MARSEILLE: "Tous ces objets partaient à la décharge, j'ai trouvé ça nul": se présentant comme un passionné d'histoire, un homme de 55 ans a comparu devant la justice mercredi à Aix-en-Provence pour avoir pillé, pendant des années, l'ex-plus grand camp militaire américain d'Europe.
"Vous ne saviez pas qu'il était interdit de faire des fouilles?", demande la présidente au prévenu, qui, depuis "tout petit", avait l'habitude de se promener dans cette zone.
"Je sais que c'est interdit sur la préhistoire, les Romains, tout ça, mais je ne savais pas du tout que c'était interdit pour la dernière guerre", se défend l'homme, chez qui des milliers d'objets, pour l'essentiel de la Seconde Guerre mondiale, ont été retrouvés.
Des armes, des insignes, des plaques d'identité mais aussi des objets de la vie quotidienne provenant de l'ancien Camp de Calas, là où ont transité deux millions de soldats américains, entre 1944 et 1946, à l'ouest d'Aix-en-Provence.
"C'est le plus grand camp militaire qui ait été installé en Europe, c'est une ville entière qu’on avait créée", rappelle à l'AFP Xavier Delestre, conservateur régional de l'archéologie à la Direction des affaires culturelles. Juste à côté se trouvait un camp de prisonniers allemands, dont proviennent également certains des objets pillés.
"J’ai trouvé de vieux revolvers très dégradés, si je ne les avais pas gardés, ils seraient toujours sous terre", s'est défendu le prévenu, qui depuis douze ans utilisait un détecteur de métaux, ainsi qu'une mini-tractopelle, une fois.
"On lui reproche d’avoir mal conservé des objets qui étaient déjà en mauvais état", cingle son avocat, maître Samir Bouchama. Les objets exhumés étaient exposés au domicile de son client, où une pièce entière leur était dédiée, mais aussi stockés dans deux garages et cinq conteneurs.
Ces conditions de conservation, notamment en raison des importantes variations de température dans les conteneurs, ont causé "d'importants dégâts" à ces vestiges, a souligné la présidente, évoquant des frais de restauration "de 1 000 à 3 000 euros par objet".
"La meilleure des protections" pour ces vestiges, "c’est de les laisser en l’état", a rappelé Xavier Delestre à la barre.
Soucieux de voir prononcée une "sanction concrète", pour que le prévenu prenne conscience "des dommages créés au patrimoine culturel français", le procureur, Antoine Guintini, a requis 240 jours-amende à 20 euros.
"Quand on aime l'histoire, on ne la piétine pas", a fait valoir l'avocat de la Drac, maître Pascal Antiq, selon qui , dans ce dossier, "monsieur a dégradé ce site pour son plaisir personnel": ici "on est passé de la passion à la compulsion, peut-être même à la pathologie".
La décision a été mise en délibéré au 22 février.