Abstention, nouvelles instances: des élections à multiples inconnues pour les fonctionnaires

Des manifestants participent à une manifestation dans le cadre d'une grève nationale lors d'une journée de mobilisation nationale et interprofessionnelle convoquée par le syndicat CGT à Paris le 10 novembre 2022. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des manifestants participent à une manifestation dans le cadre d'une grève nationale lors d'une journée de mobilisation nationale et interprofessionnelle convoquée par le syndicat CGT à Paris le 10 novembre 2022. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
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Publié le Lundi 28 novembre 2022

Abstention, nouvelles instances: des élections à multiples inconnues pour les fonctionnaires

  • Quatre ans après des élections où la participation était passée sous la barre symbolique des 50%, «clairement, notre objectif est qu'on repasse au-dessus», affirme-t-on au ministère de la Fonction publique
  • Les syndicats redoublent aussi d'efforts: la CFDT a ainsi publié un guide à destination de ses adhérents du privé pour qu'ils incitent les agents publics à aller voter

PARIS: Les fonctionnaires retournent aux urnes: du 1er au 8 décembre, les 5,7 millions d'agents publics sont appelés à élire de nouvelles instances de dialogue social, un scrutin qui devrait être davantage marqué par l'abstention que par un bouleversement de la hiérarchie syndicale.

Parmi les fonctionnaires, "une partie de la population est proche des syndicats et a bien conscience des enjeux de la représentativité et du travail syndical avec la collectivité", se félicite Géraldine Chopineau, candidate CFDT dans un conseil départemental de l'ouest de la France. "Mais il y a une autre partie des agents au devant desquels il faut aller", ajoute-t-elle immédiatement.

Quatre ans après des élections où la participation était passée sous la barre symbolique des 50%, "clairement, notre objectif est qu'on repasse au-dessus", affirme-t-on au ministère de la Fonction publique.

Entre interviews dans la presse spécialisée, déplacements du ministre Stanislas Guerini et communication abondante sur les réseaux sociaux et les sites du gouvernement, "le plan de communication est beaucoup plus offensif" qu'en 2018, assure-t-on de même source.

Elections professionnelles: pour quelles instances votent les fonctionnaires ?

Quatre ans après les dernières élections professionnelles, les 5,7 millions d'agents publics s'apprêtent à voter pour des instances de dialogue social profondément modifiées par une loi de 2019. Voici les principales nouveautés.

Aux Comités sociaux, les questions collectives

Adieu les comités techniques et les CHSCT (commission hygiène, sécurité et conditions de travail), place aux comités sociaux.

Cette nouvelle instance, composée de trois à quinze représentants élus par les agents, réunira syndicats et employeurs publics pour aborder toutes les questions professionnelles collectives comme la formation, l'égalité professionnelle ou le temps de travail.

Dans les structures de plus de 200 agents, les comités sociaux comporteront obligatoirement une formation spécialisée dans la santé, la sécurité et les conditions de travail.

Les agents de la fonction publique d'Etat éliront des comités sociaux d'administration (CSA), les agents hospitaliers des comités sociaux d'établissement (CSE) et les agents territoriaux des comités sociaux territoriaux (CST).

Aux CAP/CCP, les sujets individuels

La loi de 2019 n'a pas changé le nom de ces deux instances consultatives, mais leur rôle a été recentré.

Désormais, les commissions administratives paritaires (CAP) et les commissions consultatives paritaires (CCP) n'émettent des avis que sur les décisions individuelles défavorables aux agents: licenciements, sanctions disciplinaires...

Une évolution qui mécontente certains syndicats, habitués jusqu'ici à plaider aussi pour des

mesures favorables aux agents comme des avancements ou des promotions.

Composées à parts égales de représentants du personnel et de l'administration, les CAP se prononcent sur les cas de fonctionnaires tandis que les CCP statuent sur les décisions qui visent les agents contractuels.

Aux Conseils supérieurs, les projets de décret

Chaque versant de la fonction publique dispose d'un Conseil supérieur, une instance consultative qui se prononce sur les projets de textes (décrets, rapports) le concernant spécifiquement.

Récemment, le Conseil supérieur de la fonction publique d'Etat a par exemple examiné le projet de décret qui doit supprimer le célèbre classement de sortie de l'Institut national du service public, l'école de formation des hauts fonctionnaires qui a remplacé l'ENA début 2022.

