KUALA LUMPUR: La coalition d'opposition d'Anwar Ibrahim a revendiqué de former le prochain gouvernement malaisien, à l'issue des élections législatives de samedi aux résultats très serrés.
Selon les résultats officiels, après dépouillement des bulletins de vote pour les 219 sièges en lice, la coalition Pakatan Harapan (Alliance de l'espoir) d'Anwar Ibrahim a remporté 82 sièges contre 73 sièges pour celle de l'ex-Premier ministre Muhyiddin Yassin, la coalition Perikatan Nasional (Alliance nationale).
Or ce dernier a aussi affirmé mener des discussions pour former le prochain gouvernement.
Des analystes avaient mis en garde sur le risque d'une instabilité accrue dans ce pays multi-ethnique si aucune majorité franche ne se dégageait du scrutin sur lequel le gouvernement, éclaboussé par un scandale de corruption, comptait au contraire pour asseoir sa légitimité dans ce pays d'Asie du Sud-Est.
"Nous avons maintenant la majorité pour former un gouvernement", a déclaré Anwar Ibrahim aux journalistes lors d'une conférence de presse à l'aube, après des négociations frénétiques pendant la nuit.
Pressé de savoir qui ferait alliance avec lui, Anwar Ibrahim, 75 ans, n'a pas cité de noms, mais déclaré que leurs engagements avaient été pris par écrit et qu'ils seraient soumis au roi pour approbation.
"Nous sommes prêts à travailler avec n'importe quel parti", a de son côté déclaré Muhyiddin Yassin aux journalistes.
Dans ce contexte, les petits partis régionaux, notamment ceux de Sarawak et de Sabah, sur l'île de Bornéo, devraient être les faiseurs de roi.
La coalition au pouvoir Barisan Nasional, menée par l'Organisation nationale unifiée malaise (Umno), qui comptait sur ce scrutin pour assoir son pouvoir, est arrivée loin derrière avec 30 sièges.
Quant à l'ancien Premier ministre Mahathir Mohamad, qui espérait à 97 ans briguer un retour au pouvoir, il a été battu dans son fief de l'île de Langkawi et a perdu son siège au Parlement.
«Un gouvernement fort»
La participation a été forte, avec 70% de votants deux heures avant la fermeture des bureaux, à 16H00 (08H00 GMT), selon les autorités.
De longues files d'attente s'étaient formées devant les bureaux de vote samedi, malgré les risques de pluies de mousson, laissant entrevoir une forte participation des 21 millions d'électeurs inscrits.
Sur les réseaux sociaux, on pouvait voir des personnes attendre devant un bureau de vote de l'eau jusqu'aux genoux, dans l'état de Sarawak sur l'île de Bornéo.
Nurul Hazwani Firdon, une professeure de 20 ans, a dit avoir pensé en priorité à l'économie en allant voter. "Je veux un gouvernement fort et une économie stable afin qu'il y ait plus d'emplois pour les jeunes", a-t-elle déclaré.
Mohamed Ali Moiddeen, 60 ans, ramasseur de ferraille, a dit vouloir simplement un gouvernement honnête, "quelqu'un qui soit digne de confiance et capable de faire le travail correctement".
Paysage fragmenté
Depuis quatre ans, cette monarchie parlementaire est secouée par des turbulences politiques et une valse des gouvernements qui ont conduit trois Premiers ministres à se succéder en quatre ans.
Après plus de soixante ans aux commandes, le parti historiquement dominant, l'Organisation nationale unifiée malaise (Umno), a été lourdement sanctionné dans les urnes et évincé du pouvoir en 2018, marquant la première alternance de l'histoire du pays.
Le Premier ministre de l'époque Najib Razak, impliqué dans le détournement de plusieurs milliards de dollars du fonds souverain 1MDB, purge actuellement une peine de douze ans de prison.
L'Umno n'est revenu aux affaires qu'avec une faible majorité en 2021.
Et c'est dans l'espoir de renforcer son emprise sur le pouvoir que le Premier ministre Ismail Sabri Yaakob a dissous le Parlement et convoqué des élections anticipées, initialement prévues en septembre 2023.
Mais le parti historiquement dominant pâtit de son association avec la vaste affaire de corruption 1MDB, un fonds qui devait contribuer au développement du pays.
L'argent a été détourné vers, entre autres, le compte en banque de Najib Razak.
Le scandale a déclenché des enquêtes aux Etats-Unis, en Suisse et à Singapour, où des institutions financières auraient été utilisées pour blanchir des milliards de dollars.