COTONOU: Les Béninois décideront dimanche de confirmer ou non dans les urnes la forte présence des femmes et des jeunes parmi les candidats aux élections législatives, un scrutin également marqué par le retour de l'opposition après quatre ans d'absence.
D'autant qu'il s'agira aussi d'un test clé pour la démocratie béninoise, jadis perçue comme un modèle en Afrique de l'Ouest: savoir quelle place se fera l'opposition au Parlement, elle qui avait été empêchée de facto de participer aux législatives de 2019 et qui est donc absente des bancs de l'Assemblée depuis quatre ans. Aujourd'hui, la majorité des figures de l'opposition sont en prison ou en exil.
Cette fois, sept partis, dont trois se réclamant de l'opposition, ont finalement été autorisés à participer aux législatives du 8 janvier.
"La majorité des candidats ont à peine trente et le reste moins de 40 ans", se réjouit Boconon Adihou Gérardo, militant du Mouvement populaire de libération (MPL), parti d'opposition.
"C’est de ceux-là dont nous avons besoin. Pas des mêmes politiciens qui ont été avec (les présidents) Mathieu Kérékou, Boni Yayi et sont encore avec Patrice Talon", insiste M. Gérardo.
"Il est temps d’apporter du sang neuf en politique au Bénin."
En 2019, seuls deux partis politiques soutenant le président Patrice Talon avaient pu se présenter aux élections législatives, provoquant la colère d'une partie de la population, en quête de représentation.
Le scrutin avait été marqué par une abstention historique, des violences meurtrières et une coupure totale de l'internet, événements rarissimes au Bénin.
En 2021, les principaux leaders de l’opposition n’avaient pas non plus réussi à participer à l’élection présidentielle.
Une démocratie «prise en otage»
"Notre démocratie est prise en otage par une minorité qui écrase la majorité", insiste auprès de l'AFP Jacques Ayadji, président du parti Mouvement des élites engagées pour l’émancipation du Bénin (Moele-Bénin).
Plus de 80% des candidats de son parti au scrutin de dimanche ont moins de 50 ans, et un sur deux a moins de 40 ans, affirme M. Ayadji.
"Il faut que la jeunesse aille à l’apprentissage de la chose politique. Il faut préparer la relève", assure-t-il.
Élu en 2016, réélu en 2021, le richissime homme d'affaires Patrice Talon a lancé des réformes politiques et économiques tous azimuts en vue d'engager son pays dans la voie du développement. Mais cette modernisation s'est aussi accompagnée d'un important recul démocratique, selon l'opposition.
Deux des principaux adversaires du président Patrice Talon -le constitutionnaliste Joël Aïvo et l'ancienne Garde des Sceaux Reckya Madougou- sont toujours emprisonnés, condamnés à de lourdes peines.
Le Bloc républicain (BR), parti pro-gouvernement, assure avoir écouté les "aspirations" de la population à une meilleure représentation.
"Les jeunes venant du secteur agricole ou de l'artisanat représentent 45% de nos candidats", déclare Distel Amoussou, chargé de mission du secrétaire général du BR.
Son parti, dit-il, "souhaite donner le pouvoir à la femme pour aller bien au-delà des 24 sièges qui leur sont réservés".
Transparence des résultats
Le nouveau code électoral impose en effet qu'il y ait une femme élue par circonscription, soit au moins 24 députées sur 109.
Pour Tahiratou Toko, candidate titulaire de 33 ans dans le nord du pays, "c'est une grande avancée" expliquant "l'engouement des électrices".
"Elles se sentent plus concernées, surtout qu’il n'y a que des jeunes candidates", ce qui est "totalement inédit", poursuit l'ingénieur en planification et gestion de projet.
Mais les nombreuses femmes et jeunes ont-ils pour autant des chances d'être élus ? Marlène Agbatan, juriste, pose la question et rejette l'optimisme ambiant.
"La plupart des jeunes et des femmes sont avec les partis sans grand ancrage. Les grandes formations politiques ont préféré les mettre suppléant ou aux derniers postes pour en faire juste des mobilisateurs de suffrages", souffle-t-elle.
"Je ne vois donc pas en quoi la jeunesse est en train de prendre la relève en politique."
Et les craintes que le scrutin soit joué d'avance n'ont pas été levées, quatre ans après des législatives à sens unique, quand l'abstention dépassait les 70%, un record.
Dimanche, si le pouvoir sort grand gagnant des élections, beaucoup de questions sur la transparence des résultats seront posées, prévient Expédit Ologou, politologue béninois.
Réponse probablement la semaine prochaine, le temps que les bulletins de vote soient dépouillés.