Les agents n'élisent pas directement les membres de ces trois Conseils, mais leur composition est déterminée par le résultat des élections: le nombre de sièges attribués à chaque syndicat dans ces instances est en effet proportionnel au nombre de voix qu'ils ont réunies lors du scrutin pour les comités sociaux.

Arrivée en tête des élections dans la fonction publique territoriale et hospitalière en 2018, la CGT avait ainsi obtenu sept des vingt sièges dévolus aux syndicats dans les Conseils supérieurs de ces deux versants.

Les syndicats redoublent aussi d'efforts: la CFDT a ainsi publié un guide à destination de ses adhérents du privé pour qu'ils incitent les agents publics à aller voter.

"On fait feu de tout bois en matière d'actions de communication", déclare lui aussi le secrétaire général de la FGF-FO Christian Grolier, qui a fait campagne dans pas moins de 44 départements.

La généralisation du vote électronique dans la fonction publique d'Etat (2,5 millions d'agents), après des expérimentations dans certains ministères en 2014 et 2018, divise les syndicats.

"Souvent, quand il y a un passage au vote électronique, il y a une baisse de la participation", avance Luc Farré (Unsa-Fonction publique).

Présidente de Services Publics CFE-CGC, Nathalie Makarski estime à l'inverse que le vote en ligne "favorise la participation".

Ses arguments: les agents peuvent voter du 1er au 8 décembre plutôt que sur une seule journée, et avoir accès au portail de vote où qu'ils soient.

Elections à l'hôpital: après le Ségur, l'heure des comptes pour les syndicats

Deux ans après le "Ségur de la santé" et ses milliards d'euros de hausses de salaires, les syndicats hospitaliers qui ont signé cet accord comme ceux qui l'ont contesté espèrent que leur choix sera payant aux élections, qui débutent jeudi.

A qui profitera le Ségur? Les 1,2 million d'agents - titulaires et contractuels - de la fonction publique hospitalière sont appelés à choisir leurs représentants syndicaux aux élections professionnelles organisées du 1er au 8 décembre.

L'échéance est cruciale pour les syndicats, divisés en deux camps depuis l'été 2020, lorsque trois organisations (FO, CFDT, Unsa) ont topé avec le gouvernement. A la clé, notamment, plus de 10 milliards d'euros annuels de revalorisations pérennes pour l'ensemble des personnels du secteur.

Un accord "historique", qui "reste l'élément majeur de notre bilan" et "la pierre angulaire de notre campagne", assume Didier Birig. Le leader de FO-Santé, qui a ravi la deuxième place à la CFDT avec près de 25% des voix il y a quatre ans, entend bien "maintenir" cette position et la conforter pour "talonner plus sérieusement la CGT" - solide première avec plus de 31% des suffrages au dernier scrutin.

Pour combler l'écart, il insiste désormais sur "les conditions de travail, qui sont la deuxième jambe du Ségur", et revendique des "effectifs minimum" dans les services, avec des ratios de soignants par malade.

Même combat pour son homologue de la CFDT-Santé, Evelyne Rescanières, pour qui "il y a encore du grain à moudre" dans le Ségur, en particulier sur "les indemnités de nuit".

"Nous avons un bilan, nous le défendons, mais ce n'est pas fini", affirme-t-elle, affichant son ambition de "repasser deuxième" dans les urnes. Ce qui supposera de faire mieux que les 24% recueillis en 2018. Quitte à défendre "la politique des petits pas" à l'opposé d'autres syndicats aux yeux de qui, selon elle, "parce que tout le monde n'a pas, personne ne devrait avoir".

Inquiétudes sur l'abstention

Petit tacle glissé à la CGT-Santé, qui avait refusé de parapher le Ségur, que sa secrétaire générale Mireille Stivala qualifie encore de "protocole très insuffisant".

"On est passé à autre chose", assure-t-elle aujourd'hui. Ce qui ne l'empêche pas de revendiquer sa part de ce "fruit de la lutte et de la mobilisation", dont elle demeure le fer de lance.

Mais ses journées d'action à répétition sont loin de faire le plein, malgré le contexte de crise permanente qui mine l'hôpital. Signe d'une probable résignation des troupes, principal danger identifié par celle qui "veut rester la première organisation".

Mme Stivala ne cache d'ailleurs pas être "inquiète du taux de participation", déjà tombé à 44% aux dernières élections. Comme d'autres syndicats, elle craint un nouveau recul à cause du recours croissant au vote électronique, entaché selon elle de "dysfonctionnements".

