Espagne: trêve dans la bataille pour le contrôle du pouvoir judiciaire, mais la crise continue

Cette photo prise le 20 décembre 2022 montre la Cour constitutionnelle espagnole à Madrid le 20 décembre 2022. (AFP)
Cette photo prise le 20 décembre 2022 montre la Cour constitutionnelle espagnole à Madrid le 20 décembre 2022. (AFP)
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Publié le Vendredi 30 décembre 2022

Espagne: trêve dans la bataille pour le contrôle du pouvoir judiciaire, mais la crise continue

  • Le camp conservateur, qui disposait de 6 juges sur 11 au sein du TC, avait bloqué la rénovation du Tribunal afin de préserver une majorité de droite, mais la crise a abouti à un résultat inverse
  • Conséquence de cette impasse: selon le quotidien madrilène El País, un tiers des postes de magistrats dans les échelons supérieurs du système judiciaire n'ont pas de titulaire à l'heure actuelle

MADRID: La crise institutionnelle qui avait éclaté en Espagne avant Noël à propos du renouvellement des membres de la plus haute juridiction du pays a été désamorcée cette semaine, mais le blocage du système judiciaire, victime depuis quatre ans de l'affrontement entre gauche et droite, continue.

Le Tribunal constitutionnel (TC), chargé de vérifier la conformité des lois avec la Loi fondamentale du pays, s'est réuni jeudi à la mi-journée et a annoncé dans un communiqué avoir validé "à l'unanimité" la nomination de quatre nouveaux membres (deux nommés par le gouvernement et deux élus par le Conseil Général du Pouvoir judiciaire, le CGPJ). Ils prendront leurs fonctions au début de l'an prochain, en lieu et place de quatre juges dont le mandat avait expiré il y a six mois.

Ainsi prend fin un épisode qui avait débuté lorsque la majorité conservatrice du TC avait accepté le 19 décembre, à la demande du Parti populaire (PP, opposition de droite), d'empêcher le Sénat de voter une réforme gouvernementale déjà adoptée par les députés et destinée à débloquer le renouvellement du TC.

Les socialistes avaient souligné que cette intervention inédite de la plus haute juridiction du pays dans la sphère du pouvoir législatif constituait une première depuis l'avènement de la démocratie en Espagne, en 1978.

Pour sa part, le PP avait accusé le gouvernement du socialiste Pedro Sánchez de vouloir changer le mode d'élection des juges afin d'imposer par la force la nomination de magistrats "progressistes" et de faire ainsi basculer à gauche la majorité du TC.

Tournant dans la crise 

Même si le Tribunal constitutionnel n'a pas l'influence considérable qu'a la Cour suprême aux Etats-Unis, il joue néanmoins un rôle croissant en Espagne sur les questions de société. Il doit ainsi se prononcer prochainement sur des sujets aussi sensibles que l'avortement, l'euthanasie ou l'éducation.

Le tournant dans la crise s'est en fait produit mardi, lorsque les 18 membres actuels du Conseil Général du Pouvoir judiciaire avaient, à la surprise générale, élu deux nouveaux juges, ce qu'ils ne parvenaient pas à faire depuis juin.

Selon la presse espagnole, les huit juges de gauche avaient accepté, par "sens des institutions", de se rallier aux deux candidats proposés par la majorité conservatrice, dont une juge curieusement classée comme "progressiste".

L'explication est que les juges conservateurs avaient préféré prendre les devants pour éviter que le gouvernement fasse adopter dans les prochaines semaines une loi modifiant à leurs dépens le mode d'élection des membres du TC.

«Déblocage en chaîne»

L'élection de ces deux juges par le Conseil a eu pour résultat immédiat de provoquer "un déblocage en chaîne", comme l'écrivait le quotidien barcelonais La Vanguardia, permettant au gouvernement de présenter officiellement jeudi au Tribunal Constitutionnel ses deux candidats, tous deux très marqués à gauche: un ancien ministre de la Justice de Pedro Sánchez et une ancienne haute responsable des services de la présidence du gouvernement.

Le camp conservateur, qui disposait de six juges sur 11 au sein du TC (un siège est vacant), avait bloqué la rénovation du Tribunal afin de préserver une majorité de droite, mais la crise a abouti à un résultat inverse, puisque la gauche pourra désormais compter sur une majorité de sept juges contre quatre. Un rapport de forces qui pourrait avoir son importance, alors que des élections générales doivent avoir lieu en décembre 2023.

