Le changement climatique, «guerre déterminante» de notre époque, prévient l'artiste saoudien Abdulnasser Gharem

Abdulnasser Gharem assistant au vernissage de son exposition à Asia House, à Londres, en 2015. (Getty Images)
Abdulnasser Gharem assistant au vernissage de son exposition à Asia House, à Londres, en 2015. (Getty Images)
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Publié le Vendredi 04 novembre 2022

Le changement climatique, «guerre déterminante» de notre époque, prévient l'artiste saoudien Abdulnasser Gharem

  • «Climate Refugee» est l'une des dix nouvelles œuvres exposées dans Hospitable Thoughts («Pensées hospitalières») de Gharem, sa première exposition individuelle à New York
  • Dans Hospitable Thoughts, le parcours artistique de Gharem revient littéralement et au sens figuré aux origines de son parcours créatif qui, selon lui, a été fortement influencé par les attentats du 11 septembre

DUBAÏ: Des dizaines de cachets en caoutchouc gris clair et foncé forment une carte du monde sur une planche en aluminium accrochée au mur. Observée de loin, elle ressemble à une peinture. Mais «Climate Refugee» – une nouvelle œuvre du célèbre artiste saoudien Abdulnasser Gharem – n'est pas censée être observée de loin. Au fur et à mesure que l'on s'en approche, le véritable message de l'œuvre se précise. De minuscules cachets bleus et turquoises sont placés dans les zones comprenant le plus de réfugiés. Dans l’œuvre se trouvent des phrases comme: «Lorsque des immigrants innocents sont tués, ce n'est ni un échec moral ni un péché, simplement une erreur technique» et «Les camps de réfugiés sont des formes optimales de meurtres par compassion» ainsi que «L'apparition d'étrangers menace notre mode de vie».

L’œuvre met en lumière la crise mondiale des réfugiés façonnée par ce que Gharem appelle la «violence économique», car le changement climatique s’accompagne d’une augmentation des barrières physiques et psychologiques qui touchent l’humanité. «Climate Refugee» est l'une des dix nouvelles œuvres présentes aux côtés de plusieurs plus anciennes exposées dans Hospitable Thoughts de Gharem, sa première exposition individuelle à New York qui se tiendra jusqu'au 18 décembre à la galerie Marc Strauss.

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«Climate Refugee», une nouvelle œuvre du célèbre artiste saoudien Abdulnasser Gharem, n'est pas censée être observée de loin. (Photo fournie)

«Les distances géographiques ne sont plus des barrières au mouvement. Les principales autoroutes des réfugiés se diversifient de plus en plus, d'autant plus que nous vivons dans un monde plus que jamais marqué par une répartition inéquitable du potentiel et de la liberté de mouvement», écrit Gharem dans son message destiné à l'exposition. «Les guerres ne sont pas la seule cause de migration... le réchauffement et le changement climatiques peuvent être des causes directes de la formation de nouveaux immigrants.»

Dans Hospitable Thoughts, le parcours artistique de Gharem revient littéralement et au sens figuré aux origines de son parcours créatif qui, selon lui, a été fortement influencé par les attentats du 11 septembre. Sa nouvelle œuvre, exposée dans la ville où les attentats cataclysmiques ont eu lieu, est aux prises avec le thème des barrières – mentales, sociales et physiques – qui a façonné son art depuis lors.

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«Prosperity Without Growth II» de Gharem utilise des cachets en caoutchouc pour représenter une mosaïque colorée de style byzantin comprenant trois hommes. (Photo fournie)

Gharem se trouvait dans sa ville natale de Khamis Mushait quand les attaques contre le World Trade Center de New York ont ​​​​eu lieu. Lorsqu'il a entendu les noms des pirates de l'air saoudiens, dont quatre étaient également de Khamis Mushait, il s'est rendu compte que deux d'entre eux avaient été ses camarades de classe. Depuis lors, il s'est demandé pourquoi ces hommes, instruits et bien élevés, ont été amenés à faire ce qu'ils ont fait alors qu'il devenait lui-même artiste. Gharem se souvient comment lui et plusieurs autres artistes saoudiens, dont Ahmed Mater, Ashraf Fayadh et Abdulkarim Qassim, travaillant à l’Al Muftaha Art Village à Abha, ont profondément déprimé à la suite des attentats du 11 septembre et l'invasion américaine de l'Irak en 2003 qui les a suivis, ainsi que par l'hostilité internationale croissante envers les Saoudiens et l'idéologie politique extrêmement conservatrice du Royaume à cette époque.

«Nous ne savions pas quoi faire et nous nous sommes donc tournés vers l'art», a-t-il confié à Arab News. Mais alors que d'autres artistes d'Al Muftaha Art Village peignaient dans des styles occidentaux, Gharem et les artistes précédemment mentionnés ont cherché l'inspiration ailleurs.

«Nous voulions créer notre propre style artistique, différent de celui de l'Occident, avec un différent support et un sujet qui était intrinsèquement le nôtre», dit-il.

Au cours des vingt-et-une dernières années, l'art de Gharem a défendu les questions liées à la justice sociale, notamment à travers des cours d'art dans son studio de Riyad, où il encourage les jeunes Saoudiens à penser de manière créative. Des artistes en herbe l'assistent également dans la création minutieuse d'œuvres telles que «Climate Refugee».

Gharem pense que nous vivons à une époque obsédée «par la démolition, la production et la violence hystérique excessive» visant non seulement les humains mais tous les organismes et espèces vivants.

«La guerre déterminante à l'heure actuelle contre toutes les espèces vivantes est le changement climatique – provoqué par la négligence de l’être humain et son obsession de la consommation, une violence hystérique», a affirmé Gharem à Arab News. «En fin de compte, la plupart des guerres concernent le marché, les moyens et la possession de la production, en particulier (aujourd'hui) lorsque l’inégalité entre les nantis et les démunis a atteint un nouveau sommet.»