"Ce sera forcément un frein", estime aussi Jean-Marc Devauchelle, numéro un de SUD-Santé. Désireux de "construire un rapport de force" avec l'exécutif, il entend capitaliser sur une "frustration du Ségur encore palpable" pour dépasser ses 8% actuels.

Juste derrière, l'Unsa-Santé, "plus petit des gros syndicats" hospitaliers avec un peu plus de 5%, "table bien sûr sur le Ségur" pour continuer de progresser, explique son chef Yann Le Baron.

Quel que soit le verdict des urnes, le résultat ne soldera en tout cas pas le contentieux entre les deux camps. "On travaille avec ceux qui veulent travailler avec nous", dit ainsi la CFDT, quand FO déplore que ses "bouées lancées" à la CGT aient "toujours reçu une fin de non- recevoir".

"On a continué à mobiliser, ce sont les autres qui ont arrêté de venir", réplique la CGT, qui juge toutefois que "ce n'est pas une rupture totale", à condition que chacun soit prêt à aller "jusqu'au bout des revendications". Peine perdue pour SUD, qui considère qu'avec les signataires du Ségur, "l'unité syndicale n'existe plus".

«Mouvements lents»

En plus du vote électronique, les syndicats doivent aussi familiariser les agents publics aux nouvelles instances de dialogue social créées par une loi de 2019.

Principaux changements: la disparition des CHSCT (Comité hygiène, santé et sécurité au travail) au profit de formations spécialisées et la suppression des comités techniques, remplacés par des comités sociaux aux compétences assez proches.

Alors qu'un chantier sur les déroulements de carrière et les rémunérations doit s'ouvrir début 2023 et que le taux d'inflation dépasse les 6% sur un an, les candidats se font souvent interpeller sur la question du pouvoir d'achat.

"Le salaire, c'est vraiment le gros sujet à l'heure actuelle", confie Eric Morio, candidat à un troisième mandat de représentant CFDT au conseil départemental de la Mayenne.

Agent des finances publiques à Douai (Nord), Laurent Wiart ira voter et attend des syndicats qu'ils se battent pour "les salaires, le maintien des garanties des fonctionnaires et les retraites", que le gouvernement prévoit aussi de réformer en 2023.

"On est assez démobilisés", soupire son collègue Guy Defer, regrettant l'érosion du pouvoir des syndicats et la diminution des effectifs, passés de 40 à 20 agents dans son service en une quinzaine d'années.

Ces élections présentent un vrai enjeu de hiérarchie entre les neuf syndicats représentatifs: en 2018, grâce aux voix gagnées dans la fonction publique, la CFDT était devenue le premier syndicat de France, secteurs public et privé confondus.

Dans le public, elle est encore devancée par la CGT. "Il faut être réaliste", juge une source au sein de la CFDT, "les mouvements sont lents" et la conquête de la première place dès 2022 serait une surprise.

"On table plutôt sur 2026", ajoute-t-on de même source. En 2018, les agents publics avaient donné près de 530.000 voix à la centrale de Montreuil et près de 460.000 à la CFDT.


Emmanuel Macron entame lundi à Mayotte une tournée dans l'océan Indien

Le président français Emmanuel Macron réagit lors d'une réunion diplomatique avec le chef du bureau présidentiel ukrainien, le conseiller à la sécurité nationale du Royaume-Uni, l'envoyé spécial américain, le secrétaire d'État américain et le conseiller à la sécurité nationale de l'Allemagne au palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 17 avril 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron réagit lors d'une réunion diplomatique avec le chef du bureau présidentiel ukrainien, le conseiller à la sécurité nationale du Royaume-Uni, l'envoyé spécial américain, le secrétaire d'État américain et le conseiller à la sécurité nationale de l'Allemagne au palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 17 avril 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron entame lundi à Mayotte une tournée de cinq jours dans l'océan Indien afin d'accélérer la reconstruction de l'archipel français
  • Le président français, venu constater l'ampleur des dégâts le 18 décembre, avait alors promis aux Mahorais de revenir pour "lancer le temps de la reconstruction"

PARIS: Emmanuel Macron entame lundi à Mayotte une tournée de cinq jours dans l'océan Indien afin d'accélérer la reconstruction de l'archipel français, dévasté par le cyclone Chido, et de renforcer la place de la France dans cette région stratégique très convoitée.

