PARIS : Emmanuel Macron a réuni mercredi le premier Conseil des ministres de 2023, l'occasion pour le chef de l'Etat de galvaniser ses troupes avant l'épreuve du feu sur les retraites dont dépendra en partie la tournure de son second quinquennat.
Comme chaque année début janvier, les membres du gouvernement menés par la Première ministre Elisabeth Borne se sont d'abord retrouvés place Beauvau pour le traditionnel petit-déjeuner de rentrée au ministère de l'Intérieur, accueillis un à un sur le perron par Gérald Darmanin. Sur la grande table dressée, chacun a trouvé un petit paquet cadeau rouge.
Juste avant 10H00, l'équipe gouvernementale a ensuite rejoint en groupe, et à pied, le palais de l'Elysée situé juste en face, pour adresser ses voeux à Emmanuel Macron puis participer au Conseil des ministres.
Exit le suspense de la présidentielle à l'orée de 2022. Le président a depuis été réélu. Mais place à une incertitude bien plus grande, avec la guerre en Ukraine et ses multiples retombées géopolitiques et économiques.
Et une première hypothèque majeure en ce début d'année, la réforme des retraites qui sera présentée le 10 janvier aux Français puis le 23 en Conseil des ministres, avant un examen potentiellement houleux à l'Assemblée nationale et le risque d'une fronde dans la rue.
Le chef de l'Etat a confirmé dès ses voeux aux Français le 31 décembre que 2023 serait l'année de la réforme, appelant ses concitoyens à "l'unité" pour ne pas céder à "l'esprit de division" dans des "temps si durs".
Pour cette réunion de rentrée, il y aura "sûrement la volonté d'afficher une cohésion, un gouvernement en ordre de marche derrière le président", prédit Anne-Charlène Bezzina, maître de conférences en droit public à l'université de Rouen.
Pas de «totem»
En la matière, rien n'est jamais acquis. Emmanuel Macron a déjà recadré à plusieurs reprises ses ministres ces dernières semaines après des séquences jugées ratées, comme la crise des stations-service à l'automne ou la communication sur la menace de coupures d'électricité durant l'hiver.
Le président de la République pourrait aussi braquer les projecteurs sur les chantiers à venir. Des annonces présidentielles importantes sont attendues dès vendredi sur le système de santé, au bord de l'implosion, notamment en pédiatrie.
Sur l'âge de départ à la retraite, syndicats et oppositions sont vent debout, qu'il passe à 64 ou 65 ans, contre 62 actuellement.
Le gouvernement ne fait pas des 65 ans un "totem", a réaffirmé mardi Elisabeth Borne, tentant de jeter une ultime fois les bases d'un compromis.
Si le curseur s'arrête sur 64 ans, Emmanuel Macron aura beau jeu de rappeler qu'il avait lui-même évoqué cette possibilité dès le printemps. "Ce n'est pas le méchant président contre la gentille Première ministre", assure un membre de la majorité, alors que d'autres avaient pu décrire, ces dernières semaines, un chef de l'Etat sur une ligne plus ferme qu'Elisabeth Borne.
Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, dont l'exécutif espère une opposition moins frontale à son projet, a dit mercredi avoir "le sentiment que ce sera 64 ans"... pour mieux réaffirmer que, de toutes manières, ce sera "inacceptable" même pour son syndicat réformiste.
"Si on vit plus longtemps, il faut accepter de travailler plus longtemps", mais "certains sont cabossés par le travail, ils ne pourront pas aller à 64 ans", a prévenu pour sa part sur France 2 le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand, alors que la majorité à l'Assemblée sur cette réforme dépendra du vote de son parti, Les Républicains.
A partir de la mi-janvier, chacun aura les yeux rivés sur le climat social. Les Français vont-ils descendre en masse dans la rue pour dénoncer la réforme des retraites? Le pays sera-t-il paralysé par les grèves?
"Les crises de grande ampleur n'interviennent généralement pas quand la population va le plus mal mais au contraire dans les périodes de légère remontée du moral", estime Anne-Charlène Bezzina.
Même si une "toute petite étincelle peut allumer la flamme" de manière "imprévisible" si les colères et tensions "se coalisent", "là on est plutôt dans le creux de la vague, l’ambiance est morose, les gens sont un peu asphyxiés par les informations négatives", dit-elle à l'AFP. C'est tout le pari de l'exécutif.