ISTANBUL: Le responsable kurde emprisonné Selahattin Demirtas a estimé que le parti pro-kurde HDP devait soutenir le candidat unique de l'opposition face au président Recep Tayyip Erdogan à la présidentielle de mai en Turquie, dans un entretien à l'AFP.
Interrogé par écrit, Selahattin Demirtas, détenu pour "terrorisme" à Edirne (nord-ouest), estime aussi que la "Table des Six", coalition de six formations d'opposition, devra tendre la main au Parti démocratique des Peuples (HDP) qu'il a contribué à fonder et dont il fut le co-président.
Les six partis veulent renverser le chef de l'Etat, au pouvoir depuis 2003, d'abord comme Premier ministre puis comme président.
Le HDP, troisième parti au Parlement, est maintenu à l'écart de l'alliance de l'opposition de par la présence en son sein du Bon Parti (Iyi), formation nationaliste.
La coprésidente du HDP et députée d'Istanbul, Pervin Buldan, a annoncé début janvier l'intention du parti de présenter un candidat face au président sortant.
Mais M. Demirtas, deux fois candidat à la présidence contre M. Erdogan - la dernière fois en 2018 depuis sa cellule-, soutient l'idée d'une candidature unie et unique, bien qu'"à ce stade il semble probable que le HDP désigne son propre candidat", relève-t-il.
"Je suis en faveur d'un candidat commun", confie-t-il, si "le candidat choisi par la Table des Six parvient à un compromis avec le HDP".
"Mais ça ne dépend ni de moi ni du HDP", poursuit cet avocat, qui aura 50 ans en avril. "On ne peut y parvenir que si la Table des Six fait des pas" dans cette direction.
«Pardonner Erdogan»
Le HDP fait actuellement l'objet d'une menace d'interdiction pour "terrorisme", accusé d'être lié "de façon organique" au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), groupe armé qualifié de "terroriste" par Ankara et ses alliés occidentaux - ce qu'il dément.
Si tel était le cas, Selahattin Demirtas affirme que "les électeurs du HDP ne seraient pas laissés sans option ni parti".
"Nous sommes prêts", assure-t-il.
La justice a déjà décidé début janvier de priver le parti d'aides publiques.
Par le passé, d'autres formations pro-kurdes ont été interdites.
Le HDP a remporté 12% des suffrages lors des élections législatives de 2018 et détient 56 sièges sur 579 au parlement.
Des milliers de ses partisans et des dizaines de ses élus, en particulier dans le sud-est à majorité kurde du pays, sont emprisonnés, accusés de soutien au terrorisme ou de menaces à la sécurité. Ce que tous démentent en dénonçant des inculpations politiques.
Selahattin Demirtas a été arrêté en 2016 et détenu depuis malgré les appels de la Cour européenne des droits de l'Homme en faveur de sa libération.
Déjà condamné en 2018, il fait face à de multiples accusations qui pourraient lui valoir jusqu'à 142 ans de prison si les charges de terrorisme sont retenues contre lui.
Il se refuse pour autant à miser sur une possible amnistie: "je ne suis coupable de rien, donc je n'ai pas à demander pardon".
"Je n'ai jamais espéré le pardon de quiconque et encore moins celui d'Erdogan. C'est plutôt à moi de lui pardonner, c'est lui le coupable", écrit-il.
Et il en est convaincu: "Erdogan et la poignée de gens qui l'entourent vont perdre".
"La démocratie, c'est certain, l'emportera: cette mentalité de l'homme fort, raciste, discriminante, nationaliste, va disparaître".