Poussée hors du Mali et du Burkina, la France se cherche une stratégie au Sahel

Dans cette photo d'archive prise le 10 novembre 2019, des soldats de l'armée française au Sahel surveillent une zone rurale lors de l'opération Bourgou IV dans le nord du Burkina Faso, le long de la frontière avec le Mali et le Niger (Photo, AFP).
Dans cette photo d'archive prise le 10 novembre 2019, des soldats de l'armée française au Sahel surveillent une zone rurale lors de l'opération Bourgou IV dans le nord du Burkina Faso, le long de la frontière avec le Mali et le Niger (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 27 janvier 2023

Poussée hors du Mali et du Burkina, la France se cherche une stratégie au Sahel

  • Le président Emmanuel Macron s'était donné six mois en février 2022 pour définir une stratégie
  • Un an plus tard, des conclusions sont attendues «dans les prochaines semaines», selon une source gouvernementale

PARIS: Le Mali l'a remplacée par les Russes, le Burkina ne veut plus d'elle et les djihadistes étendent leurs zones d'influence. En pleine disgrâce au Sahel, la France doit s'inventer une stratégie pour rester militairement efficace et politiquement influente.

La tâche tarde à prendre forme : le président Emmanuel Macron s'était donné six mois en février 2022 pour définir une stratégie après l'annonce de la fin de l'opération antidjihadiste Barkhane, entamée en 2014. Un an plus tard, des conclusions sont attendues "dans les prochaines semaines", selon une source gouvernementale.

Le déclassement, de fait, est profond. Le dernier soldat français est parti du Mali fin août après neuf ans d'opérations militaires. Les relations sont glaciales avec la junte de Bamako, qui s'est offerte les services du groupe paramilitaire russe Wagner.

En Centrafrique, où l'ex-puissance coloniale s'était déployée face aux violences intercommunautaires, les ultimes militaires présents sont partis en décembre. Et au Burkina, où les relations diplomatiques restent correctes pour l'instant, ce sont les 400 soldats des forces spéciales qui plient bagage.

Autant de signes parmi d'autres d'une lame de fond géopolitique alors que se dégrade l'image de la France dans les opinions de la région, où des puissances concurrentes, Russie en tête, soufflent allègrement sur les braises.

D'où le constat de Stephen Smith, professeur d'études africaines à l'université Duke aux Etats-Unis: "La France doit vivre avec le reproche qu'elle est responsable du bilan des indépendances", écrivait-il mardi dans le quotidien Le Figaro. "Mais il lui reste à comprendre le paradoxe que sa responsabilité monte en flèche alors que son influence en Afrique se réduit comme peau de chagrin".

Boomerang

Depuis l'indépendance de ses colonies africaines, Paris a tenté de préserver ses réseaux et gérer ses intérêts. Cette politique lui revient en boomerang, alors que plus de 100 000 ressortissants français vivent en Afrique de l'Ouest et centrale et que nombre d'entreprises y sont implantées.

"La France paie sa volonté de vouloir maintenir une présence politique et militaire très forte dans son ancien pré-carré", résume à l'AFP Jean-Hervé Jézéquel, directeur du Projet Sahel de l'organisation de résolution des conflits Crisis Group. "Au Sahel, les responsabilités sont sans doute partagées. Néanmoins, La France a joué un rôle de chef de file et doit donc assumer ses responsabilités".

L'été dernier, Emmanuel Macron avait indiqué souhaiter redéfinir le projet de l'hexagone en Afrique, notamment avec une action militaire axée sur les partenariats avec les armées locales. Et une visibilité moindre.

"L'Elysée demande dorénavant à son armée de raser les murs au sud du Sahara", ironise à cet égard Stephen Smith.

Mais quid alors de son efficacité militaire ? Le Mali est aujourd'hui inaccessible et, comme le Burkina, est impuissant face aux groupes djihadistes liés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique, qui s'étendent vers le Golfe de Guinée.

"C'est une gabegie, on n'a pas de stratégie", souffle un ancien militaire de Barkhane, déplorant une absence de vision globale cohérente.

«Problème d'accès»

Katherine Zimmerman, experte du Sahel à l'American Enterprise Institute de Washington, note que les Français "font face à un problème d'accès" aux zones de prédation des groupes au Sahel, aggravant le défi déjà énorme de lutter contre des réseaux djihadistes profondément ancrés dans les enjeux politiques locaux.

