PARIS: "On connaît John Williams ("E.T", "Star Wars"), mais qui peut citer une compositrice de musique de film ?": Flore Benguigui, chanteuse du groupe L'Impératrice, décline son podcast "Cherchez la Femme" en soirées pour sortir de l'ombre les oubliées de l'industrie musicale.
"Le milieu du cinéma n'est pas le plus inclusif, c'est catastrophique pour les compositrices de musique de films", affirme l'artiste.
Avec cette thématique, la chanteuse a inauguré en cette fin de semaine "Cherchez la Femme" en version table ronde en public, mini-concerts de musiciennes, Dj Sets 100% féminins et dégustation de vin de vigneronnes.
Ce rendez-vous mensuel à Paris, est le prolongement logique de son podcast diffusé tous les mois sur Tsugi Radio, média en ligne. Flore Benguigui entend ainsi créer du réseau pour les professionnelles de la musique.
Le manque de représentation des compositrices de musique de films a été abordé avec trois d'entre elles, Uèle Lamore, Anne-Sophie Versnaeyen et Julie Roué.
"Entre 2012 et 2021, la musique originale de 37 projets soutenus par le CNC est strictement composée par des femmes, soit 6,7 % de l'ensemble des projets aidés", selon un rapport du Centre national du cinéma et de l'image animée de 2022.
"Les hommes sont assez forts pour se fédérer" constate Anne-Sophie Versnaeyen, qui trouve cependant des exceptions, comme avec Nicolas Bedos, pour qui elle a composé plusieurs musiques comme celle de "La Belle Epoque".
«Armer les jeunes compositrices»
"Les hommes choisissent leurs doubles, pour les compositrices il y aussi une identification plus évidente avec les réalisatrices", nuance Julie Roué, autrice de la B.O d'"Une femme du monde" de Cécile Ducrocq, film avec Laure Calamy. Le CNC recensait 30,6% de films réalisés ou co-réalisés par des femmes en 2021.
"Nous, les femmes, n'avons pas eu cet apprentissage des mecs qui disent +je veux mon nom sur le générique+" déplore Uèle Lamore qui a signé la B.O. du film d'Aïssa Maïga "Marcher sur l'eau", sorti en 2021. L'invisibilisation des compositrices de B.O. est en effet une autre partie du problème.
Dans son podcast, Flore Benguigui a sorti des limbes Angela Morley, femme trans (née homme, alors Walter "Wally" Stott), restée dans l'ombre de John Williams en tant qu'orchestratrice, c'est-à-dire compositrice en second, pour "Star Wars", "E.T." et "Superman". Ou encore Shirley Walker, dont le travail sur le "Batman" de Tim Burton est relégué au second plan derrière celui de Danny Elfman.
Pour entrer sous les projecteurs, Uèle Lamore prône l'instauration de "quotas" lié à l'attribution de subventions. Julie Roué agit au sein de "Troisième autrice". Un groupe Facebook devenu une association de compositrices de musique à l'image, qui organise des tables rondes sur des "sujets comme la maternité, l'argent, les contrats, ces petits tabous pour les femmes".
Le but est "d'armer les jeunes compositrices" de B.O. "pour qu'elles gagnent du temps". "Dans les festivals, quand je suis interviewée par les journalistes, la question +qu'est-ce que ça fait d'être une femme ici?+ prend la place d'une autre question, alors que j'aurais pu parler de mon travail", illustre-t-elle.