PARIS: Alors que le Parlement s’est trouvé dans l’incapacité d’élire un nouveau président au cours de dix sessions parlementaires qui se sont tenues depuis le 31 octobre dernier, tout indique que la vacance présidentielle au Liban va se prolonger.
Cette situation est due à la composition d’un Parlement sans majorité et à une volonté de blocage de la part du Hezbollah et du bloc de Gebran Bassil (le Courant patriotique libre, fondé par Michel Aoun).
Face à l’obstruction institutionnelle au Liban, le président français multiplie les contacts et coordonne son action avec les États-Unis, l’Arabie saoudite et, évidemment, avec l’UE pour chercher une percée concrète.
Khattar Abou Diab
L’intérêt international pour le pays du Cèdre semble limité et il n’apparaît guère comme la potion magique qui permettra de sortir de l’impasse. Dans ce contexte, le président français, Emmanuel Macron, paraît hésiter à agir, lui qui avait montré son activisme et son sens de l’initiative après la catastrophe du port de Beyrouth, en août 2020. Néanmoins, face à l’obstruction institutionnelle au Liban, le président français multiplie les contacts et coordonne son action avec les États-Unis, l’Arabie saoudite et, évidemment, avec l’Union européenne (UE) pour chercher une percée concrète.
Toutefois, toute sortie de crise proposée par la France ou par d’autres acteurs nécessite l’adhésion de parties libanaises concernées et l’élaboration d’un compromis valable, ce qui ne semble pas le cas à court terme.
Macron coordinateur du suivi extérieur de la crise libanaise
Bien que la guerre en Ukraine accapare l’agenda international et l’action extérieure de la France, la question libanaise demeure l’une des priorités de Paris, qui craint l’effondrement de l’État dans un pays en pleine érosion économique, sans président depuis le 1er novembre, et dirigé par un gouvernement démissionnaire. Pour cela, lors de tout exercice diplomatique multilatéral, Macron joue l’instigateur pour parler du pays du Cèdre.
Le 20 décembre, lors d’un sommet régional en Jordanie initié par la France (la 2e édition de la Conférence de Bagdad pour la coopération et le partenariat), le chef de la diplomatie française, Catherine Colonna, a appelé les dirigeants libanais à «assumer leurs responsabilités pour faciliter l'élection rapide d'un nouveau président au Liban et la formation d'un gouvernement de plein exercice, apte à mener les réformes dont le Liban a un cruel besoin».
Le président Macron a intensifié ses contacts avec les autres pays influents dans ce dossier, dont les États-Unis et l’Arabie saoudite, afin que le Liban se dote d’un nouveau chef d’État. Rappelons que le 21 septembre dernier, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, les ministres des Affaires étrangères des États-Unis, de la France et de l’Arabie saoudite ont adopté une déclaration conjointe dans laquelle les trois pays dressent une feuille de route.
Ses axes principaux sont les suivants:
- Nécessité de tenir l’élection en temps utile conformément à la Constitution et d’élire un président capable de fédérer le peuple libanais ainsi que de travailler avec les acteurs régionaux et internationaux pour surmonter la crise actuelle;
- Formation d’un gouvernement qui soit en mesure de mener à bien les réformes structurelles et économiques urgentes pour résoudre les crises politique et économique; en particulier, mise en route des réformes nécessaires pour parvenir à un accord avec le Fonds monétaire international;
- Nécessité pour le gouvernement libanais d’appliquer les dispositions des résolutions 1559, 1701, 1680 et 2650 du Conseil de sécurité des nations unies et de respecter fermement l’accord de Taëf.
Cependant, l’obstruction interne et l’insuffisante attention extérieure font perdurer le statu quo. Selon une source diplomatique française figure parmi les suggestions de Paris la nécessité d’un délai précis pour parvenir à un règlement politique qui comprend l'élection d'un président, la formation d'un gouvernement ainsi que le rattachement à un plan économique et social afin d’empêcher le Liban de s'effondrer.
L’introuvable issue au marasme libanais
On constate en observant la situation actuelle que la question libanaise, souffrant du schisme interne et de l’impact nuisible de l’emprise de l’axe iranien (par le biais du Hezbollah), manque de maturité et de mécanismes pour favoriser une coopération internationale et régionale efficace qui aide à mettre fin au vide constitutionnel.
Les efforts vont s’accentuer, car la détérioration socio-économique pourrait conduire non seulement à plus d’affaiblissement de l’État, mais à un chaos incontrôlable.
Khattar Abou Diab
Malgré cet état des lieux, la présidence française ne lâche pas prise. Elle souhaite dynamiser un processus et inciter d’autres acteurs à travailler ensemble et à user de leurs moyens pour faire pression sur les acteurs internes et régionaux responsables du blocage. À partir du Nouvel An, les efforts vont s’accentuer, car la détérioration socio-économique pourrait conduire non seulement à plus d’affaiblissement de l’État, mais à un chaos incontrôlable.
À Paris, on n’hésite pas à rappeler qu’Emmanuel Macron «est le seul leader qui suit encore le dossier libanais», un sujet «qui lui tient à cœur». En août dernier, deux ans après avoir lancé une ambitieuse initiative politique mise en échec par les dures réalités libanaises et le contexte régional, Emmanuel Macron affichait sa détermination et promettait de «ne jamais se résigner ni laisser le Liban s’effondrer».
Cependant, tout semble bloqué au point que l’ambassadeur d’Égypte à Beyrouth, Yasser Alaoui, estime que «cette vacance à la tête de l’État est indigne du peuple libanais». Il ajoute que «cette échéance doit passer de la phase de négociations officieuses à la phase de pourparlers directs et sérieux entre les composantes du Parlement». Cet appel, comme d’autres, n’aboutit pas à une percée significative. De même, les appels du patriarche maronite, Bechara Rahi, pour «l’internationalisation de la question libanaise» ne trouvent aucun écho favorable.
Une source diplomatique européenne observe que les Libanais se font des illusions en misant sur les effets positifs de l’accord de délimitation des frontières maritimes avec Israël. Cette même source dénonce aussi le fait que le Liban compte sur une solution qui viendrait exclusivement de l’extérieur sans que soit entrepris le moindre effort pour dégager un minimum d’entente au sein du pays.
Ce contexte pousse la diplomatie française à poursuivre inlassablement ses efforts en faisant miroiter la carte de possibles sanctions américaines et européennes contre les personnes et les instances impliquées dans le blocage. Tout cela pour espérer dénouer enfin le nœud gordien de l’obstruction libanaise.