"L'armée française ne peut plus viser le coeur des réseaux au Mali et au Burkina. A la place, elle devra s'appuyer sur la Côte d'Ivoire, le Niger et le Sénégal pour limiter la propagation et contenir le problème", précise-t-elle à l'AFP, relevant que Bénin, Togo et Ghana, désormais inquiétés, peuvent aussi y contribuer en facilitant des opérations frontalières.

Mais ce qui apparaît en filigrane est bien le recul de l'espoir d'une solution militaire alors qu'il reste quelque 3 000 militaires français au Sahel, après un pic à 5 500 en 2020.

Au Mali par exemple, où l'armée sait que le rapport de force lui est défavorable, fût-ce avec l'aide de Wagner, "beaucoup d'élites pensent qu'il faut négocier pour trouver un compromis, notamment avec les groupes liés à Al-Qaïda", explique Lémine Ould Salem, analyste mauritanien.

Paris s'y est opposée "pour des raisons de doctrine", mais "c'est une de ses erreurs" car "un mauvais compromis vaut mieux qu’une guerre qui s'éternise" affirme-t-il.

Selon lui, "la France aurait pu réussir sur le plan militaire si cela avait été accompagné par une démarche politique".

Et s'il estime qu'un "modèle de coopération militaire très discret", éloigné des capitales, pourrait donner des résultats, il n'aboutira qu'à la "condition que les Africains eux-mêmes expriment ce désir-là. Sinon c'est voué à l'échec".


L'Allemagne aux urnes, sous pression de l'extrême droite et de Trump

Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
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  • Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.
  • Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

BERLIN : Alors qu'elle est déstabilisée par les crises, l'Allemagne vote dimanche pour des élections législatives où l'opposition conservatrice part largement favorite après une campagne bousculée par le retour au pouvoir de Donald Trump et l'essor de l'extrême droite.

Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.

« Nous traversons une période très incertaine », constatait Daniel Hofmann, rencontré à la sortie d'un bureau de vote à Berlin.

Selon cet urbaniste de 62 ans, qui se dit préoccupé par la « sécurité européenne » sur fond de guerre en Ukraine, le pays a besoin d'un « changement, une transformation ».

Récession économique, menace de guerre commerciale avec Washington, remise en cause du lien transatlantique et du « parapluie » américain sur lequel comptait Berlin pour assurer sa sécurité : c'est le « destin » de l'Allemagne qui est en jeu, a déclaré samedi le chef de file des conservateurs Friedrich Merz.

Ce dernier semble très bien placé pour devenir le prochain chancelier et donner un coup de barre à droite dans le pays, après l'ère du social-démocrate Olaf Scholz. D'après les derniers sondages, il recueillerait environ 30 % des intentions de vote.

Visiblement détendu, souriant et serrant de nombreuses mains, le conservateur de 69 ans a voté à Arnsberg, dans sa commune du Haut-Sauerland, à l'ouest.

Son rival social-démocrate, visage plus fermé, a lui aussi glissé son bulletin dans l'urne, à Potsdam, à l'est de Berlin.

Les électeurs ont jusqu'à 18 heures (17 heures GMT) pour voter. Les premiers sondages sortie des urnes seront publiés dans la foulée.

Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

Le parti anti-migrant et pro-russe a imposé ses thèmes de campagne, suite à plusieurs attaques et attentats meurtriers perpétrés par des étrangers sur le territoire allemand.

L'AfD a également bénéficié du soutien appuyé de l'entourage de Donald Trump pendant des semaines.

Son conseiller Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, n'a cessé de promouvoir la tête de liste du parti allemand, Alice Weidel, sur sa plateforme X.

« AfD ! » a encore posté M. Musk dans la nuit de samedi à dimanche, accompagnant son message de drapeaux allemands.
Les élections législatives anticipées ont lieu la veille du troisième anniversaire de l'invasion russe en Ukraine, un événement particulièrement marquant en Allemagne.

Le conflit a mis fin à l'approvisionnement en gaz russe du pays, qui a accueilli plus d'un million d'Ukrainiens. La perspective d'une paix négociée « dans le dos » de Kiev et des Européens inquiète tout autant.

Interrogé sur ces élections allemandes, le président américain a répondu avec désinvolture qu'il souhaitait « bonne chance » à l'allié historique des États-Unis, qui ont leurs « propres problèmes ».

Le discours de son vice-président JD Vance à Munich, dans lequel il exhortait les partis traditionnels allemands à mettre fin à leur refus de gouverner avec l'extrême droite, a creusé un peu plus le fossé entre Washington et Berlin.

