MARRAKECH: "Aucun de mes films n'est un succès". Le cinéaste français Leos Carax est revenu dimanche sur son parcours cinématographique en dents de scie, acclamé pour sa virtuosité mais aussi conspué pour sa démesure, en marge du festival du film de Marrakech.
"Aucun de mes films n'est un succès dans la mesure où un succès c'est (générer) de l'argent et des entrées", a asséné Leos Carax, derrière ses habituelles lunettes fumées, au cours d'un échange avec des étudiants marocains en cinéma.
"Très peu de bons cinéastes ont la science du public comme Chaplin et Hitchcock. Je n'ai pas ça", a ajouté le réalisateur, lors d'une "masterclass" du FIFM (11-19 novembre).
Un succès commercial mitigé qui ne l'a pas empêché de réaliser des films grandioses comme son dernier "Annette" qui a remporté le prix de la mise en scène au festival de Cannes en 2021.
Cet opéra rock, avec à l'affiche la Française Marion Cotillard et l'Américain Adam Driver, a été son "tournage le plus heureux".
"J'ai beaucoup aimé filmer Adam", qu'il a découvert dans la série "Girls", description sans fards de la vie d'un groupe d'amies new-yorkaises.
Il a trouvé dans la nouvelle coqueluche d'Hollywood ce qui l'a longtemps attiré chez son acteur fétiche Denis Lavant.
"J'aime beaucoup les singes et ce sont des hommes singes. Ils sont très intéressants à l'arrêt comme en mouvement", a expliqué le cinéaste.
C'est pour son premier long-métrage "Boy meets girl" (1984) qu'il croise "presque par défaut" le chemin de M. Lavant qui deviendra son alter ego au cinéma.
"On s'est lancés (dans ce film) sans conviction, ni de sa part, ni de la mienne", s'est remémoré Carax.
Ils enchaînent avec le polar poétique "Mauvais sang" (1986) avant la descente aux enfers des "Amants du pont neuf" (1991).
Tournage chaotique, budget explosé, délais de livraison dépassés, ce film, pourtant aujourd'hui culte, "m'a empêché d'en faire d'autres pendant dix ans", admet Leos Carax.
Il revient huit ans plus tard avec "Pola X" (1999), l'accueil est circonspect. "Pola X est un gros échec, c'était difficile de continuer après", raconte-t-il.
Le salut viendra de "Holy motors" (2012) une sublime ode au cinéma qui incarne, à ses yeux, "la rage de ne pas avoir fait de films depuis longtemps".