BRUXELLES: La vice-présidente grecque du Parlement européen Eva Kaili a été inculpée pour "corruption"dimanche à Bruxelles, et écrouée, dans l'enquête d'un juge belge portant sur de gros versements qu'aurait effectués le Qatar pour influencer des décisions au sein de cette grande institution de l'UE.
Une source judiciaire a indiqué à l'AFP que Mme Kaili et trois autres personnes avaient été écrouées par un juge bruxellois, deux jours après leur interpellation dans une enquête ciblant les agissements du pays organisateur du Mondial-2022.
Mme Kaili n'a pas pu bénéficier de son immunité parlementaire car l'infraction qui lui est reprochée a été constatée "en flagrant délit", a expliqué la même source judiciaire. Cette source a confirmé des informations de presse selon lesquelles des "sacs de billets" ont été découverts dans l'appartement de l'élue socialiste grecque.
Ce domicile dans la capitale belge a été perquisitionné vendredi soir. Et celui d'un autre eurodéputé socialiste, le Belge Marc Tarabella, l'a été samedi soir, a ajouté la source judiciaire. Ce dernier n'a pas été interpellé.
Pour assister la police fédérale dans cette seconde perquisition, la présidente du Parlement européen Roberta Metsola est revenue de Malte à Bruxelles dans la soirée, a indiqué un de ses porte-parole. La présence de la présidente est requise pour un tel acte d'enquête visant un eurodéputé élu en Belgique "comme le veut la Constitution belge", a-t-on expliqué.
Athènes gèle tous les avoirs d'Eva Kaili
L'Autorité grecque de lutte contre le blanchiment d'argent a annoncé lundi geler tous les avoirs de la vice-présidente du Parlement européen, la Grecque Eva Kaili, écrouée à Bruxelles pour son implication présumée dans un retentissant scandale de corruption en lien avec le Qatar.
La mesure qui vise l'élue, écartée du parti socialiste grec Pasok-Kinal à la suite de cette affaire, concerne "les comptes bancaires, les coffres, les sociétés et tout autre actif financier", selon le président de l'autorité anti-blanchiment, Haralambos Vourliotis, cité par un membre de la même organisation.
Les établissements bancaires grecs et les services de l'Etat compétents ont déjà été informés de cette mesure par l'Autorité de lutte contre le blanchiment d'argent, selon ce membre de cette institution.
Le gel des avoirs concerne également les membres de la famille proche de Mme Kaili, comme ses parents, selon la même source.
Mme Kaili n'a pas pu bénéficier de son immunité parlementaire car l'infraction qui lui est reprochée a été constatée "en flagrant délit", a expliqué la même source judiciaire. Cette source a confirmé des informations de presse selon lesquelles des "sacs de billets" ont été découverts dans l'appartement de l'élue socialiste grecque.
«Intolérable»
Cette affaire est "honteuse et intolérable" et elle porte atteinte de manière "très grave" à la réputation du Parlement, a réagi dimanche le commissaire européen à l'Economie, Paolo Gentiloni.
Selon la presse belge, l'ancien eurodéputé italien Pier-Antonio Panzeri, désormais à la tête de l'ONG Fight Impunity, a lui aussi été écroué dimanche.
Il comptait comme Mme Kaili parmi les six personnes interpellées vendredi à Bruxelles, au terme d'au moins seize perquisitions.
Deux de ces suspects ont été remis en liberté et les quatre autres placés en détention provisoire après leur inculpation pour "appartenance à une organisation criminelle, blanchiment d'argent et corruption".
Le propre père de Mme Kaili a lui même été inquiété dans l'enquête, surpris en train de transporter une grosse somme en liquide "dans une valise", d'après le journal belge L'Echo.
Dans cette affaire, "est suspecté le versement d'importantes sommes d'argent ou l’offre de cadeaux significatifs à des tiers ayant une position politique et/ou stratégique permettant, au sein du Parlement européen, d'influencer les décisions" de cette institution, a rappelé dimanche le parquet.
Accusations «très préoccupantes», selon Borrell
Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a jugé lundi "très préoccupantes" les informations sur une affaire de corruption présumée au sein du Parlement européen dont la vice-présidente grecque, Eva Kaili, a été écrouée.
"Ces informations sont très très préoccupantes", a-t-il déclaré à son arrivée pour une réunion des ministres des Affaire étrangères de l'Union européenne. "Une enquête est en cours et nous la suivons", a-t-il précisé.
"Il s'agit vraiment d'un incident incroyable qui doit maintenant être élucidé sans équivoque et avec toute la rigueur de la loi, car il en va aussi et surtout de la crédibilité de l'Europe", a de son côté estimé la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock.
"C'est un scandale sur lequel nous devons faire éclater la vérité afin que nous puissions nous assurer que cela ne se reproduise pas", a pour sa part insisté le chef de la diplomatie irlandaise Simon Coveney. "Une enquête complète et transparente doit être menée afin d'obtenir une explication sur ce qui s'est passé".
«Transformation historique»
L'affaire éclate en plein Mondial-2022 de football, alors que le pays organisateur doit déployer des efforts pour défendre sa réputation décriée en matière de respect des droits humains, notamment ceux des travailleurs.
Elle survient aussi à la veille d'une session plénière du Parlement européen à Strasbourg, où la relation entre l'UE et le Qatar devrait inévitablement resurgir dans les débats.
Eva Kaili, ex présentatrice télé de 44 ans, élue en janvier 2022 à l'une des vice-présidences du Parlement européen, s'était rendue début novembre au Qatar où elle avait salué en présence du ministre qatari du Travail les réformes de l'émirat dans ce secteur.
L'ambassadeur de l'UE à Doha Cristian Tudor avait alors assuré sur Twitter la publicité de cette rencontre jugée positive.
L'organisation du Mondial par le Qatar témoigne de la "transformation historique d'un pays dont les réformes ont inspiré le monde arabe", avait aussi affirmé Mme Kaili le 22 novembre à la tribune du Parlement européen.
Ces propos, qui avaient alors suscité des remous dans les rangs de la gauche et des libéraux, sont revenus à l'esprit de nombreux eurodéputés ce week-end après l'annonce de son arrestation.
"Je crains maintenant de comprendre...", a commenté samedi sur Twitter le Français Pierre Karleskind (Renew, libéraux).
Lundi à Strasbourg, la présidente du Parlement Roberta Metsola a convoqué une réunion des présidents de groupes pour évoquer l'enquête judiciaire belge, ont indiqué dimanche à l'AFP deux sources au sein de l'institution.
Les eurodéputés Verts et socio-démocrates s'opposeront par ailleurs au démarrage de négociations sur une libéralisation des visas pour les Qataris dans l'UE.
Samedi soir, Mme Metsola a décidé d'une première sanction contre Eva Kaili. La vice-présidente grecque s'est vu retirer toutes les tâches déléguées par la présidente dont celle de la représenter dans la région Moyen-Orient.
Des eurodéputés de gauche, dont l'écologiste Philippe Lamberts au nom du groupe des Verts, ont demandé la démission de Mme Kaili. Elle a été exclue dès vendredi soir du parti socialiste grec (Pasok-Kinal) dont elle était une figure déjà controversée.