc être testées pour la Coupe du monde de rugby dans huit mois, avant d'aider à la sécurisation des JO de Paris et notamment sa cérémonie d'ouverture inédite sur la Seine le 26 juillet 2024.
"Nombreuses garanties"
Dans le rétroviseur, le fiasco de la finale de la Ligue des champions fin mai 2022 avec des spectateurs bloqués à la sortie du RER, d'autres sans billets escaladant les grilles du Stade de France, des familles aspergées de gaz lacrymo ou se faisant agresser.
C'est "un jalon indispensable dans notre préparation aux JO", s'est satisfait après le vote la ministre des Sports et des JO, Amélie Oudéa-Castéra.
"En fait de vitrine, nous aurons une France sous cloche", s'est au contraire plaint l'écologiste Guy Benarroche, dont le groupe a voté contre. Même vent de colère chez les communistes qui voit dans ce projet une dérive sécuritaire. "On ne balaie pas ainsi les droits fondamentaux, vous entachez la popularité des JO", a accusé Eliane Assassi.
Quant au groupe socialiste, il s'est abstenu car le gouvernement "n'a pas levé les doutes", a expliqué Jérôme Durain.
Face à ces critiques, le gouvernement a assuré que l'expérimentation des caméras, dites "augmentées", était entourée "de très nombreuses garanties". Il a répété qu'il excluait la reconnaissance faciale.
Le projet avait été retouché après l'avis du Conseil d'Etat et celui de la Commission nationale informatiques et libertés (Cnil). Celle-ci avait considéré d'ailleurs comme un "tournant" l'utilisation de l'intelligence artificielle dans les caméras de surveillance.
L'association La Quadrature du net ne décolère pas, pointant le fait qu'une fois les JO passés, ces mesures seront pérennisées.
"L'enjeu de sécurité privée"
Parmi les autres mesures liées à la sécurité, figure la possibilité d'utiliser des scanners corporels, qui jusqu'à présent ne sont utilisés que dans les aéroports français.
Ceux-ci pourront peut-être un peu pallier l'insuffisance d'agents de sécurité privée qui se profile. En effet, tant l'Etat que les organisateurs des JO craignent de ne pas avoir les quelque 20.000 agents nécessaires au minimum, parce que cette profession morcelée et mal payée a été mise à mal par la crise du Covid.
Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, n'a pas exclu une intervention de l'armée pour prêter main forte pendant les JO, tout en minimisant cette éventualité.
"Si, à la fin des fins des fins des fins, il manque un certain nombre de personnes, nous regarderons ce que nous pourrons faire. Mais nous pensons qu'un grand pays comme la France est capable de répondre à cet enjeu de sécurité privée", a-t-il assuré aux sénateurs.
Autre sujet délicat: des tests génétiques afin de se conformer aux standards mondiaux de l'antidopage. Il s'agit par exemple de vérifier qu'il n'y ait pas de dopage génétique (thérapie génique, ARN messager, édition génique) mais aussi de transfusion ou de substitution d'échantillon.
Malgré la diversité des positions, le débat a été relativement apaisé et pourrait s'avérer bien plus éruptif à l'Assemblée.
Il a malgré tout fini de manière houleuse lors de la présentation d'un amendement de dernière minute de François Patriat (RDPI, à majorité Renaissance) qui aurait permis la reconduction de Catherine Pégard à la tête du Château de Versailles.
Ni le sénateur ni Mme Oudéa-Castéra n'ont réussi à convaincre que cette reconduction était indispensable en raison de la tenue des épreuves olympiques d'équitation à Versailles. Dénoncé comme un amendement "fait du Prince" et critiqué de toute part, il a été finalement été retiré.