PARIS: L'Assemblée a rejeté jeudi sans surprise une série de textes du Rassemblement national, dont la proposition d'instaurer un uniforme obligatoire à l'école, preuve selon Marine Le Pen du "sectarisme" des autres formations politiques.
Le principal groupe d'opposition s'attendait à ces échecs. Mais il a profité de sa première journée réservée au Palais Bourbon pour dérouler certains de ses thèmes, à l'exception notable de l'immigration, et poursuivre sa quête de normalisation et de crédibilité auprès de l'opinion.
Sa cheffe de file, Marine Le Pen, a expliqué vouloir avant tout montrer aux Français que le RN avait "respecté sa promesse" en présentant "des textes concrets pour améliorer leur vie quotidienne". Des textes qui auraient pu être adoptés selon elle si les autres groupes "votaient en fonction de leurs idées" au lieu de les rejeter par "sectarisme".
"Le but des autres groupes c'est d'essayer de démontrer que nous serions un groupe à part", a-t-elle lancé devant des journalistes, dénonçant une attitude "pitoyable".
L'Assemblée a rejeté en soirée l'un des textes phares portés par les 88 députés RN, proposant de rendre obligatoire dans les écoles et collèges publics le port d'une "tenue uniforme", dont chaque établissement pourrait fixer "la coupe et la couleur".
«La lumière de l'Elysée»
Il était particulièrement sous les projecteurs après des déclarations de Brigitte Macron en faveur du port de l'uniforme, dans Le Parisien publié la veille.
"Pour une fois, la lumière vient de l'Elysée", a ironisé le député RN Julien Odoul, avant que Mme Le Pen ne plaide en vain dans l'hémicycle pour un texte qui "règle deux difficultés", à savoir "la compétition des marques et la pression des islamistes sur les enfants qui vont à l'école".
LR, qui a déposé des propositions de loi similaires, est le seul autre groupe à avoir apporté son soutien, au nom de "l'intérêt général", à ce texte vivement combattu par la gauche.
Même si certains députés macronistes voient d'un bon oeil le port de l'uniforme, le camp présidentiel s'est prononcé contre un texte rédigé sans "travail sérieux sur l'impact". "C'est un sujet qui mérite de la nuance", a dit le député Sylvain Maillard, hostile à toute généralisation, expliquant qu'un groupe de travail avait été mis en place au sein de Renaissance sur le sujet.
"Cette proposition de loi n'est pas nécessaire parce que les établissements disposent déjà de la possibilité" d'instaurer une tenue uniforme, qui "ne saurait devenir une règle universelle et verticale", a dit de son côté le ministre des Relations avec le Parlement Franck Riester, qui remplaçait le ministre de l'Éducation Pap Ndiaye, retenu par une réunion à l'Elysée.
L'Assemblée a également rejeté plus tôt jeudi la proposition du RN visant à inciter les entreprises à augmenter les salaires de 10% via des baisses des cotisations patronales. Les élus LR se sont abstenus, tandis que la majorité et la gauche ont voté contre la proposition, jugée inefficace voire dangereuse.
«Niche parlementaire»
Pas davantage de succès, malgré le soutien de LR, pour la proposition de supprimer les zones à faibles émissions (ZFE) dans les agglomérations, où il est progressivement interdit aux véhicules les plus polluants de circuler.
"Arrêtez d'emmerder les Français, de les exclure, de les culpabiliser!", a demandé le député RN Pierre Meurin. Il a proposé d'amender son propre texte avec une suspension plutôt qu'une suppression des ZFE, sans convaincre les Insoumis qui demandent de leur côté un "moratoire".
La demande d'instaurer un droit de visite sans préavis des parlementaires dans les Ehpad a elle aussi été rejetée, les autres groupes s'inquiétant notamment de violations de l'intimité des personnes vulnérables.
"C'est la journée de la mauvaise foi", a estimé la députée RN Laure Lavalette. "S'il y avait un texte +désidéologisé+, c'est bien celui-là", a renchéri son collègue Sébastien Chenu.
Des textes instituant la proportionnelle aux législatives, une refonte de la fiscalité locale ou encore créant "une présomption de légitime défense" pour les forces de l'ordre sont encore au programme jeudi. La "niche parlementaire" devra s'achever quoi qu'il arrive à minuit.