PARIS : Emmanuel Macron fait un premier bilan lundi des travaux du Conseil national de la refondation (CNR), un outil de réforme vanté comme une autre façon de gouverner, par la concertation, mais qui peine à s'installer dans le paysage français.
Le chef de l'Etat présidera la deuxième session plénière du CNR, qui réunit représentants du camp macroniste - les oppositions le boycottent -, partenaires sociaux, entreprises et associations, après la séance inaugurale du 8 septembre à Marcoussis (Essonne).
La réunion, à laquelle participeront également la Première ministre et des membres du gouvernement, se tiendra de 09H30 à 17H00 au palais de l'Elysée.
Le chef de l'Etat entend faire un "point d'étape" des travaux menés depuis trois mois à travers 2 000 CNR territoriaux sur l'école, la santé et l'emploi, et sept CNR thématiques nationaux, du "Bien vieillir" au logement.
Des projets remontant du terrain seront présentés, comme le "passeport prévention santé tout au long de la scolarité", la création d'un magasin écoresponsable et solidaire dans un lycée professionnel et "un laboratoire de langues pour lutter contre les inégalités dès la fin de la maternelle", cite l'Elysée.
Emmanuel Macron devrait annoncer une enveloppe spécifique pour les projets identifiés en matière de santé, sur le modèle du Fonds d'innovation pédagogique de 500 millions d'euros initié en septembre.
"Ces CNR vont produire de la décision, des changements concrets et rapides avec des moyens prévus pour cela ", a-t-il assuré au JDD, conscient que "la crédibilité, c’est que ça débouche sur les actions concrètes".
Un «machin»
L'ambition du CNR est "claire", "agir en Nation", "dépasser nos différends" pour "refonder nos services publics", "trouver les bonnes solutions, loin des postures", martèle le chef de l'Etat, déterminé à donner corps à cette nouvelle instance.
Une ambition contrariée par le boycott des oppositions et d'une partie des syndicats qui seront de nouveau les grands absents lundi, là où l'exécutif voulait croire que la "bouderie cesserait vite" devant les premiers résultats. La CFDT, déjà présente à Marcoussis, a toutefois confirmé sa venue.
"Le pays a moins besoin de débats et de constats réitérés que de décisions concrètes qui répondent enfin à l’urgence de la situation et aux problèmes des Français", assène Annie Genevard chez Les Républicains.
Du Rassemblement national à La France Insoumise, tous décrient en coeur un "machin", un "gadget" destiné à "contourner le Parlement" où la Macronie n'a plus la majorité absolue depuis juin.
Faux, rétorque l'Elysée : "Ce n’est ni une organisation, ni une institution donc il n'y a aucune concurrence avec le Parlement ou une quelconque autorité prévue par la Constitution".
Le CNR capte aussi difficilement l'attention des Français, préoccupés par la flambée des prix, les risques de coupures d'électricité et le probable relèvement de l'âge de la retraite.
"Aux yeux de l’opinion, cela ne prend absolument pas", le CNR est perçu comme un "exercice de communication qui a l’arrière-goût laissé par le Grand débat national", constate le politologue Bruno Cautrès, interrogé par l'AFP.
«Infusion lente»
Lancé par Emmanuel Macron en réponse à la crise des Gilets jaunes en 2018, le Grand débat avait donné lieu à plus de 10.000 réunions locales et près de deux millions de contributions sur internet.
"On a voulu s’approprier la symbolique gaulliste de l’après-Seconde guerre mondiale, or on n’est pas après la Seconde guerre mondiale et Emmanuel Macron n’est pas le général de Gaulle", renchérit Bruno Cautrès qui juge osé le parallèle voulu avec le Conseil national de la résistance (CNR) de 1943.
A l'Elysée, on préfère relever que les élus de l'opposition répondent présents dans les réunions locales.
"Le CNR c’est pas du sang sur les murs, c’est une méthode d’infusion lente de transformation, donc forcément ça ne peut faire l’objet d’une communication sensationnaliste", assure un conseiller présidentiel.
L'historien Jean Garrigues, beaucoup plus dubitatif, y voit "l'utopie d'une démocratie participative" dans une "société de plus en plus hyperindividualiste, hyperfracturée".
"D'un côté on a l'impression que ça ne sert à rien, et de l'autre ceux qui pourraient s'y intégrer n'en ont ni le temps, ni la motivation", dit-il à l'AFP, en se demandant si tout cela ne va pas in fine "se transformer en usine à gaz".