PARIS : Entre crise sanitaire, reconfinement et essor de la vente en ligne, la fin d'année 2020 devrait voir circuler en France des volumes sans précédent de colis en tout genre, posant la question du juste dimensionnement d'une filière logistique déjà mise à rude épreuve par le premier confinement.
"La seule date connue, c'est Noël qui tombera le 24 décembre" : Jean-Sébastien Leridon, directeur général de Relais Colis, résume l'épineuse équation que doivent résoudre les professionnels de la logistique. Ils n'ont pas de visibilité sur le déconfinement ou la réouverture des magasins. "Et plus les choses se mettront en place tardivement, plus ce sera compliqué."
Le Premier ministre Jean Castex a en effet seulement indiqué jeudi que si "la tendance observée ces derniers jours se confirme", de "premières mesures d'allègement pourraient intervenir à compter du 1er décembre", "strictement limitées aux commerces que nous avons dû fermer à compter du confinement".
"Octobre était un mois extraordinaire. S'il n'y avait pas eu ce deuxième confinement, je pense que novembre et décembre auraient été encore plus porteurs", mais "avec ce qui vient de nous tomber sur la tête, il est clair que les consommateurs se grattent la tête", note Antoine Pottiez, président de Mondial Relay.
Commander en ligne pour éviter la cohue en magasins ? Attendre que ses commerces favoris puissent rouvrir ? Les études effectuées par les professionnels ne vont pas toutes dans le même sens.
"On voit que les achats de Noël ont déjà commencé, que les consommateurs ont anticipé les achats", souligne quand même Sylvain Gasquet, directeur Distribution & biens de grande consommation chez le cabinet de conseil AlixPartners.
100 millions de colis
Sur la chaîne logistique, "pour le moment, il y a moins d'à-coups que lors du confinement précédent", observe Jean-Sébastien Leridon.
Au printemps en effet, la livraison des achats en ligne "a été une des difficultés" en France, où "on a eu le plus de perturbations postales, bien plus qu'en Italie, Grande-Bretagne ou Espagne", a signalé à l'AFP Céline Saada-Benaben, directrice générale d'eBay France.
Si elle "s'attend à un décalage léger des délais de livraison", elle "espère qu'avec l'expérience passée, différentes mesures auront pu être prises au niveau de La Poste pour assurer la continuité de service" et permettre aux cadeaux d'arriver à temps au pied du sapin.
Selon le directeur général de Colissimo Xavier Mallet, plus de 100 millions de colis au total pourraient transiter par les services de La Poste "pendant cette période de novembre/décembre", contre 80 millions l'année précédente.
La Poste prévoit de devoir prendre en charge jusqu'à 4 millions de colis certains jours, contre 3,1 millions à la même période en 2019. Pour digérer cette forte progression, elle a annoncé "plus de 100.000 facteurs, livreurs et chargés de clientèle en bureaux de poste" mobilisés, auxquels s'ajoutent "plus de 9.000 emplois saisonniers".
"Très compliqué"
Sylvain Gasquet est rassurant sur la capacité de la chaîne logistique à encaisser le surplus de colis : "il est possible de rajouter de la capacité de préparation" et de "sécuriser les ressources supplémentaires en termes de transport", estime-t-il.
Toutefois, le goulot d'étranglement pourrait être sur "les petits formats de livraison urbaine, en charge du dernier kilomètre".
Pour limiter le nombre de livraisons à effectuer, Axel Culoz, spécialiste de la logistique chez AlixPartners, souligne l'importance du "click & collect", le retrait en magasin des commandes passées en ligne, ainsi que de la livraison en point relais, où les logisticiens peuvent livrer un grand nombre de colis en même temps.
Or contrairement au premier confinement, ces points relais restent en grande majorité accessibles. "Quand on a fermé au mois de mars, tous les colis en e-commerce se sont reportés sur des sociétés comme la Poste, qui a explosé en vol", rappelle aussi Antoine Pottiez, de Mondial Relay.
Qui conclut que si "on a toujours l'impression que le e-commerce, c'est magique, et que la livraison c'est simple", c'est en réalité "très compliqué".
"On nous demande d'aller vite, de livrer propre, de respecter les rendez-vous"... et de ne surtout pas gâcher Noël.