PARIS: La gauche unie dans la Nupes tente de resserrer les rangs en menant une offensive commune contre la réforme des retraites, mais les divergences entre partis, ainsi que la crise interne à La France insoumise, en atténuent l'ampleur.
Une longue réunion de responsables jeudi a accouché d'un communiqué commun le lendemain, minimaliste. Il annonce une campagne de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes), qui consiste en des meetings communs - dont un premier le 17 janvier à Paris -, la proposition de rencontrer l'intersyndicale et l'appel à constituer des collectifs unitaires sur tout le territoire.
Aucun contre-projet n'a été annoncé, alors même que le programme de la coalition prévoyait en mai dernier la retraite à 60 ans. Et "pas sûr" que cela change après la réunion inter-groupes prévue la semaine prochaine, anticipe le député socialiste Arthur Delaporte.
"On doit faire comme les syndicats: on n’est pas au gouvernement, on n'est pas là pour faire une réforme, mais on dit non à une réforme injuste", "c'est ce qui rassemble les Français", soutient cette jeune valeur montante du PS.
La déclaration commune n'évoque pas non plus la marche du 21 janvier à l'appel d'organisations de jeunesse, mise en avant par Jean-Luc Mélenchon. La gauche y sera ainsi moins unie que dans la marche contre la vie chère, en octobre dernier.
La députée Aurélie Trouvé, qui représentait LFI dans les discussions, souligne auprès de l'AFP le positif de la déclaration commune: "Ce n'est pas rien, c'est la première campagne en commun hors élections". Elle rapporte que la réunion s'est étirée car il fallait "trouver un langage commun".
Seconds rôles
En effet, le premier secrétaire du PS Olivier Faure juge dans Libération que, ces derniers mois, "les débats secondaires nous ont désaxés et égarés sur les chemins de traverse, qu’il s’agisse du barbecue ou de la gauche du travail contre celle des allocs". Il pointe le "grand risque d'un repli sur soi" et demande à la Nupes de "changer de braquet".
Lui sera pourtant condamné à une certaine prudence en janvier à l'approche des votes au congrès du PS, pour lesquels il fait face à deux motions qui jugent sa relation aux Insoumis trop complaisante.
Le PCF est aussi engagé dans un congrès délicat, pour lequel une opposition à Fabien Roussel s'est déclarée. Quant à EELV, Marine Tondelier, élue cheffe en décembre, doit en permanence jouer les équilibristes entre tenants de l'union à gauche et partisans d'une affirmation écologiste.
Mais le corps malade de la Nupes se nomme LFI, rien moins que sa locomotive. Les militants et les figures du mouvement fondé par Jean-Luc Mélenchon se déchirent sur l'affaire Quatennens, exclu du groupe à l'Assemblée pour quatre mois après sa condamnation pour violences conjugales, et sur la désignation de la direction, trop restrictive selon certains.
Comme pour se serrer les coudes, ces détracteurs, François Ruffin, Clémentine Autain, Alexis Corbière, Eric Coquerel, Raquel Garrido et Leïla Chaïbi, tiendront un meeting en commun sur les retraites le 16 février à Bobigny, a appris l'AFP auprès de Mme Garrido, confirmant une information du Parisien.
"Il faut qu'on arrive à se retrouver malgré nos différences", juge le député écologiste Benjamin Lucas, pour qui la Nupes "joue beaucoup sur cette séquence". Il explique qu'elle est naturellement portée par ce sujet des retraites, mais aussi attendue au tournant: "Si j'ai gagné au second tour des législatives, c'est grâce aux retraites, j'ai eu le report de voix du RN".
Ainsi, plaide Benjamin Lucas, "il faut faire tout ce qui est légalement possible au parlement pour bloquer la réforme. Pas de pudeur sur l'obstruction", que LFI avait poussé au paroxysme en 2019-2020 lors du précédent projet porté par Emmanuel Macron.
En revanche, le patron de la CGT Philippe Martinez a prévenu jeudi soir sur Mediapart que la gauche devait, dans la rue, se cantonner aux seconds rôles: "Il ne faut pas que les politiques fassent à la place des syndicats, comme parfois il y a une tentation de le faire".