Le dénouement de cet épisode ne signifie toutefois pas la fin de la crise du système judiciaire. Loin de là. Car au-delà du TC, gouvernement et opposition doivent encore renouveler les membres du Conseil général du Pouvoir judiciaire, instance clé du système, puisque chargée de nommer la plupart des juges.

Ce renouvellement, qui aurait dû intervenir en... 2018, nécessite un accord entre les socialistes et le PP, car 12 des 20 membres du Conseil sont nommés par les deux chambres du parlement à une majorité des trois cinquièmes.

Le gouvernement de M. Sánchez avait tenté en 2020 de changer les règles du jeu pour remplacer cette majorité qualifiée par une majorité simple, mais l'intervention de la Commission européenne l'avait amené à renoncer à ce passage en force.

Conséquence de cette impasse: selon le quotidien madrilène El País, un tiers des postes de magistrats dans les échelons supérieurs du système judiciaire n'ont pas de titulaire à l'heure actuelle.


L'Allemagne aux urnes, sous pression de l'extrême droite et de Trump

Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
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  • Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.
  • Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

BERLIN : Alors qu'elle est déstabilisée par les crises, l'Allemagne vote dimanche pour des élections législatives où l'opposition conservatrice part largement favorite après une campagne bousculée par le retour au pouvoir de Donald Trump et l'essor de l'extrême droite.

Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.

« Nous traversons une période très incertaine », constatait Daniel Hofmann, rencontré à la sortie d'un bureau de vote à Berlin.

Selon cet urbaniste de 62 ans, qui se dit préoccupé par la « sécurité européenne » sur fond de guerre en Ukraine, le pays a besoin d'un « changement, une transformation ».

Récession économique, menace de guerre commerciale avec Washington, remise en cause du lien transatlantique et du « parapluie » américain sur lequel comptait Berlin pour assurer sa sécurité : c'est le « destin » de l'Allemagne qui est en jeu, a déclaré samedi le chef de file des conservateurs Friedrich Merz.

Ce dernier semble très bien placé pour devenir le prochain chancelier et donner un coup de barre à droite dans le pays, après l'ère du social-démocrate Olaf Scholz. D'après les derniers sondages, il recueillerait environ 30 % des intentions de vote.

Visiblement détendu, souriant et serrant de nombreuses mains, le conservateur de 69 ans a voté à Arnsberg, dans sa commune du Haut-Sauerland, à l'ouest.

Son rival social-démocrate, visage plus fermé, a lui aussi glissé son bulletin dans l'urne, à Potsdam, à l'est de Berlin.

Les électeurs ont jusqu'à 18 heures (17 heures GMT) pour voter. Les premiers sondages sortie des urnes seront publiés dans la foulée.

Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

Le parti anti-migrant et pro-russe a imposé ses thèmes de campagne, suite à plusieurs attaques et attentats meurtriers perpétrés par des étrangers sur le territoire allemand.

L'AfD a également bénéficié du soutien appuyé de l'entourage de Donald Trump pendant des semaines.

Son conseiller Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, n'a cessé de promouvoir la tête de liste du parti allemand, Alice Weidel, sur sa plateforme X.

« AfD ! » a encore posté M. Musk dans la nuit de samedi à dimanche, accompagnant son message de drapeaux allemands.
Les élections législatives anticipées ont lieu la veille du troisième anniversaire de l'invasion russe en Ukraine, un événement particulièrement marquant en Allemagne.

Le conflit a mis fin à l'approvisionnement en gaz russe du pays, qui a accueilli plus d'un million d'Ukrainiens. La perspective d'une paix négociée « dans le dos » de Kiev et des Européens inquiète tout autant.

Interrogé sur ces élections allemandes, le président américain a répondu avec désinvolture qu'il souhaitait « bonne chance » à l'allié historique des États-Unis, qui ont leurs « propres problèmes ».

Le discours de son vice-président JD Vance à Munich, dans lequel il exhortait les partis traditionnels allemands à mettre fin à leur refus de gouverner avec l'extrême droite, a creusé un peu plus le fossé entre Washington et Berlin.

Friedrich Merz souhaite que l'Allemagne puisse « assumer un rôle de leader » en Europe.

