LONDRES: Dans une lettre écrite à l’intérieur de la tristement célèbre prison d’Evin à Téhéran, Sepideh Qolian, une éminente militante iranienne, révèle comment les prisonniers sont torturés pour obtenir des aveux, rapporte la BBC.
Sepideh Qolian a été arrêtée en 2018 et reconnue coupable d’avoir agi «contre la sécurité nationale» pour son soutien à une grève et à une manifestation des travailleurs d’une usine de sucre dans la province iranienne du Khouzistan. Elle purge une peine de cinq ans et elle étudie le droit en prison.
Dans sa lettre, vue par la BBC, elle décrit les interrogatoires brutaux que d’autres détenus et elle-même ont dû endurer. Les aveux ainsi obtenus sous la contrainte sont ensuite diffusés à la télévision d’État.
Elle écrit que l’aile «culturelle» de la prison, où elle passe ses examens de droit, est également utilisée comme centre de «torture et d’interrogatoire».
«La salle d’examen est remplie de jeunes garçons et filles, et on entend les cris des tortionnaires», écrit-elle dans sa lettre.
Elle révèle également les détails de son propre interrogatoire et de ses aveux forcés en 2018. Elle raconte qu’une femme en charge de l’interrogatoire lui avait bandé les yeux, lui demandant de décrire, devant la caméra, les relations sexuelles qu’elle aurait eues. Elle a refusé de le faire.
Après des heures d’interrogatoire, Sepideh Qolian a supplié qu’on l’emmène aux toilettes. La femme qui l’interrogeait l’a poussée à l’intérieur des toilettes pour femmes et elle a verrouillé la porte. Les toilettes se trouvaient à l’intérieur d’une salle d’interrogatoire et on pouvait entendre qu’un homme était torturé et fouetté. «Les bruits de torture se sont poursuivis pendant des heures, ou peut-être un jour. Probablement plus même. J’ai perdu la notion du temps», rédige-t-elle dans sa lettre.
Une fois qu’on lui a permis de sortir des toilettes et alors qu’elle avait été privée de sommeil après trois jours d’interrogatoire continu, elle soutient qu’elle a été emmenée dans une pièce dans laquelle une caméra vidéo avait été installée et qu’on lui a donné une déclaration déjà écrite à lire.
«J’ai pris le document alors que je n’étais qu’à moitié consciente. Je me suis assise devant la caméra et je l’ai lu», écrit-elle. Sa condamnation et sa peine étaient fondées sur ces aveux.
Elle identifie la femme chargée de l’interroger comme étant Ameneh Sadat Zabihpour, sanctionnée par le département du Trésor américain en novembre dernier pour son rôle dans l’obtention et la diffusion d’aveux forcés de binationaux et d’autres prisonniers.
Cette personne a poursuivi Sepideh Qolian en justice pour ses allégations, après quoi la militante a été condamnée à une peine supplémentaire de huit mois de prison.
Sepideh Qolian termine sa lettre en décrivant les manifestations contre le régime en Iran comme une «révolution».
Elle écrit: «Au cours de ma quatrième année de détention, je peux enfin entendre les pas de la libération dans tout l’Iran.»
«Désormais, les bruits que nous entendons dans les rues de Marivan, Izeh, Rasht, du Sistan et du Baloutchistan, et dans tout l’Iran, sont plus forts que les bruits des salles d’interrogatoire. On entend le vacarme de la révolution et le véritable cri “femme, vie, liberté”!»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com