PARIS : Le Sénat dominé par l'opposition de droite a adopté mardi en première lecture le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2021 et ses déficits abyssaux, après avoir ajouté un article polémique sur les retraites, voué à disparaître dans la suite de la navette.
Le texte modifié par les sénateurs par rapport à la version adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale a été voté par 190 voix pour, 106 voix contre et 50 abstentions.
Députés et sénateurs vont tenter dans la foulée de ce vote de se mettre d'accord sur un texte commun en commission mixte paritaire. En cas d'échec, une nouvelle lecture sera organisée dans les deux chambres, l'Assemblée nationale ayant le dernier mot.
Avec un déficit de 49 milliards d'euros en 2020, le projet de loi de finances est marqué du sceau du Covid-19. Pour 2021, le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt prévoit un déficit de « 27,1 milliards », et « des déficits élevés de plus de 20 milliards d'euros par an » au-delà.
Côté recettes, le Sénat a voté plusieurs dispositions nouvelles, contre l'avis du gouvernement, dont un effort supplémentaire demandé aux complémentaires santé. Mais surtout la majorité sénatoriale a une nouvelle fois proposé d'allonger la durée du travail pour tenter d’équilibrer le régime des retraites.
En pleine crise économique et sociale, l'amendement présenté par le rapporteur LR pour la branche vieillesse René-Paul Savary a fait l'effet d'une bombe à gauche, et quelques voix s'en sont désolidarisées à droite.
Il préconise à la fois de repousser l'âge légal de départ à la retraite jusqu'à 63 ans en 2025 et d'accélérer l'allongement de la durée de cotisations pour atteindre 43 annuités dès la génération 1965.
« A lui seul il disqualifie le texte », a affirmé Bernard Jomier (PS). Il est « totalement indécent au moment où les plans de licenciement explosent », a tancé Laurence Cohen (CRCE à majorité communiste), tandis que l'écologiste Raymonde Poncet Monge fustigeait « une véritable obsession idéologique ».
Cette disposition n'a aucune chance de survivre à la navette parlementaire, le gouvernement comme le chef de file du groupe LREM à l'Assemblée, Christophe Castaner, y étant opposés.
La droite a quand même assumé ce vote jusqu'au bout. « Nous verrons si le gouvernement, mais aussi tous ceux à qui la position de la commission a fait pousser des cris d'orfraie ne sont pas contraints d'y revenir », a averti la présidente de la commission des Affaires sociales Catherine Deroche (LR).
Congé paternité doublé
Côté dépenses, le Sénat a voté une nouvelle rallonge de 800 millions d'euros pour 2020 demandée par le gouvernement afin de couvrir les dépenses liées à l'augmentation des tests PCR et au déploiement des tests antigéniques, ainsi que pour accroître les moyens des établissements et services pour personnes âgées.
L'Assemblée avait déjà intégré une enveloppe supplémentaire de 2,4 milliards pour les hôpitaux et les hausses de salaires du « Ségur de la santé ».
Le texte inclut aussi une enveloppe de 150 millions d'euros en 2021 puis 200 millions à partir de 2022, pour augmenter les salaires des aides à domicile, en première ligne auprès des personnes âgées.
Au chapitre des réformes, le Sénat a validé à la quasi unanimité et sans modifications la mesure phare du texte, le doublement du congé paternité, de 14 à 28 jours à partir du 1er juillet prochain, après un débat nourri sur les sept jours obligatoires.
Le tiers payant obligatoire en cas d'IVG a aussi été approuvé, mais de justesse.
Feu vert de la chambre haute encore à la création de nouvelles maisons de naissance ainsi qu'au « forfait » de 18 euros pour les patients allant aux urgences sans être ensuite hospitalisés. Les sénateurs ont cependant maintenu les exonérations pour les personnes bénéficiaires d'une ALD.
En attendant la loi grand âge et autonomie promise par le gouvernement pour 2021, le Sénat a voté très largement la mise en oeuvre de la 5e branche de la Sécurité sociale, tout en regrettant le manque de « moyens » dédiés à cette nouvelle branche et l'absence de « mesures concrètes ».