DOHA: Les espoirs du Sénégal au Mondial-2022 reposent en partie sur les épaules de l'inconstant Ismaïla Sarr, chargé de faire oublier Sadio Mané et de dynamiter la défense anglaise en huitièmes de finale, dimanche au stade al-Bayt.
"S'il joue à ce niveau-là, on peut aller loin", lance un des patrons du groupe, Idrissa Gana Gueye, suspendu pour ce match, après la victoire contre l'Équateur (2-1) où l'attaquant a assuré, provoquant et marquant un penalty.
"C'est un travail d'équipe", assure Sarr, repoussant poliment les compliments des médias. "L'essentiel est que l'équipe gagne, je ne me soucie pas trop de mes performances personnelles", affirme-t-il. "J'ai trouvé normal que le coach me demande d'aider mon latéral dans les phases défensives" contre les Équatoriens.
"On a besoin de ce genre de joueurs qui éliminent, qui font la différence", poursuit "Gana". Contre l'Équateur, "Ismaïla l'a très bien fait, ça nous fait beaucoup de bien et je sais qu'il peut faire beaucoup mieux".
Habitué à faire l'ascenseur avec Watford entre les deux premières divisions anglaises, l'ancien Messin doit maintenant briller sur la scène mondiale.
«Ça ne dépend que de lui»
Mais Claude Le Roy, ancien sélectionneur du Sénégal (1988-1992), croit en lui. "Ismaïla a des qualités exceptionnelles, il faut maintenant qu'il sorte du cycle des blessures et de son inconstance", explique-t-il à l'AFP.
"Il faut qu'il veuille se faire mal, c'était ça son problème, il le fait de façon trop irrégulière avec Watford. Mais j'ai l'impression qu'il a décidé d'enfiler la veste verte d'un vainqueur du Masters de golf", poursuit le "Sorcier blond".
Pour Le Roy, Sarr "doit prendre conscience qu'il a d'incroyables qualités athlétiques. Il est capable de faire énormément d'efforts, de multiplier les courses à haute intensité, d'éliminer aussi bien côté gauche que côté droit, le défenseur ne sait jamais d'avance où aller le chercher. C'est rare un joueur délatéralisé, comme Ousmane Dembélé".
"Il a aussi une qualité d'accélération, une frappe de balle, il a tout pour devenir un très grand joueur, ça ne dépend que de lui", lance encore l'homme qui a disputé neuf Coupes d'Afrique (et gagnée celle de 1988 avec le Cameroun).
Mané blessé, "on ne peut pas remplacer Sadio dans son registre, mais Ismaïla est le soleil qui va mettre un peu de lumière sur ses coéquipiers", assure Le Roy.
«Qu'il croit en lui»
Sarr a l'habitude d'évoluer dans l'ombre de Mané, deuxième du Ballon d'Or 2022. Déjà pour sa première sélection il l'avait remplacé. C'était la 67e minute d'un match de qualification pour la CAN-2017 contre la Namibie (2-0).
Depuis le forfait de Mané, toute l'attention du Sénégal est fixé sur l'enfant de Saint-Louis, âgé de 24 ans, passé par l'école Génération Foot, jumelée avec le FC Metz, passé par les Grenats puis Rennes.
Sarr peut produire de sacrée étincelles, mais aussi de disparaître. Au rayon des exploits, il y a son grand jour contre Liverpool (3-0) en 2020, où son doublé mettait fin à 44 matches d'invincibilité des Reds en Premier League.
En début de saison, il a aussi marqué un but fantastique depuis son camp contre West Bromwich Albion.
Mais titulaire en Russie il y a quatre ans, il n'avait pas donné la pleine mesure de son talent.
Contre l'Équateur, il a ouvert son compteur au Qatar en transformant un penalty avec une feinte de regard.
"J'avais déjà décidé de regarder le gardien et d'attendre qu'il bouge pour que je puisse changer de côté", révèle-t-il.
"Seul Neymar peut fermer et ouvrir son pied à la dernière seconde tout le temps", salue Le Roy, "même Messi n'a pas réussi à le faire, pourtant le gardien polonais avait beaucoup anticipé. Ismaïla a changé son pied, mais pas son regard".
Tout ce talent, Sarr doit l'exposer contre les Anglais, pour un deuxième quart de finale après 2002.
"Il faut qu'il croie en lui", conclut Gana Gueye, "qu'il prenne ses responsabilités et qu'il n'ait pas peur, car derrière lui les milieux de terrain sont là pour couvrir les espaces en cas de perte de balle".