BARCELONE : La justice espagnole a abandonné jeudi le principal chef d'inculpation visant l'indépendantiste catalan Carles Puigdemont pour son rôle dans la tentative de sécession de 2017, après l'entrée en vigueur d'une réforme pénale controversée de la gauche au pouvoir.
Si M. Puigdemont, qui a fui en Belgique pour échapper aux poursuites judiciaires, est un jour jugé en Espagne, cette requalification pénale des faits pourrait entraîner une peine moins lourde à son encontre.
Pablo Llarena, le juge poursuivant l'ancien président régional indépendantiste, "applique la dérogation de la sédition à Puigdemont mais maintient les poursuites pour malversation et désobéissance", a indiqué le Tribunal suprême espagnol dans un communiqué.
Le délit de sédition, principal chef d'inculpation visant M. Puigdemont, a en effet été supprimé dans le cadre de la réforme du Code pénal adoptée fin décembre par le Parlement.
Il a été remplacé par celui de "désordre public", puni par des peines moins lourdes.
Selon le magistrat, cette nouvelle qualification ne peut cependant pas être retenue dans le cas de M. Puigdemont, qui ne sera donc jugé le cas échéant que pour désobéissance et détournement de fonds publics (malversation).
La réforme controversée du gouvernement du socialiste Pedro Sanchez, destinée à donner des gages au mouvement séparatiste catalan dont une partie soutient l'exécutif, a également entraîné une réduction des peines pour cette dernière qualification.
Ce délit est ainsi puni de un à quatre ans de prison s'il n'y a pas eu volonté de s'enrichir. Le juge Llarena considère toutefois que M. Puigdemont n'est pas en droit de bénéficier de cette réduction.
Si une volonté de s'enrichir est prouvée, la peine maximale pour détournement de fonds publics peut grimper jusqu'à douze ans de prison en Espagne.
"Il ne s'agit pas d'accepter d'être condamné pour des délits semblant mineurs mais qui ne le sont pas", a déclaré dans la soirée M. Puigdemont, suggérant qu'il ne reviendrait pas en Espagne tant que la justice européenne n'aura pas tranché en sa faveur en rétablissant son immunité d'eurodéputé.
"Nous arrivons à la fin de la bataille judiciaire en Europe et je la livrerai jusqu'au bout (...) Je ne reviendrai pas (en Espagne) menotté ou en me rendant devant un juge espagnol", a-t-il ajouté.
Son avocat, Gonzalo Boye, a indiqué que la justice européenne pourrait rendre sa décision fin février ou en mars.
«Tapis rouge»
Avec Carles Puigdemont à sa tête, le gouvernement régional catalan avait tenté en octobre 2017 de faire sécession de l'Espagne en organisant un référendum d'autodétermination, interdit par la justice, avant que le Parlement local ne déclare unilatéralement l'indépendance de la région.
Madrid avait alors suspendu l'autonomie de la région tandis que les dirigeants séparatistes avaient été incarcérés ou avaient fui à l'étranger comme M. Puigdemont.
Arrivé au pouvoir moins d'un an plus tard, Pedro Sanchez a fait de l'apaisement en Catalogne l'une de ses grandes priorités.
Il a ainsi repris un dialogue ouvert avec une partie des indépendantistes catalans, toujours au pouvoir dans la région, et a gracié en 2021 les neuf dirigeants séparatistes condamnés à des peines allant de 9 à 13 ans de prison pour leur rôle dans les évènements de 2017.
En vertu de la réforme pénale du gouvernement, ces derniers pourraient bénéficier, pour leur part, d'une révision de leurs peines et notamment de leur inéligibilité, qui n'a pas été levée dans le cadre de la grâce gouvernementale.
Cette réforme du Code pénal a été perçue comme un pari très risqué de Pedro Sanchez à moins d'un an des élections législatives.
La droite, qui devance les socialistes dans les sondages, a tiré à boulets rouges sur ce texte, que certains barons socialistes eux-mêmes n'ont pas hésité à critiquer vertement.
"Pedro Sanchez tient ses promesses: Puigdemont reviendra en Espagne ... sur un tapis rouge", a critiqué jeudi Elias Bendodo, responsable du Parti Populaire (droite).