PARIS: Emmanuel Macron, qui peine à convaincre sur le climat et l'environnement, réunit jeudi un conseil de la planification écologique pour fixer sa feuille de route sur cette priorité en mal d'incarnation gouvernementale.
Le chef de l'Etat avait annoncé mi-janvier que cette réunion gouvernementale, la première du genre, permettrait de préciser "les grandes étapes des prochaines semaines".
Il s'agit de faire un "point d'étape précis secteur par secteur de la trajectoire d'émissions de gaz à effet de serre (GES)", explique-t-on à la présidence.
Pour Anne Bringault, du Réseau Action Climat (RAC), "cette réunion est très importante puisque la France est en train de réviser sa feuille de route sur le climat et l'énergie". La stratégie française reposait jusqu'ici sur une réduction de 40% des émissions de GES en 2030, mais elle doit s'adapter aux nouveaux objectifs européens, plus ambitieux, portés à -55%.
Or, "la France n'est pas du tout sur la bonne trajectoire", parce que "les changements structurels n'ont pas été mis en oeuvre", dit-elle à l'AFP. Cette experte reconnue assure ne pas avoir constaté de "réel changement" en la matière depuis la première élection d'Emmanuel Macron en 2017.
Le conseil aura lieu à l'Elysée mais à l'écart des caméras. Le président lui-même a promis d'en présenter "les conclusions" dans une prochaine vidéo.
Depuis novembre, il en a enchaîné trois sur les réseaux sociaux, dans lesquelles il défend son bilan environnemental sur un ton offensif, le tout emballé avec des plans décalés et un montage saccadé, façon président-youtubeur.
Si Emmanuel Macron tente d'instaurer un dialogue direct avec les Français, c'est que le constat est peu encourageant, huit mois après qu'il a chargé Elisabeth Borne de la "planification écologique".
"La Première ministre, elle n'imprime pas du tout sur ces sujets", soupire un conseiller ministériel, évoquant "un problème d'incarnation". Sa présentation du plan "France nation verte" en octobre a volontiers été raillé comme trop "techno". Quant à son ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, il est carrément accusé dans les milieux gouvernementaux d'être trop "absent" du front médiatique.
"Qui aurait pu prédire?"
L'entourage du président fait valoir que si Elisabeth Borne est "garante de la méthode" inédite de la planification, Emmanuel Macron est lui "redevable" de l'engagement électoral en faveur d'un second quinquennat "écologique".
"Il est normal qu'il puisse faire la pédagogie" de sa politique sur ses chantiers prioritaires, "et s'assurer que l'action s'accélère", plaide-t-on à l'Elysée.
Il est déjà monté en première ligne en annonçant le développement d'un RER dans dix métropoles ou en recevant les industriels les plus émetteurs de CO2 pour les inciter à "décarboner".
Le chef de l'Etat tente surtout de dissiper le grand malentendu qui, selon certains macronistes, s'est installé avec l'opinion sur ce sujet crucial. Au risque de l'entretenir avec des formules provocatrices ou contestées.
Lors de ses voeux aux Français le 31 décembre, il s'est attiré les sarcasmes en demandant "qui aurait pu prédire" la "crise climatique aux effets spectaculaires" de l'été dernier. "Cela fait des décennies que les scientifiques le disent", avait tonné la patronne d'Europe Ecologie Les Verts Marine Tondelier.
"J'ai été mal compris", s'est-il dédouané dans sa dernière vidéo, tout en assurant que la dégradation avait été "encore plus vite que prévu", une justification elle-même contestée par de nombreux experts.
Dans les épisodes de sa série "vos questions sur l'écologie", Emmanuel Macron passe beaucoup de temps à essayer de convaincre les nombreux sceptiques.
"J'entends les critiques (...) et la pression pour faire plus. Je la partage", a-t-il dit mi-janvier, s'adressant notamment aux jeunes. Mais "j'aime pas la critique qui consiste à dire qu'on n'aurait rien fait".
Depuis le début, l'exécutif défend une écologie non "punitive", une volonté ravivée par le traumatisme de la crise des "gilets jaunes", provoquée notamment par l'instauration d'une taxe carbone.
Elisabeth Borne assume cette écologie "complexe", des "petits choix" et des "petits gestes". Tout en reconnaissant qu'il manque "la baguette magique qui résoudrait d'un seul coup tous les problèmes".