Le président français, venu constater l'ampleur des dégâts le 18 décembre, avait alors promis aux Mahorais de revenir pour "lancer le temps de la reconstruction", a rappelé la présidence.

Quatre mois après le passage du cyclone, qui a fait 40 morts et causé quelque 3,5 milliards d'euros de dommages, les habitants du département le plus pauvre de France, déjà fragilisé par une forte pression migratoire venue des Comores, peinent à entrevoir le bout du tunnel, au-delà des travaux d'urgence pour rétablir l'eau, l'électricité et les télécommunications.

Le chef de l'Etat, déjà confronté à l'impatience et la colère des Mahorais en décembre, risque de se heurter au même climat lors de ses échanges avec la population et les élus.

"On voit encore des montagnes de déchets, des fils électriques par terre, des toits à l'air libre", déplore le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla.

Emmanuel Macron s'est engagé à rebâtir l'habitat et les infrastructures de Mayotte sur le modèle de la cathédrale Notre-Dame de Paris, dont la restauration s'est achevée cinq ans et demi après un incendie dévastateur, avec des règles spéciales et des délais raccourcis.

"Mayotte doit être plus belle demain qu'elle n'a été même avant le cyclone parce qu'il y avait déjà un territoire qui était en pleine fragilité", assure l'Elysée.

- "Intérêts partagés" -

Emmanuel Macron s'entretiendra aussi avec les responsables de la lutte contre l'immigration clandestine qui reste un défi majeur, alors que le Parlement vient d'adopter un texte très contesté durcissant les restrictions au droit du sol à Mayotte.

Dans la foulée, il rejoindra l'autre département français de la région, La Réunion, également frappé par de violents aléas climatiques et une épidémie de chikungunya, une maladie infectieuse transmise par le moustique tigre.

Le cyclone Garance y a fait cinq morts le 28 février et généré près de 250 millions d'euros de dégâts, dont 150 pour le seul secteur agricole, selon de premiers bilans.

Le président, qui restera mardi et mercredi matin à la Réunion, abordera aussi les enjeux sanitaires liés au chikungunya qui a fait six morts sur l'île depuis le début de l'année.

Il va aussi réaffirmer le "rôle stratégique de La Réunion dans la zone indo-pacifique" où la France entend s'imposer comme un acteur majeur grâce à ses multiples territoires et son immense espace maritime, le deuxième du monde derrière les Etats-Unis.

La Réunion abrite une base navale dans une zone stratégique pour le passage du commerce international, qui renferme aussi de nombreuses richesses en hydrocarbures et halieutiques et attise les rivalités entre grandes puissances.

Dans ce contexte, les visites que le président effectuera ensuite à Madagascar et à l'île Maurice visent à "valoriser nos intérêts partagés", résume l'Elysée.

- Iles Eparses, le sujet qui fâche -

Emmanuel Macron entend renforcer coopérations et alliances dans la région en temporisant sur les multiples points de friction hérités de la décolonisation.

A Madagascar, où la dernière visite bilatérale d'un président français remonte à 2005 avec Jacques Chirac, l'accent sera mis mercredi sur le renforcement des échanges commerciaux et des investissements.

Parmi les sujets qui fâchent, les Iles Eparses, territoire français revendiqué par Madagascar, seront "évoquées" par le président français et son homologue Andry Rajoelina, avec l'idée de relancer la Commission mixte sur l'avenir de l'archipel initiée en 2019, pointe sobrement l'Elysée.

La question de l'intégration de Mayotte à la Commission de l'océan Indien (COI), instance de coopération intergouvernementale qui réunit Madagascar, l'île Maurice, l'Union des Comores, les Seychelles et La Réunion pour la France, sera l'autre sujet délicat.

Les Comores ne reconnaissent pas la souveraineté de la France sur Mayotte et s'opposent à son entrée dans la COI, réclamée par les Mahorais.

Emmanuel Macron évoquera le sujet de façon "pragmatique" au cinquième sommet de la COI jeudi à Madagascar, "l'enjeu étant d'arriver à progresser sur l'inclusion de Mayotte dans les programmes" de coopération de l'organisation, a tout aussi sobrement esquissé l'Elysée.

A Madagascar puis l'île Maurice vendredi, la sécurité maritime sera au cœur des discussions, tout comme la protection des océans face au changement climatique et à la pollution plastique.


