LONDRES: Un an après les manifestations antirégime qui ont secoué l'Iran, un nouveau rapport d'Amnesty International révèle comment Téhéran a utilisé une coupure générale d'Internet pour cacher «l'ampleur réelle des exécutions pratiquées par les forces de l’ordre».
Le groupe de défense des droits de l'homme a déclaré lundi avoir vérifié l’identité des 304 personnes tuées par les forces de sécurité lors des manifestations de novembre 2019, quoiqu’on craigne que le chiffre réel soit nettement plus élevé. On compte 23 enfants parmi les victimes.
Téhéran a lancé une violente campagne de répression quand des manifestations contre une augmentation considérable du prix du carburant se sont transformées en actes de révolte contre le régime.
La fausse panne d'Internet a constitué une arme de répression redoutable, a déclaré Amnesty. Coïncidant avec le jour le plus sanglant des manifestations, elle avait pour but de «dissimuler les tueries».
Selon le rapport d’Amnesty: «Les forces de sécurité ont fait usage de force meurtrière contre la grande majorité des manifestants et des passants tués de manière illégale, blessant la plupart à la tête ou au torse. Ceci indique une intention de tuer. À ce jour, aucun fonctionnaire n'a rendu des comptes pour ces tueries.»
Mansoureh Mills, spécialiste de l'Iran à Amnesty International, a assuré à Arab News que couper Internet était «une mesure calculée pour empêcher plus de 80 millions de personnes de communiquer avec le monde extérieur et de partager des informations sur les violations des droits humains perpétrées par les autorités».
Les coupures pendant une période prolongée ont eu des répercussions directes; les manifestants ont fini par retirer de leurs téléphones les enregistrements des violations des droits de l'homme, de peur qu’ils ne deviennent des éléments à charge en cas de détention.
Il a ajouté que les personnes interrogées par Amnesty avaient supprimé des preuves de violation des droits de l’homme pour cette même raison.
«Pensez à l’ensemble des séquences vidéo perdues à cause des coupures d'Internet. Les preuves des crimes et des violations des droits humains ont à jamais disparu», a déclaré Mills.
Il a sommé la communauté internationale à agir contre Téhéran. «La responsabilité de la communauté internationale est le seul moyen de garantir que les événement de novembre 2019 ne se répètent pas. Les autorités iraniennes croiront sinon que tuer des hommes, des femmes et des enfants non armés, sous le couvert d'une coupure d'Internet, est une solution acceptable», a-t-il ajouté.
Sadeq Saba, rédacteur en chef de l'organisation de médias en persan Iran International, a déclaré à Arab News que Téhéran «craint vraiment Internet et les médias sociaux en général. Le régime peut contrôler les médias traditionnels et les informations dans le pays, mais pas ce que les gens disent en ligne et les informations venant de l'extérieur du pays. Ils essaient donc de fermer cette porte. La guerre du régime contre la liberté d’expression est une bataille perdue. Couper Internet peut fonctionner pour un moment, mais ces mesures deviennent simplement ridicules aux yeux des citoyens », a-t-il déclaré.
«Couper Internet ne résout rien. Il y a des défis profondément enracinés dans la République islamique. Le régime est un échec dans tous les sens: idéologiquement, économiquement, politiquement et diplomatiquement. Il veut diriger un pays moderne du XXIe siècle avec des règles établies au Moyen Âge. Voici la source du problème », a ajouté Saba. «Les Iraniens en ont assez. Ils luttent contre la République islamique du mieux qu’ils peuvent, et continueront de le faire, avec ou sans technologies de communication».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com