PARIS : Concentré sur la préparation d'un allègement du confinement, Emmanuel Macron se tient à l'écart du débat sur les lois accusées d'être « liberticides », laissant aux manettes son ministre Gérald Darmanin, ancien disciple de Nicolas Sarkozy.
En plein confinement qui met les Français sous tension, le chef de l'Etat ne s'est pour l'instant pas publiquement exprimé sur la loi « sécurité globale » et son article 24, qui encadre la diffusion d'images de policiers à des fins malveillantes.
Ce texte, examiné vendredi à l'Assemblée, est la cible des critiques d'organisations de journalistes, de la gauche, de défenseurs des libertés et du droit d'informer, et il divise aussi au sein de la majorité où certains n'ont pas caché leur malaise.
Emmanuel Macron avait déjà refusé de se mêler du débat sur le mot d' « ensauvagement » utilisé à la rentrée par le même Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur depuis juillet.
Le chef de l'Etat a besoin de tout son crédit et d'une majorité solide pour convaincre les Français de respecter pour encore des semaines des contraintes liées au contexte sanitaire. Il compte également sur leur adhésion sur la loi contre les séparatismes, l'une des plus importantes de son quinquennat, présentée en Conseil des ministres le 9 décembre.
Mais ce doublé de lois axées sur la sécurité gène une partie de la majorité qui s'est souvent divisée sur ces sujets.
Le ministre de l’Intérieur a jeté de l'huile sur le feu en suggérant dans un premier temps que les journalistes se signalent aux autorités avant de couvrir une manifestation, avant de reculer.
« Couvercle »
La Défenseure des droits Claire Hédon a réclamé vendredi "le retrait" de l'article 24, qu'elle juge « inutile » et potentiellement nuisible au contrôle de l'action des policiers et gendarmes.
Des syndicats de journalistes, de nombreuses rédactions et d'autres organisations ont dénoncé des « atteintes à la liberté d'informer ».
Les dangers de dérive « se sont révélés au grand jour » mardi soir, où lors d'une manifestation contre le texte, « des journalistes ont été intimidés verbalement, empêchés de faire leur travail, placés en garde à vue pour l'un d'entre eux », dénonce vendredi le directeur du Monde Jérôme Fenoglio dans un éditorial.
Le MoDem, allié de la majorité, a pris ses distances en annonçant qu'il ne voterait pas l'article 24 dans sa rédaction originelle et des députés Marcheurs ont tenu à défendre la liberté de la presse.
Jean Castex est finalement intervenu jeudi soir en proposant à Gérald Darmanin et au chef de file des députés LREM Christophe Castaner un amendement de compromis qui garantit le droit d'informer. « Castex a joué son rôle. Cet arbitrage est de nature à calmer le jeu », selon une source gouvernementale.
Cette polémique tombe mal dans un pays « à cran » qui attend un déconfinement qu'on lui annonce comme encore lointain, estime un conseiller de l'exécutif.
« C'est un coup politique » du ministre de l'Intérieur pour répondre aux demande des policiers. « Mais la manifestation de mardi soir a été pour nous un vrai signal d'alerte. On ne peut pas se permettre une telle crise en période de confinement. Lorsque le couvercle sera levé et les mesures d'urgence terminées, nous pouvons avoir à gérer une crise sociale », avertit-il.
« Et il est compliqué de se présenter en défenseur de la liberté de la presse pour Charlie Hebdo tout en demandant une accréditation pour couvrir des manifestations », commente la même source.
« On a accusé Emmanuel Macron d'être trop libéral, maintenant on lui reproche d'être trop sécuritaire. On oublie un peu vite qu'il défend constamment depuis un mois les valeurs républicaines et a sacralisé la liberté d’expression », défend une source gouvernementale.