AMIENS : Il veut peser sur la ligne de La France insoumise et lance toutes ses forces dans la bataille contre la réforme des retraites: le député François Ruffin, sans se prononcer pour 2027, assume désormais vouloir "être en première ligne", fort de ses soutiens et réseaux.
"Hé, c'est plutôt bon", sourit François Ruffin. Il vient de tracter sur la réforme des retraites, dans le ballet des voitures des ouvriers entrant et sortant de l'usine Good Year d'Amiens.
"Je m'attendais à plus de résignation... Là j'ai l'impression que ça va bouger", jeudi prochain lors de la journée de mobilisation contre la réforme.
Car pour l'électron libre, le potentiel mouvement social qui permet des victoires politiques, "c'est maintenant". "Si ce n'est pas sur les retraites qu'on fait sortir les gens de la résignation, ça va être dur" sur autre chose, relève à l'AFP François Ruffin.
Il vient d'affirmer son statut de leader contre le projet du gouvernement de report de l'âge de départ à 64 ans en organisant le premier meeting de la gauche unie, mardi à Paris, avant celui de la Nupes prévu le 17 janvier.
Depuis le début de son second mandat de député de la Somme, François Ruffin a musclé son jeu, notamment dans les médias où il intervient au moins une fois par semaine pour livrer ses idées sur le lien à retisser entre gauche et classes populaires.
"Quand je n'en fais que tous les trois mois, c'est comme remonter sur le ring, c'est dur", confie-t-il. "Et puis, j'ai envie d'être en première ligne. C'est pas une compétition olympique pour le podium, je pense que ma voix peut apporter".
Ruffinisme
François Ruffin a d'ailleurs proposé de faire partie de la direction de LFI, avant d'être prié de se contenter d'une participation à un conseil politique aux contours flous par Manuel Bompard, le taulier du mouvement et proche de Jean-Luc Mélenchon.
"Aucune aigreur", "je ne vais pas revenir à la charge", prévient-il. "Il faut plus de démocratie à LFI mais ce n'est pas ma bataille, je passe à autre chose".
Cela ne l'a pas coupé de Jean-Luc Mélenchon, avec qui il continue à discuter de théorie et d'histoire politique régulièrement.
Certains lui prêtent des ambitions: "la présidentielle de 2027, ça me paraît évident", glisse un dirigeant insoumis. Qui rappelle que l'intéressé a créé son association de financement, "A la fin c'est nous qu'on va gagner", l'un de ses slogans préférés.
Mais "celui qui pense qu'il peut prendre tout le monde de court depuis l'extérieur se trompe", ajoute cet Insoumis.
Pourtant, François Ruffin ne dépend pas de LFI. Il est apprécié au PS et au PCF. Structurellement, il marche sur deux jambes.
D'abord son journal militant Fakir, créé en 1999. Un organe de choix pour diffuser des idées et recruter des soutiens. C'est ainsi que Christophe Bex, aujourd'hui député LFI de la Haute-Garonne, l'a connu.
S'étant inspiré de ses méthodes de campagne, il est la preuve que le "ruffinisme" commence à creuser son sillon: "Ce que j'ai retenu chez Ruffin, c'est le côté militant mais pas chiant" avec ses campagnes festives.
Un réseau de "préfets fakiriens", un par département, se charge d'organiser la distribution mais aussi des cafés militants.
«Fausse piste»
L'autre jambe, c'est Picardie Debout, son parti très tourné vers l'action et le terrain, qui a fait le lien localement à gauche pour faire élire le député en 2017. "J'ai fait la Nupes avant l'heure", s'enorgueillit le député.
Pour son ancien collaborateur Paul Bernardet, "c'est une fausse piste d'analyser François Ruffin sous le prisme de l'ambition", "il bosse toute la journée pour porter des combats de fond".
"Il pourrait être un très bon candidat, il a une forte capacité d'entraînement, il est bon en campagne", ajoute Paul Bernardet.
Selon Christophe Bex, a minima, François Ruffin "a envie d'avancer, c'est comme le vélo, si on s'arrête on tombe. (...) Il a été réélu député, c'est une étape, mais il a toujours besoin d'une nouvelle étape".
Si le député de la Somme dit se satisfaire encore de "rester en retrait sur certains sujets" qu'il maîtrise mal, il assure qu'il ira au front sur un thème piégeux à gauche, l'immigration, lorsque le projet de loi arrivera au Parlement au printemps.