TUNIS: Les délégués libyens réunis en Tunisie ont débattu jeudi des contours d'un nouveau pouvoir, au lendemain d'un "accord préliminaire" sur la tenue d'élections selon l'ONU, une timide avancée dans le but de résoudre le conflit dans lequel ce pays est englué.
Plusieurs séries de pourparlers interlibyens ont eu lieu à divers niveaux et entre différents représentants depuis la cessation en juin des hostilités entre les deux principaux camps: à l'Ouest, le gouvernement d'union (GNA) reconnu par l'ONU et basé à Tripoli, et, à l'Est, le pouvoir incarné par le maréchal Khalifa Haftar, soutenu par un Parlement élu.
A la faveur de ces petits pas, un Forum présenté comme inclusif se déroule depuis lundi à Gammarth, près de Tunis, et l'ONU a annoncé mercredi soir un accord préliminaire sur l'organisation d'élections sous 18 mois.
La prudence reste de mise: la Libye a plongé dans le chaos après la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, et les initiatives diplomatiques et accords des dernières années ont tous échoué à résoudre le conflit.
Toutefois, le Forum de Gammarth "est la meilleure occasion pour mettre fin aux divisions", a estimé l'émissaire par intérim de l'ONU en Libye, Stephanie Williams.
Mercredi soir, elle a annoncé que les 75 délégués libyens étaient "parvenus à une feuille de route préliminaire pour mettre fin à la période de transition et organiser des élections présidentielles et parlementaires libres, justes, inclusives et crédibles" sous 18 mois.
Ces pourparlers visent aussi à mettre sur pied un exécutif unifié, composé d'un conseil présidentiel de trois membres et d'un gouvernement.
Ils rassemblent des participants de tous bords, sélectionnés par l'ONU en fonction de leur appartenance géographique, politique ou idéologique, et s'engageant à ne pas briguer de mandat.
La légitimité de ces délégués a néanmoins déjà été remise en cause par des groupes se disant sous-représentés.
Tensions à Syrte
Le risque subsiste également que des dirigeants actuels, absents des pourparlers, des groupes armés ou leurs parrains internationaux tentent de jouer les trouble-fête, dans un pays qui a connu une implication croissante de puissances étrangères et où la trêve reste fragile.
La Turquie soutient activement le GNA tandis que la Russie, les Emirats arabes unis et l'Egypte appuient les pro-Haftar.
Selon l'ONU, des négociations militaires menées parallèlement à Syrte, dans le centre de la Libye, ont abouti à un accord prévoyant "le retrait de tous les mercenaires et combattants étrangers" de cette zone où le front s'est stabilisé au printemps.
Jeudi, les forces du GNA ont mis en garde contre les risques de violation du cessez-le-feu, du fait de tensions autour des rencontres en cours à Syrte entre des représentants militaires des deux principaux camps, au sein d'une commission militaire mixte dite 5+5.
"Les mouvements militaires autour de Syrte et Jufra supposent qu'il n'y a pas de volonté d'évacuer la zone de la part des milices armées", a estimé dans un communiqué leur porte-parole, Mohamad Gnounou.
"Nous ne voulons pas voir échouer le dialogue politique", mais nous ne négocierons pas sous la menace de mercenaires et de leurs défenses aériennes", a prévenu le commandement des forces du GNA.
Mardi, M. Gnounou avait déjà accusé sur Twitter des mercenaires russes de Wagner, un groupe actif au côté du maréchal Haftar, de les avoir empêchés d'atterrir dans la ville stratégique de Syrte, les obligeant à faire une partie du trajet par la route.
Mais l'ONU a indiqué jeudi soir que les deux camps s'étaient rencontrés dans une atmosphère "positive".
Les deux camps "se sont mis d'accord sur le retrait de tous les mercenaires et combattants étrangers de leurs positions sur les lignes de front, leur transfert à Benghazi et Tripoli, afin d'entamer leur départ du territoire libyens", a indiqué Salim Raad, responsable de la section sécurité au sein de la mission de l'ONU en Libye.
Pour Jack Watling, chercheur au centre d'analyse RUSI à Londres, l'incident à l'aéroport de Syrte est lié à la volonté locale de sécuriser l'espace aérien, mais aussi à la volonté de Moscou de démontrer son influence.
"Est-ce que cet incident a saboté les négociations? Probablement pas. Mais la Russie a montré qu'elle en avait les moyens, si elle souhaite", estime le chercheur.