PARIS : Urgentiste un jour, urgentiste toujours: ballotté "d'une crise à l'autre" depuis son arrivée au ministère de la Santé, François Braun espère encore, entre grèves et épidémies, passer au "traitement de fond" et imprimer sa marque.
Le costume trois pièces a remplacé la blouse. Et le ministre prend peu à peu le pas sur le médecin. "Pas le ministre qui niera les difficultés" des soignants affrontant "avec courage et abnégation les épreuves qui se succèdent", a-t-il assuré vendredi lors d'une conférence de presse aux accents alarmistes.
Mais quand même le ministre qui prédit que "dans six mois, ça va aller mieux". Pronostic audacieux lancé fin novembre par celui qui, début juillet, évoquait un "système de santé à bout de souffle".
Pas le temps de souffler pour le Dr Braun. Nommé au début de l'été pour soigner une énième poussée de fièvre aux urgences, le placide praticien encaisse sans broncher l'accumulation des calamités: variole du singe inédite, bronchiolite record, grippe précoce etc. "Il y en aura d'autres, je ne me fais aucune illusion par rapport à ça", lâchait-il à l'orée d'une nouvelle vague de Covid automnale.
Aux épidémies s'ajoutent les virus informatiques, qui mettent à genou même les plus gros hôpitaux. Ainsi, Corbeil-Essonnes et Versailles, deux sièges locaux du Samu, renvoyés à l'âge du papier par des hackers avides de rançons. Face visible des "attaques quotidiennes" que le ministre déplore, affirmant à chaque fois que "la santé des Français ne sera pas prise en otage".
«Convaincre et faire confiance»
Difficile de rassurer une population déjà souvent inquiète des pénuries de médicaments, réelles ou ressenties mais toujours plus nombreuses. Alors que la peur de manquer touche des produits aussi essentiels que le paracétamol et l'amoxicilline, il ne peut promettre qu'un retour à la normale "dans les semaines, les mois qui viennent".
Comme face à la fronde des pédiatres débordés, qu'une rallonge budgétaire est censée calmer jusqu'à des Assises de la santé de l'enfant annoncées pour le printemps. La gestion de crise des premiers mois érigée en politique, faute de temps.
L'intéressé s'en défend et se veut "le ministre de l'ensemble du traitement, pas que du +damage control+", capable de mener "en parallèle le traitement d'urgence" et "le traitement de fond, la refondation de notre système de santé".
Mais il se sait à la tête d'un "ministère qui a l'habitude depuis longtemps de passer d'une crise à l'autre et qui, de fait, a beaucoup de mal à prendre de la distance pour régler les problèmes de fond".
Pas évident non plus de s'affranchir de la tutelle élyséenne. Quand le masque obligatoire revient dans le débat, le ministre s'avance ("mon bras ne tremblera pas") puis le président recadre ("sur la base du volontariat"). Et le premier tempère: "Ma méthode est de convaincre et de faire confiance aux Français".
Goût de la mêlée
Une mission prioritaire, à en juger par l'avancement du volet santé du Conseil national de la refondation, lancé bien avant ceux sur l'éducation ou le "bien vieillir". Pas un hasard non plus si l'ex-urgentiste est surexposé dans les médias, tandis que d'autres recrues de la "société civile" comme Pap Ndiaye (Education) ou Jean-Christophe Combe (Solidarités) y sont plus rares.
L'ombre de son prédécesseur Olivier Véran n'est cependant jamais loin, l'actualité fournissant régulièrement au porte-parole du gouvernement l'occasion de rappeler qu'il a occupé le poste. Moins expert en communication, comme en politique --"l'incapacité à pouvoir débattre vraiment à l'Assemblée" l'a surpris--, François Braun compense en arpentant le terrain.
Partout où il passe, l'ancien chef des urgences de Metz vante sa "boîte à outils", faite de "droits et devoirs". Mais le discours n'apaise pas toutes les tensions. Son premier budget de la Sécu a provoqué des grèves d'internes et de biologistes. Les médecins libéraux leur ont emboité le pas, manifestant leur colère au pied du ministère.
Scène insolite, François Braun est allé à leur rencontre, quitte à se faire chahuter par ses confrères. Un goût de la mêlée propre à l'amateur de rugby, qui a "toujours préféré la percussion au cadrage-débordement". Le pilier doit maintenant éviter les raffuts.