KATMANDOU, Népal: Les Népalais votent dimanche pour les deuxièmes élections législatives de l'histoire de la jeune république himalayenne, où la jeunesse espère renverser l'ancienne génération au pouvoir depuis des décennies, sans toutefois avoir de grandes chances d'y parvenir.
Ce scrutin vise à renouveler les 275 sièges de la Chambre des représentants. Les deux principales forces politiques du pays, le Congrès népalais (centre) dirigé par l'actuel Premier ministre Sher Bahadur Deuba, et le Parti communiste népalais (CPN-UML), sont concurrencées cette fois par une multitude de candidats indépendants communiant dans la désillusion à l'égard des caciques qui monopolisent le pouvoir.
Une valse de Premiers ministres, pour la plupart restés en poste moins d'un an, et une culture politique clientéliste alimentent la défiance des Népalais, dont beaucoup pensent que leurs dirigeants sont déconnectés de la réalité.
Bien que les analystes s'attendent à ce que l'establishment politique domine à nouveau la prochaine assemblée, l'envie de changement est palpable.
"Les gens disent, nous avons été trompés, il y a de la discrimination, nous devons payer des pots-de-vin, nous n'avons pas accès à de l'eau potable, nous n'avons pas de travail", dit à l'AFP Rabi Lamichhane, qui est à 48 ans le plus âgé de la vague des nouveaux candidats indépendants.
Ce charismatique présentateur télé s'est rendu célèbre avec ses interviews politiques virulentes et des reportages en caméra cachée, révélant la corruption des bureaucrates du pays.
«Ils n'ont rien fait»
"Les jeunes électeurs sont une force dominante maintenant. Avant, c'étaient les parents ou les grands-parents qui décidaient pour qui allait voter la famille. Maintenant, ce sont les enfants qui le font", explique à l'AFP l'analyste politique Hari Sharma.
"Les partis politiques établis et leurs dirigeants n'ont pas été capables de parler le langage de ces jeunes électeurs", ajoute-t-il.
Illustration de ce changement: "J'avais voté pour de vieux partis dans le passé, mais j'ai voté pour de nouveaux candidats cette fois-ci", raconte à l'AFP Sushant Thapa, un étudiant de 26 ans, dans un bureau de vote de Katmandou.
"J'espère qu'il y aura une nouvelle équipe au parlement qui écoutera le langage du public", poursuit le jeune homme.
Chiranjibi Dawadi, chauffeur de profession, a aussi opté pour la nouveauté. "Ma famille a décidé de voter pour un nouveau parti cette fois-ci. Ce n'est pas grave s'ils ne s'occupent pas de nous. Les anciens partis ne le faisaient pas non plus", dit-il à l'AFP.
Cette ancienne génération au pouvoir a connu la guerre civile, qui s'est achevée en 2006 après dix ans et plus de 17.000 morts. L'accord de paix signé à la fin du conflit a conduit à l'abolition de la monarchie en 2008 et transformé l'ancienne guérilla maoïste en force politique classique.
Depuis la fin du conflit, le pouvoir oscille entre anciens guérilleros et élites politiques d'avant-guerre. Les législatives de dimanche sont les deuxièmes à se tenir depuis l'adoption en 2015, après une décennie d'imbroglios politiques, d'une nouvelle constitution.
Le Parlement népalais est depuis miné par l'instabilité: aucun Premier ministre n'a jusqu'aujourd'hui réussi à terminer un mandat. L'actuel dirigeant, Sher Bahadur Deuba, 76 ans, occupe ce poste pour la cinquième fois.
Le mécontentement de la population se fait de plus en plus ressentir, l'économie se portant mal depuis la pandémie de coronavirus qui a plombé le secteur vital du tourisme et tari les envois de fonds des très nombreux Népalais travaillant à l'étranger.
L'inflation s'envole et le gouvernement a interdit l'importation de plusieurs produits, notamment les alcools et les téléviseurs, afin de préserver ses réserves de devises étrangères qui s'amenuisent.
Toutefois, selon les analystes, la nature du système parlementaire népalais devrait aboutir à reconduire les partis établis au pouvoir.
"Il est peu probable qu'il y ait une majorité pour un seul parti", prédit à l'AFP Guna Raj Luitel, rédacteur en chef du journal Nagarik. "Ce sera à nouveau les mêmes jeux de pouvoir et les mêmes gouvernements de coalition".