Dans le système parlementaire allemand, il pourrait s'écouler des semaines, voire des mois, avant qu'un nouveau gouvernement ne soit constitué.

Pour former une coalition, le bloc mené par les conservateurs CDU/CSU devrait se tourner vers le parti social-démocrate (SPD), excluant ainsi toute alliance avec l'AfD, avec laquelle il a entretenu des relations tendues durant la campagne, notamment sur les questions d'immigration.

Les sondages lui attribuent 15 % des voix. Ce score serait son pire résultat depuis l'après-guerre et signerait probablement la fin de la carrière politique d'Olaf Scholz. Mais auparavant, le chancelier devra assurer la transition.

« J'espère que la formation du gouvernement sera achevée d'ici Pâques », soit le 20 avril, veut croire Friedrich Merz.

Un objectif difficile à atteindre si les deux partis qui ont dominé la politique allemande depuis 1945 sont contraints, faute de majorité de députés à eux deux, de devoir trouver un troisième partenaire.

La fragmentation au Parlement dépendra notamment des résultats de petits partis et de leur capacité ou non à franchir le seuil minimum de 5 % des suffrages pour entrer au Bundestag.


Sécurité européenne, Ukraine : réunion des ministres européens de la Défense lundi

Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
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  • Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien
  • Cette réunion des ministres de la Défense s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

PARIS : Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien et de renforcer la sécurité du Vieux continent, a-t-on appris dimanche auprès du ministère français des Armées.

Cette réunion, qui se tiendra dans l'après-midi à l'initiative de l'Estonie et de la France, rassemblera également les ministres de la Défense de Lituanie, de Lettonie, de Norvège, de Finlande, de Suède, du Danemark, des Pays-Bas, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne et du Royaume-Uni, selon cette source.

À cette occasion, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, se rendra à Tallinn aux côtés de son homologue estonien Hanno Pevkur, après avoir participé aux célébrations de la fête nationale estonienne.

La France déploie environ 350 militaires en Estonie dans le cadre d'un bataillon multinational de l'OTAN.

Cette réunion des ministres de la Défense, trois ans jour pour jour après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

La semaine passée, plusieurs chefs de gouvernement européens avaient été conviés à Paris par le président Emmanuel Macron. D'après un résumé obtenu de sources parlementaires, ils se seraient accordés sur la nécessité d'un « accord de paix durable s'appuyant sur des garanties de sécurité » pour Kiev, et auraient exprimé leur « disponibilité » à « augmenter leurs investissements » dans la défense.

Plusieurs pays membres avaient en revanche exprimé des réticences quant à l'envoi de troupes européennes en Ukraine, dans l'hypothèse d'un accord mettant fin aux hostilités.


Le ministre russe des Affaires étrangères effectue une visite en Turquie lundi

Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
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  • La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

ISTAMBUL : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est attendu en Turquie lundi, jour du troisième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, ont annoncé dimanche des sources diplomatiques turques.

M. Lavrov doit s'entretenir à Ankara avec son homologue turc Hakan Fidan, ont indiqué ces mêmes sources, précisant que les deux hommes discuteraient notamment d'une solution au conflit ukrainien.

Dimanche, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé à l'agence Tass qu'une délégation menée par Sergueï Lavrov devait se rendre prochainement en Turquie pour y discuter d'« un large éventail de sujets ».

La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.

Mardi, en recevant son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

Toutefois, ces dernières semaines, Moscou et Washington ont entamé un dialogue direct, alors que les relations se réchauffent entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Mardi, Russes et Américains se sont rencontrés en Arabie saoudite pour entamer le rétablissement de leurs relations, une réunion dénoncée par Volodymyr Zelensky qui redoute un accord sur l'Ukraine à leur insu.

M. Lavrov, dont la dernière visite en Turquie remonte à octobre, doit se rendre dans la foulée en Iran, un allié de la Russie.

La Turquie, qui est parvenue à maintenir ses liens avec Moscou et Kiev, fournit des drones de combat aux Ukrainiens mais n'a pas participé aux sanctions occidentales contre la Russie.

Ankara défend parallèlement l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réclame la restitution de la Crimée du Sud, occupée par la Russie depuis 2014, au nom de la protection de la minorité tatare turcophone de cette péninsule.