Friedrich Merz souhaite que l'Allemagne puisse « assumer un rôle de leader » en Europe.

Dans le système parlementaire allemand, il pourrait s'écouler des semaines, voire des mois, avant qu'un nouveau gouvernement ne soit constitué.

Pour former une coalition, le bloc mené par les conservateurs CDU/CSU devrait se tourner vers le parti social-démocrate (SPD), excluant ainsi toute alliance avec l'AfD, avec laquelle il a entretenu des relations tendues durant la campagne, notamment sur les questions d'immigration.

Les sondages lui attribuent 15 % des voix. Ce score serait son pire résultat depuis l'après-guerre et signerait probablement la fin de la carrière politique d'Olaf Scholz. Mais auparavant, le chancelier devra assurer la transition.

« J'espère que la formation du gouvernement sera achevée d'ici Pâques », soit le 20 avril, veut croire Friedrich Merz.

Un objectif difficile à atteindre si les deux partis qui ont dominé la politique allemande depuis 1945 sont contraints, faute de majorité de députés à eux deux, de devoir trouver un troisième partenaire.

La fragmentation au Parlement dépendra notamment des résultats de petits partis et de leur capacité ou non à franchir le seuil minimum de 5 % des suffrages pour entrer au Bundestag.


Sécurité européenne, Ukraine : réunion des ministres européens de la Défense lundi

Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
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  • Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien
  • Cette réunion des ministres de la Défense s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

PARIS : Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien et de renforcer la sécurité du Vieux continent, a-t-on appris dimanche auprès du ministère français des Armées.

Cette réunion, qui se tiendra dans l'après-midi à l'initiative de l'Estonie et de la France, rassemblera également les ministres de la Défense de Lituanie, de Lettonie, de Norvège, de Finlande, de Suède, du Danemark, des Pays-Bas, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne et du Royaume-Uni, selon cette source.

À cette occasion, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, se rendra à Tallinn aux côtés de son homologue estonien Hanno Pevkur, après avoir participé aux célébrations de la fête nationale estonienne.

La France déploie environ 350 militaires en Estonie dans le cadre d'un bataillon multinational de l'OTAN.

Cette réunion des ministres de la Défense, trois ans jour pour jour après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

La semaine passée, plusieurs chefs de gouvernement européens avaient été conviés à Paris par le président Emmanuel Macron. D'après un résumé obtenu de sources parlementaires, ils se seraient accordés sur la nécessité d'un « accord de paix durable s'appuyant sur des garanties de sécurité » pour Kiev, et auraient exprimé leur « disponibilité » à « augmenter leurs investissements » dans la défense.

Plusieurs pays membres avaient en revanche exprimé des réticences quant à l'envoi de troupes européennes en Ukraine, dans l'hypothèse d'un accord mettant fin aux hostilités.


Le ministre russe des Affaires étrangères effectue une visite en Turquie lundi

Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
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  • La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

ISTAMBUL : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est attendu en Turquie lundi, jour du troisième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, ont annoncé dimanche des sources diplomatiques turques.

M. Lavrov doit s'entretenir à Ankara avec son homologue turc Hakan Fidan, ont indiqué ces mêmes sources, précisant que les deux hommes discuteraient notamment d'une solution au conflit ukrainien.

Dimanche, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé à l'agence Tass qu'une délégation menée par Sergueï Lavrov devait se rendre prochainement en Turquie pour y discuter d'« un large éventail de sujets ».

La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.

Mardi, en recevant son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

Toutefois, ces dernières semaines, Moscou et Washington ont entamé un dialogue direct, alors que les relations se réchauffent entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Mardi, Russes et Américains se sont rencontrés en Arabie saoudite pour entamer le rétablissement de leurs relations, une réunion dénoncée par Volodymyr Zelensky qui redoute un accord sur l'Ukraine à leur insu.

M. Lavrov, dont la dernière visite en Turquie remonte à octobre, doit se rendre dans la foulée en Iran, un allié de la Russie.

La Turquie, qui est parvenue à maintenir ses liens avec Moscou et Kiev, fournit des drones de combat aux Ukrainiens mais n'a pas participé aux sanctions occidentales contre la Russie.

Ankara défend parallèlement l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réclame la restitution de la Crimée du Sud, occupée par la Russie depuis 2014, au nom de la protection de la minorité tatare turcophone de cette péninsule.