PARIS: En France, l’année 2023 serait-elle celle de tous les dangers? Les différents chantiers répondent-ils aux défis et aux bouleversements constatés en 2022 – systèmes sociaux et sanitaires à l’épreuve et dangers géopolitiques majeurs à l’extérieur? Il n’est pas simple de trouver à ces questions des réponses qui soient à la hauteur de leurs enjeux, avec un paysage politique français éclaté et un contexte plutôt instable, en Europe comme ailleurs.
Dossiers sociaux brûlants
Au fil des années, les crises s’accumulent, en particulier dans le secteur de la santé (système public à bout de souffle) et dans celui de l’énergie. L’inflation et les effets du changement climatique n’arrangent évidemment rien. Le 10 janvier, le gouvernement a ouvert le chantier de la réforme des retraites. Neuf jours plus tard, plus d’un million de Français ont manifesté contre le projet proposé par l’exécutif. Ce regain de contestation prouve que le chemin des réformes est semé d’embûches sociales et politiques.
Au cours de son premier mandat, le président français, Emmanuel Macron, a voulu entreprendre des réformes qui ont été contrecarrées par une série inattendue de crises (Gilets jaunes, Covid-19, guerre en Ukraine). Il est également probable que son désir de remporter un second mandat présidentiel l'ait poussé à reporter le traitement de certains dossiers.
Cette fois, le président semble déterminé à accomplir quelques réalisations, à commencer par la réforme des retraites. Il explique que le fait de repousser de deux ans l’âge du départ à la retraite est indispensable pour garder l'équilibre du Trésor public, de l'économie et du marché du travail. À cet égard, des sources de l’Élysée affirment : «Il n'y a pas d'autre option pour remettre le pays sur les rails.» C’est pourquoi Macron insiste sur le fait que cette réforme est nécessaire et juste.
Sur le plan pratique, le président ne s’implique pas dans les détails de la démarche, laissant cette tâche à la Première ministre, Élisabeth Borne, et à ses principaux ministres. Il est envisagé de recourir à certains amendements constructifs du texte originel, surtout après la forte mobilisation de jeudi dernier. Ainsi, la vague de protestation qui s’exprime dans la rue par le biais des syndicats et la «guérilla» qui, au Parlement, est menée par une partie des opposants pourraient inciter le gouvernement à combler les lacunes de son texte et à faire miroiter certaines «tentations», comme l'augmentation de la pension minimum des retraités.
Dans le jeu de la répartition des rôles au sein de l'exécutif, Macron tient à faire passer les réformes malgré l'absence de majorité absolue de son camp au Parlement. Contrairement à ce qui s'est passé pour le budget, avec l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution, le gouvernement négocie avec le parti Les Républicains (la droite «classique») pour faire passer la réforme. Cela pourrait conduire à une recomposition des alliances au sein d’un paysage politique éclaté ou à de simples arrangements à la carte. La sensibilité d’Élisabeth Borne est proche du centre gauche; le gouvernement devrait donc composer entre des tendances contradictoires pour réaliser une percée sur le front de la législation.
Dans tous les cas, le président considère qu'il est nécessaire de s'engager sur la voie de la réforme, aussi difficile soit-elle, car elle permettra d'atteindre ses priorités: la reconstruction du modèle social, le renforcement des forces armées ainsi que la poursuite de la transformation environnementale et énergétique, malgré le poids des dossiers sociaux et le retour possible des mouvements contestataires, comme celui des Gilets jaunes. Toutefois, les défis internes sont profondément liés au contexte de «désordre international» et à ses conséquences.
Défis extérieurs
Parmi les principaux défis extérieurs qui attendent la France en 2023 figurent le danger géopolitique, avec la guerre en Ukraine qui se poursuit, et les nouveaux équilibres stratégiques qu’elle induit. Alors que le conflit a débuté il y a onze mois, aucun signe de négociation ne se profile. Au contraire, on assiste à une escalade de la violence. Dans cette guerre d’usure destructrice et coûteuse, les parties concernées ont entrepris une véritable course contre la montre pour obtenir des gains territoriaux.
Emmanuel Macron réitère une position ferme, confirmant que «le soutien européen à l’Ukraine sera indéfectible». Pour le moment, malgré les effets négatifs de la guerre, notamment en ce qui concerne la croissance économique et la sécurité énergétique, la France, partisane d’une «solution politique» et d’un «pragmatisme pour apaiser les craintes sécuritaires russes», se trouve impliquée dans les choix européen et atlantique aux côtés de Kiev.
2022 fut une année charnière pour l’Europe et le monde. L’objectif français qui consiste à atteindre une «autonomie stratégique» de l’Union européenne ne semble pas à la portée de la main. La crise au sein du couple franco-allemand grippe la machine de la construction européenne. Toutefois, à l’occasion des noces de diamant (soixante ans) du traité franco-allemand de l’Élysée, Paris et Berlin ont décidé de relancer la reconstruction européenne et de renforcer le pilier européen de l’Otan.
Avec l’augmentation du budget militaire français (la nouvelle loi de la programmation militaire pour la période 2024-2030 alloue un budget de 400 milliards d'euros, soit un tiers de plus que l'enveloppe de la précédente loi). Cette «militarisation» répond au défi du «retour de la guerre en Europe» et aux risques d’ouverture de nouveaux fronts, au Moyen-Orient, en Indo-Pacifique et en Asie. Parmi les autres défis: les dangers liés à la cyberguerre et les menaces contre la démocratie, avec la montée de forces extrémistes en Europe et l’invasion des lieux du pouvoir au Brésil.
On le voit, les tensions internes et les défis extérieurs auxquels la France doit faire face laissent planer une certaine inquiétude.