Tensions diplomatiques: Paris réplique à Alger, sans fermer la voie de la négociation

Le président français Emmanuel Macron (G) s'entretient avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune alors qu'ils posent pour une photo de famille avec les chefs d'État du G7 et les chefs de délégation des pays d'outre-mer au Borgo Egnazia, lors du sommet du G7 organisé par l'Italie, à Savelletri, le 14 juin 2024. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron (G) s'entretient avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune alors qu'ils posent pour une photo de famille avec les chefs d'État du G7 et les chefs de délégation des pays d'outre-mer au Borgo Egnazia, lors du sommet du G7 organisé par l'Italie, à Savelletri, le 14 juin 2024. (AFP)
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  • L’esprit de dialogue qui a prévalu pendant quelques jours s’est soudain émoussé, à la faveur du rapport de force diplomatique
  • L’Algérie a expulsé douze agents diplomatiques servant auprès de l’ambassade de France à Alger, en riposte à la mise en examen et au placement en détention à Paris de trois ressortissants algériens

PARIS: Entre Paris et Alger, l’ambiance est à nouveau à l’orage, après un semblant d’embellie de très courte durée.

L’esprit de dialogue qui a prévalu pendant quelques jours s’est soudain émoussé, à la faveur du rapport de force diplomatique.

Ce changement brutal survient après l’expulsion par l’Algérie de douze agents diplomatiques servant auprès de l’ambassade de France à Alger, en riposte à la mise en examen et au placement en détention à Paris de trois ressortissants algériens, dont un agent consulaire.

Les trois Algériens sont accusés d’avoir participé à la séquestration de l’opposant algérien Amir Boukhors, influenceur surnommé Amir DZ.

De son côté, Alger estime que cette mise en accusation est l’œuvre du ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau, accusé de vouloir rabaisser l’Algérie.

C’est d’ailleurs ce qui a dicté aux autorités algériennes le choix des agents français expulsés, qui sont tous en charge de la sécurité et, par conséquent, rattachés au ministère de l’Intérieur.

Se disant «consterné» par la décision algérienne, le palais de l’Élysée a fait savoir dans un communiqué que la France «procédera symétriquement» à l’expulsion de douze agents diplomatiques algériens servant sur son territoire.

Sur un ton sec et direct, le communiqué soutient que la décision d’Alger «méconnaît les règles élémentaires de nos procédures judiciaires» et qu’elle est «injustifiée et incompréhensible».

Il indique, par ailleurs, que Paris a également décidé de rappeler son ambassadeur en Algérie, Stéphane Romatet, pour consultation.

Tout au long de la journée d’hier (mardi), les spéculations allaient bon train sur une possible rupture des relations diplomatiques entre les deux pays.

Le rapprochement esquissé récemment, à la suite d’un échange téléphonique entre les deux présidents – français Emmanuel Macron et algérien Abdelmadjid Tebboune – ne fait pas l’unanimité au sein de la classe politique française, y compris dans les rangs de la majorité.

Mais tel n’a pas été le choix du président français, qui continue à vouloir maintenir une porte de sortie honorable, et éviter les désagréments d’une rupture nette au niveau des intérêts des deux pays et de leurs peuples.

En effet, dès l’annonce des expulsions par l’Algérie, Macron avait exprimé la nécessité de tout mettre en œuvre, dans les 48 heures imparties, pour obtenir des autorités algériennes un retour sur cette décision.

Paris indique cependant que, malgré les échanges entre le ministre des Affaires étrangères français Jean-Noël Barrot et son homologue algérien Ahmed Attaf, aucune évolution de position n’a été constatée.

Les autorités françaises regrettent profondément cette situation, d’autant plus qu’elle intervient à un moment où les deux chefs d’État avaient exprimé leur volonté commune de relancer un dialogue exigeant et constructif.

Cependant, Paris constate que les autorités algériennes ont fait le choix d’instrumentaliser une décision judiciaire française, prise de manière totalement indépendante, prenant ainsi la responsabilité d’une dégradation brutale des relations bilatérales.

Face à cette situation, la France fera tout pour défendre ses intérêts, notamment en matière de sécurité et de coopération migratoire, tout en rappelant à l’Algérie ses engagements internationaux, en particulier ceux qui découlent de conventions bilatérales entre les deux pays.

