ISTANBUL: Il est 17H00 passées et l'avenue d'Istiklal, principale artère piétonne d'Istanbul, continue de déverser son flot de badauds et de touristes en direction de la tour de Galata. Un couple descend la rue en courant, les larmes aux yeux.
Un attentat à la bombe, quelques centaines de mètres plus haut, vient de faire six morts et plus de 50 blessés sur l'artère déjà visée en mars 2016.
Le bas de l'avenue est encore accessible, mais un cordon de police la barre peu avant l'imposant portail du lycée de Galatasaray.
La plupart des boutiques, habituellement ouvertes jusqu'à tard, ont baissé leur rideau prématurément.
"Nous n'avons pas peur, nous avons entendu l'explosion, mais nous restons ouverts tant que la police ne vient pas nous demander de fermer", lâche Mustafa Güler, gérant d'un restaurant du quartier, le Keyif Nezivade.
La rue de Nezivade, enfilade de restaurants de poissons située à 300 mètres du lieu de l'explosion, est d'ordinaire noire de monde à toute heure, mais les terrasses sont déjà moins remplies que d'ordinaire en cette fin d'après-midi.
Dans la rue, tous les postes de télévision sont branchés sur le match de foot de l'après-midi, Kayserispor-Konyaspor en Cappadoce (centre du pays). Un couple mange son poisson en terrasse, la bouteille de raki déjà bien entamée, tandis que des rabatteurs lèvent la tête au passage d'un des hélicoptères qui survolent le quartier.
Un seul bar, à l'angle, diffuse la déclaration en direct à la télévision du président Recep Tayyip Erdogan, qui dénonce un "vil attentat".
«Retour des attentats»
"On ne sait pas quoi faire. Erdogan dit que c'est une attaque terroriste.. J'espère que ce n'est pas le retour des attentats", glisse Elif, étudiante de 22 ans, quelques minutes plus tard.
Dans son dos, l'accès à l'avenue d'Istiklal est barré.
Des journalistes patientent, caméras éteintes, face au cordon policier: les chaînes de télévision turques ont reçu ordre de ne pas diffuser d'images de la scène pour "empêcher de semer la peur".
Des membres des forces spéciales de la police turque surgissent soudain, en treillis, fusil, casque et cagoule, et se fendent un passage pour remonter l'avenue.
Mais la plupart des promeneurs résistent à la panique.
Des touristes continuent de déambuler à deux pas, sacs de courses à la main, impassibles.
"On n'a pas peur. On sait que [les attentats] arrivent très souvent dans ce genre de pays", glisse Sylvana Sassa, Gabonaise de 27 ans arrivée à Istanbul il y a 10 jours.
"Comme on ne reste plus très longtemps, on a continué le shopping [après l'explosion], et on y retournera demain matin", lâche-t-elle, la poignée de sa valise rose dans une main.
Derin, directeur d'un hôtel situé dans une ruelle 200 mètres plus bas, patiente téléphone en main devant la porte de l'immeuble.
"Je n'ai pas peur", lâche-t-il lui aussi. "Mais je suis en colère", insiste celui qui se dit "partisan de l'opposition". "En colère que mon pays se retrouve à nouveau dans une telle situation".