LONDRES : Le plus haut religieux sunnite d'Iran a condamné le régime dans son prêche du vendredi, affirmant que les autorités tentent de soudoyer en contrepartie de leur silence les familles des personnes tuées lors des manifestations qui ont secoué le pays ces dernières semaines.
Abdelhamid Ismail-Zai, 75 ans, s'est exprimé à la suite de la violence disproportionnée exercée contre les membres de la minorité ethnique baloutche, un groupe majoritairement sunnite dans l'Iran à majorité chiite pour lequel il est une figure spirituelle et politique.
La semaine dernière, 18 personnes ont été abattues par les forces de sécurité dans la province du Sistan et Baloutchistan, dans le sud-est du pays, et les familles veulent que justice soit faite, a déclaré Ismail-Zai.
« Nous ne voulons pas d'argent », a-t-il clamé lors de son prêche à la mosquée Makki dans la capitale provinciale Zahedan. « Qui sont les personnes qui ont fait en sorte que cela se produise, et pour quelle raison ? Les personnes qui en sont responsables doivent être traduites en justice. C'était la demande des familles des martyrs. »
Ismail-Zai haș a de plus en plus critiqué le régime tout au long des manifestations, qui ont commencé après la mort de Mahsa Amini, une Kurde de 22 ans, en garde à vue par la police des mœurs du pays en septembre.
« Nous n'avons pas de liberté dans la République islamique », a déclaré Ismail-Zai. « Où est la liberté ? Où est la liberté de la presse ? Où est la liberté d'expression ? Tout est censuré. Tout est restreint. »
« Une grande partie du peuple iranien manifeste. Une majorité du peuple iranien a des objections, est insatisfaite. Je demande instamment aux dirigeants du régime de les écouter. »
Ces dernières semaines, Ismail-Zai s'est également demandé pourquoi les autorités ont utilisé des tirs à balles réelles contre les manifestants au Baloutchistan et au Kurdistan, par opposition aux gaz lacrymogènes et aux munitions non létales contre les manifestations ailleurs.
Dans son sermon, il a également critiqué les politiciens qui ont récemment appelé à la peine de mort pour les manifestants, sans toutefois parler du Guide suprême iranien Ali Khamenei.
« Les représentants parlent au nom du peuple », a-t-il dit. « Vous devez écouter les gens. Vous devez défendre le peuple pour que les balles de la guerre ne soient pas tirées sur lui. »
Un initié proche d'Ismail-Zai a déclaré à The Independent : « Il ne veut pas que le régime l'accuse de provoquer la violence ».
Après les prières du vendredi, des manifestations ont éclaté contre le régime dans toute la région, dénonçant Khamenei et le Corps des gardiens de la révolution islamique. Des pierres auraient également été jetées sur les forces de sécurité, et des feux allumés.
Selon Amnesty International, le Sistan et le Baloutchistan ont subi des violences disproportionnées de la part du régime par rapport à de nombreuses autres régions.
« Les manifestants de la minorité baloutche opprimée ont été les plus durement touchés par la répression particulièrement brutale des forces de sécurité », a déclaré Amnesty vendredi.
Jusqu'à présent, environ un quart des personnes tuées lors des violences en Iran l'ont été au Sistan et au Baloutchistan, dont près de 100 à Zahedan le 30 septembre. Amnesty dit disposer des noms d'au moins 100 personnes tuées dans cette province depuis le début des troubles.
Ce n'est pas la première fois qu'Ismail-Zai condamne le régime. Il l'a critiqué avec véhémence au fil des ans, ce qui lui a valu toutes sortes de restrictions de sa liberté, notamment des interdictions de voyager.
Partisan de la paix, il a également fustigé les séparatistes baloutches armés, plaidant plutôt pour un référendum sur l'avenir politique du pays.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com