PARIS: La justice iranienne a annoncé la pendaison samedi de deux hommes reconnus coupables d'avoir tué un paramilitaire lors des manifestations déclenchées par le décès en détention de la jeune Mahsa Amini, de nouvelles exécutions qui ont suscité la "consternation" de l'Union européenne.
L'ONU a aussi dénoncé des pendaisons "choquantes" qui portent à quatre le nombre d'exécutions depuis le début du mouvement de contestation en Iran à la mi-septembre.
"Mohammad Mehdi Karami et Seyed Mohammad Hosseini, les principaux auteurs du crime qui a conduit au martyre de Rouhollah Ajamian, ont été pendus ce matin" samedi, a indiqué l'agence de l'autorité judiciaire Mizan Online.
Les deux hommes étaient accusés d'avoir tué ce membre de la milice des Bassidji, liée aux Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique d'Iran, le 3 novembre à Karaj, à l'ouest de Téhéran.
Un tribunal en première instance avait condamné à mort les deux hommes le 4 décembre et la Cour suprême avait confirmé le 3 janvier leurs peines, une justice qualifiée d'"expéditive" par des ONG de défense des droits humains.
L'Union européenne est "consternée" par ces exécutions, a indiqué dans un communiqué Nabila Massrali, une porte-parole du chef de la diplomatie de l'UE Josep Borrell.
L'UE "appelle une nouvelle fois les autorités iraniennes à mettre immédiatement un terme à la pratique hautement condamnable de prononcer et d'exécuter des condamnations à mort contre des manifestants", a-t-elle dit.
La cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, a quant à elle affirmé sur Twitter que ces exécutions "confortaient (Berlin) dans (sa) volonté d'augmenter encore la pression sur Téhéran avec l'UE".
Désespoir d'un père
Depuis le début du mouvement de contestation, 14 personnes ont été condamnées à mort en lien avec les manifestations, selon un décompte de l'AFP basé sur des informations officielles. Parmi elles, quatre ont été exécutées, deux ont vu leur peine confirmée par la Cour suprême, six attendent de nouveaux procès et deux autres peuvent faire appel.
Des militants assurent que des dizaines d'autres risquent la peine de mort.
L'Iran est secoué par des manifestations depuis la mort de Mahsa Amini le 16 septembre à la suite de son arrestation pour violation du code vestimentaire strict du pays pour les femmes.
Les responsables iraniens dénoncent des "émeutes", attisées selon eux par des pays étrangers et des groupes d'opposition, et affirment que des centaines de personnes ont été tuées dans les troubles, parmi lesquelles des membres des forces de sécurité. Environ 14.000 personnes ont été arrêtées, selon l'ONU.
Ces dernières exécutions surviennent malgré une campagne d'ONG appelant Téhéran à épargner Mohammad Mehdi Karami et Seyed Mohammad Hosseini, Amnesty International ayant notamment dénoncé un procès "inéquitable".
Mi-décembre, le père de Karami avait diffusé une vidéo sur les réseaux sociaux dans laquelle il implorait les autorités à annuler la condamnation de son fils.
L'avocat de la famille, Me Mohmmed Aghasi, a déploré samedi sur Twitter que le jeune homme n'ait pas pu voir une dernière fois sa famille avant de mourir.
Selon l'organisation basée à Oslo Iran Human Rights (IHR), Karami était âgé de 22 ans et selon l'ONG Hengaw, basée aussi en Norvège, Hosseini avait 39 ans.
«Simulacre de procès»
Le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme a dénoncé samedi des procès "basés sur des aveux extorqués". "C'est choquant que l'Iran continue à exécuter des manifestants malgré le tollé international", a-t-il indiqué sur Twitter.
Pour le directeur d'IHR, Mahmood Amiry-Moghaddam, les deux condamnés ont été "soumis à la torture, et condamnés à l'issue d'un simulacre de procès".
Téhéran fait l'objet d'une série de sanctions internationales en réaction à la répression des manifestations.
Le directeur du Centre pour les droits de l'Homme en Iran (CHRI) basé à New York, Hadi Ghaemi, a accusé l'Iran d'utiliser "les exécutions et la force létale contre les manifestations pour semer la terreur au sein de la population et anéantir les espoirs et appels de changement du peuple".
Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a de son côté annoncé samedi avoir nommé un nouveau chef de la police nationale, Ahmad-Reza Radan, pour remplacer le général Hossein Ashtari.
En 2010, le Trésor américain avait mis M. Radan sur sa liste noire pour violation des droits humains après la répression de manifestations déclenchées par la réélection controversée de l'ex-président ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad en 2009.