NICE: Aux Moulins, quartier de Nice où de nombreux habitants ont des origines dans les pays du Maghreb, les fans de foot ont "le cœur qui balance" avant la demi-finale du Mondial-2022 mercredi entre la France et le Maroc, qui s'annonce passionnée et déchirante.
"Le Maroc va gagner parce que nous sommes forts et que nous faisons confiance à notre entraîneur Walid Regragui": Smaïl Zriouin, le boulanger marocain du "Fournil des Moulins" est catégorique.
Sa boulangerie donne sur la place en travaux des Amaryllis, surnommée "la vieille" car l'une des rares à avoir survécu à un vaste programme de rénovation urbaine dans ce quartier d'environ 7.800 habitants.
Samedi soir, elle a été le théâtre de quelques incidents entre jeunes et policiers après les qualifications du Maroc puis de la France.
Un peu plus bas, des femmes, dont certaines portent le voile, font la causette entre la piscine municipale et la crèche.
"Je suis née à Nice et je suis d'origine algérienne. Si c'était France/Algérie, je serais à 90% pour l'Algérie. Là, je suis à 50/50", explique Wardah H, 44 ans, qui ne souhaite pas donner son nom complet.
"Ca va être chaud parce qu'on est françaises mais d'origine maghrébine. Notre coeur balance car la France c'est le pays qui a accueilli nos parents", ajoute Sarah A, 36 ans, d'origine tunisienne.
Dans ce quartier "populaire et sensible", où la précarité est forte et où "400 familles sont suivies par l'épicerie solidaire", selon Karim Ben Ahmed, élu municipal (sans étiquette) et directeur de l'association Aide aux devoirs animation des Moulins (Adam), peu de signes annoncent cette demi-finale historique pour une nation africaine.
Seul un drapeau marocain est visible, accroché au balcon du 14e et dernier étage d'une des nombreuses tours, située avenue de la Méditerranée.
Ce quartier "vit et respire pour le football", principale activité sportive du coin, explique Abdou Djadi, ancien joueur de l'Association sportive des Moulins.
Sur la pelouse synthétique du Nice Stadium, "refaite il y a trois mois", Farid, le gardien "d'origine algérienne", montre les portraits réalisés par un peintre du quartier: Maradona, Zidane et bien sûr l'enfant de Nice, Hugo Lloris, le gardien de but et capitaine des Bleus.
«Pas choisir entre mère et père»
Toujours prêt à s'enflammer pour le ballon rond, le quartier peut aussi s'embraser au sens propre. Ainsi, samedi soir, des jeunes ont lancé des mortiers d'artifice, mettant le feu à des poubelles et un appartement après les victoires de la France et du Maroc. Ils s'en sont pris à des policiers venus protéger les pompiers en intervention et un policier a été blessé à la main, selon la préfecture.
Pour mercredi, "il y aura un dispositif à Nice comme à Cannes, dans tous les quartiers où ça se justifie. On aura forcément une attention sur les Moulins", indique Benoît Huber, directeur de cabinet du préfet des Alpes-Maritimes, interrogé par l'AFP.
"C'est une trentaine de jeunes qui foutent le bordel", déplore Karim Ben Ahmed, dont l'association Adam mobilisera encore ses médiateurs mercredi soir et pour qui "il faut que les jeunes qui fêtent le fassent dans le calme".
"Ces débordements, c'est décevant. Les valeurs du sport c'est le vivre ensemble", ajoute Abdelhakim Madi, 22 ans, qui a reçu la distinction de "Prodige de la République" en 2019 pour son implication auprès des jeunes, à travers son association, "Partage ton talent".
"Cette demi-finale du Maroc, c'est la fierté de toute l'Afrique, ajoute-t-il. Mais moi, même si je suis d'origine marocaine, je suis français et j'ai grandi en France, donc je ne pourrai pas choisir entre ma mère et mon père, comme le dit Jamel Debbouze".
M. Ben Ahmed, "Français né à Nice de parents marocains", clamera lui "Allez les Bleus et bon match à la famille et aux amis marocains!".