Néanmoins, côté français on laisse la porte ouverte en soulignant que le président de la République appelle les autorités algériennes à faire preuve de responsabilité et à revenir au dialogue qu’il avait lui-même initié avec son homologue algérien le 31 mars dernier.

Commentant cette dégradation, une source diplomatique française estime que les autorités algériennes ne peuvent pas continuer à saborder les efforts et la volonté d’aller de l’avant affichée par le président français depuis son arrivée au pouvoir en 2017.

Cette même source rappelle que si le rapprochement avec l’Algérie ne fait pas l’unanimité en France, les Algériens aussi sont appelés à accorder leurs violons, d’autant plus qu’une large frange de l’institution militaire algérienne reste elle aussi farouchement hostile à l’harmonisation.

En attendant des jours meilleurs, Paris écarte des répercussions économiques négatives et assure que la procédure reste circonscrite à la sphère diplomatique.

La visite prévue à Alger par le garde des Sceaux Gérald Darmanin est donc suspendue, de même que le sort de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, détenu en Algérie.


Macron va effectuer un déplacement de cinq jours dans l'océan Indien

Le président français Emmanuel Macron applaudit lors d'une cérémonie visant à récompenser les artisans et les fonctionnaires qui ont contribué à la restauration de la cathédrale Notre-Dame au palais de l'Élysée à Paris, le 15 avril 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron applaudit lors d'une cérémonie visant à récompenser les artisans et les fonctionnaires qui ont contribué à la restauration de la cathédrale Notre-Dame au palais de l'Élysée à Paris, le 15 avril 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron va effectuer à partir de lundi un déplacement de cinq jours à Mayotte pour faire le point sur la reconstruction de l'archipel
  • Ce déplacement sera centré sur la stratégie française dans cette partie de l'océan Indien, a expliqué jeudi l'Elysée

PARIS: Emmanuel Macron va effectuer à partir de lundi un déplacement de cinq jours à Mayotte pour faire le point sur la reconstruction de l'archipel, ravagé par le cyclone Chido, à La Réunion ainsi qu'à Madagascar et à l'île Maurice afin d'ancrer les deux départements français dans leur environnement régional.

Ce déplacement sera centré sur la stratégie française dans cette partie de l'océan Indien, a expliqué jeudi l'Elysée.

"Cet espace régional doit s'organiser avec l'ensemble de ses territoires. Il y a un avenir commun à bâtir", a souligné un conseiller du président français, qui assistera au cinquième sommet de la Commission de l'océan Indien à Madagascar.

Le chef de l'Etat est attendu lundi matin à Mayotte, où il avait promis de revenir après son déplacement de décembre, au lendemain du passage du cyclone Chido.

"Il avait alors donné des échéances pour le rétablissement de l'eau, des communications, des infrastructures élémentaires et dit qu'il reviendrait pour lancer le temps de la reconstruction", a indiqué un conseiller.

Le chef de l'Etat aura des échanges avec la population, les élus ainsi qu'une séquence dédiée au secteur agricole afin de "voir comment on a réparé et fait en sorte que les séquelles, blessures, fractures révélées par le cyclone sont en voie de résolution", a indiqué l'Elysée.

Un projet de loi sur la reconstruction de Mayotte sera "présenté prochainement en conseil des ministres", a également précisé un conseiller, sans donner de date mais en rappelant que l'objectif était d'avoir une adoption du texte avant la fin de la session parlementaire à l'été.

"Mayotte doit être plus belle demain qu'elle n'a été même avant le cyclone parce qu'il y avait déjà un territoire qui était en pleine fragilité", a souligné l'Elysée.

A La Réunion, département d'outre-mer à la plus forte croissance économique, Emmanuel Macron va aussi échanger mardi et mercredi sur les effets du cyclone Garance, qui a fait cinq morts en février et provoqué 180 millions d'euros de dégâts sur l'agriculture locale.

Il sera aussi "au côté des Réunionnais" en pleine épidémie de chikungunya qui a fait six morts sur l'île depuis le début de l'année.

L'intégration de Mayotte à la Commission de l'océan Indien - qui réunit Madagascar, l'île Maurice, L'Union des Comores, les Seychelles et La Réunion pour la France - sera à l'ordre du jour du sommet de l'organisation jeudi, a confirmé l'Elysée.

"Mayotte peut avoir un rôle central dans le canal du Mozambique" tout comme la Réunion, qui abrite un important port militaire, est un "hub sur les trajets maritimes", a résumé l'Elysée.