PARIS: Noël Le Graët a fini par être emporté par le scandale: le dirigeant a été "mis en retrait" de la présidence de la Fédération française de football (FFF) par son Comité exécutif extraordinaire réuni mercredi après une accumulation de polémiques.
Après plus de onze ans passés au sommet du football tricolore, le Breton (81 ans), fragilisé et sous pression depuis plusieurs jours, s'est résolu à s'effacer à l'issue d'un Comex spécialement convoqué pour répondre à la crise qui secoue la "3F".
Ses propos à l'emporte-pièce sur Zinédine Zidane et la diffusion d'un témoignage sur ses comportements sexistes ont été les épisodes de trop, précipitant sa chute, alors que la Fédération fait déjà l'objet d'une mission d'audit et de contrôle commandée par la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra.
C'est désormais Philippe Diallo, jusque-là vice-président de la FFF et patron durant 30 ans de l'Union des clubs professionnels de football (UCPF), qui aura la lourde charge d'assurer l'intérim jusqu'au Comex suivant la publication du rapport d'audit, prévue pour la fin du mois de janvier.
Diallo (59 ans) assumera aussi les fonctions de la directrice générale Florence Hardouin, mise à pied à titre conservatoire, avec qui Le Graët entretenait des relations devenues exécrables.
Selon le site internet du quotidien L'Equipe, la dirigeante (55 ans), "très affectée par la tournure des événements", a fait un malaise mercredi à son domicile, avant qu'un médecin ne lui recommande de passer des examens à l'hôpital.
Scénario attendu
Maigre consolation pour Le Graët: le Comex a validé à "l'unanimité" sa récente décision de prolonger jusqu'en 2026 le contrat de Didier Deschamps à la tête de l'équipe de France, une signature annoncée samedi lors de l'Assemblée fédérale sans l'aval du "gouvernement" de la FFF.
En déplacement à Nice pour le lancement de l'opération Pièces jaunes, le sélectionneur a refusé de commenter la mise en retrait de l'ex-maire socialiste de Guingamp mais a jugé "inappropriés" ses propos sur Zinédine Zidane.
"Je salue la décision prise par le Comex de la FFF", a réagi pour sa part la ministre des Sports. Amélie Oudéa-Castéra, qui avait pressé lundi la direction de la FFF de "prendre ses responsabilités", y voit "une étape nécessaire au regard des éléments déjà connus de son attitude".
La mise en retrait de Le Graët était un scénario attendu tant les membres de l'organe décisionnaire de la Fédération (14 en comptant le président) avaient peu goûté les derniers dérapages de leur chef qui avaient sérieusement écorné l'image de l'institution, laissant planer le doute sur la capacité de l'ancien président de l'En Avant Guingamp à aller jusqu'au terme de son troisième et dernier mandat complet, prévu en décembre 2024.
La sortie irrespectueuse de Le Graët à l'égard de Zidane, dimanche sur RMC, avait embrasé le football français et suscité de nombreuses réactions indignées même s'il s'était excusé le lendemain auprès de l'icône du football français via un communiqué transmis à l'AFP. Aux yeux de la majorité du Comex, le mal était fait.
Le témoignage de l'agente de joueurs Sonia Souid, l'accusant publiquement d'avances à répétition, n'a fait ensuite qu'accabler encore un peu plus le président octogénaire alors que ses comportements sexistes supposés, notamment auprès d'anciennes salariées, sont au coeur de l'audit diligenté par le ministère des Sports.
"Très malheureux"
Mercredi matin, des membres des "Dégommeuses", une équipe de football composée majoritairement de lesbiennes et de personnes transgenre, ont d'ailleurs brandi devant le siège de la FFF des pancartes hostiles à Le Graët sur lesquelles on pouvait lire notamment "Le Graët: le Père Noël est une ordure", "Harcèlement sexuel, Le Graët démission".
Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, avait de son côté estimé avant la réunion du Comité exécutif que la FFF "mérit(ait) un président à la hauteur (...) qui permette de donner une bonne image du football français à travers la planète".
Le Comex, dont la grande majorité des membres est issue de la liste que Le Graët a présentée avant sa dernière réélection, en mars 2021, a donc fini par lâcher son chef.
La chute est rude pour celui qui a passé plus d'un quart de siècle dans les hautes sphères du foot français. Président de la Ligue (1991-2000) puis artisan, à partir de 2011 en tant que président, du redressement de la "3F" et de ses comptes après le fiasco de l'équipe de France à Knysna lors du Mondial-2010, Noël Le Graët a été un personnage majeur du ballon rond avant d'être rattrapé par ses dérapages multiples.
"Noël Le Graët est très malheureux", a réagi le président de Lyon, Jean-Michel Aulas, membre du Comex, à des journalistes à la sortie de la réunion.