D'autres œuvres présentées dans Hospitable Thoughts examinent les notions d'autoritarisme et de frontières ainsi que leurs effets sur notre bien-être. Surmonter de telles barrières dans l'esprit et le corps, estime Gharem, est un moyen de transcender les différences et d’œuvrer pour une plus grande humanité.

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Dans «Caged Humanity», l'une des nouvelles œuvres exposées, des centaines de cachets en caoutchouc sont juxtaposés, comme un entrelacement de fils de fer barbelés. (Photo fournie)

Dans «Concrete Block V», «Don't Trust The Concrete», «Concrete Wall II» et «Participatory Surveillance», toutes réalisées en 2022, Gharem utilise à nouveau des cachets en caoutchouc pour recréer des barrières artificielles rencontrées à travers le monde. Ailleurs encore se trouvent des œuvres qui font écho à des créations antérieures de l'artiste, comme «The Stamp (Moujaz)» (2022), un grand cachet en bois sculpté à la main de 90 x 100 cm avec un visage en caoutchouc embossé, rappelant son œuvre de 2012 «The Stamp (Inshallah).» Il y a aussi «Prosperity without Growth II» (2020), qui utilise à nouveau des cachets en caoutchouc pour représenter une mosaïque colorée de style byzantin comprenant trois hommes, dont l’un vêtu d'une tenue saoudienne traditionnelle. Mais une forme floue blanche, semblable à un dégât sur une œuvre d'art ancienne, efface près de la moitié de l'image.

D'autres œuvres incluent des jalons dans sa carrière: «Moujaz Stamp Print» (2013), «The Path (Siraat)» (2007), et un triptyque d'impression pigmentaire de «Hijamah (Traditional Pain Treatment Performance)» (2015). Un grand nombre évoque la répétition, en rapport avec son expérience en tant que colonel dans l'armée saoudienne.

«Des ordres nous étaient donnés, que nous transmettions de manière répétitive à d'autres. J'ai ressenti la dureté de la répétition», écrit-il dans son message destiné à l'exposition. «Ce qui distingue la répétition des lettres, des chiffres, des symboles ainsi que des phrases dans les peintures et sculptures de cachets, c'est qu'ils sont inversés. Ils représentent l'image en miroir, bien qu'inversée dans le contenu et dans l'intention.»

Dans «Caged Humanity», l'une des nouvelles œuvres exposées, des centaines de cachets en caoutchouc sont juxtaposés, comme un entrelacement de fils de fer barbelés. La cage dans l'œuvre semble presque se déplacer vers le haut, comme si elle était sur le point d'effacer plusieurs derniers messages de Gharem: «Ici, tous les sentiments de compassion sont éradiqués», peut-on lire. Mais parmi eux se trouve une phrase porteuse aussi d'un certain espoir pour l'avenir: «Une société dépourvue d'étrangers.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


France 2 dupé par un humoriste dans son JT

France 2 a annoncé mardi soir avoir été trompé par un "humoriste adepte de canulars", qui s'était fait passer pour un consommateur adepte de coupons de réduction dans le journal de 20H de la chaîne publique diffusé lundi. (AFP)
France 2 a annoncé mardi soir avoir été trompé par un "humoriste adepte de canulars", qui s'était fait passer pour un consommateur adepte de coupons de réduction dans le journal de 20H de la chaîne publique diffusé lundi. (AFP)
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  • "Nous tenions à vous signaler qu'hier, lors de notre reportage sur les bons plans et les promotions dans les supermarchés, l'une des personnes interviewées a trompé une de nos journalistes en falsifiant son identité"
  • "Il s'agissait en fait d'un humoriste adepte de canulars", a-t-elle ajouté. Le 20H de France 2 a posté un message similaire sur le réseau social X

PARIS: France 2 a annoncé mardi soir avoir été trompé par un "humoriste adepte de canulars", qui s'était fait passer pour un consommateur adepte de coupons de réduction dans le journal de 20H de la chaîne publique diffusé lundi.

"Nous tenions à vous signaler qu'hier, lors de notre reportage sur les bons plans et les promotions dans les supermarchés, l'une des personnes interviewées a trompé une de nos journalistes en falsifiant son identité", a déclaré la présentatrice Léa Salamé lors du journal de 20H mardi.

"Il s'agissait en fait d'un humoriste adepte de canulars", a-t-elle ajouté. Le 20H de France 2 a posté un message similaire sur le réseau social X.

Le sujet en question du journal télévisé, intitulé "Les champions des promos", n'était plus visible en streaming sur le site de Franceinfo mardi soir mais faisait la part belle à un certain "Arnaud Rolland".

Filmé dans les rayons d'un supermarché, classeur de coupons de réduction à la main, ce trentenaire se félicitait en caisse d'avoir économisé trois euros, sous le regard envieux d'une autre cliente. La séquence se clôturait dans son appartement: "A la fin du mois quand je fais mes comptes, je sais que je suis gagnant".

Il s'agissait en fait de l'humoriste "Mehdi tu connais", adepte de canulars en tous genres sur les réseaux sociaux, qui a posté des extraits de la vidéo sur Instagram et TikTok sous l'intitulé "Je prank le JT de 20h00".

Dans un tout autre registre, France Télévisions avait présenté des excuses en octobre pour une fausse affirmation répétée dans deux de ses JT sur France 2, où il avait été dit par erreur que le professeur de lettres Dominique Bernard avait été tué en 2023 après avoir "montré des caricatures de Charlie Hebdo". Il s'agissait d'une confusion avec la mort du professeur Samuel Paty.


Le Red Sea International Film Festival : les prétendants aux prix — Partie 1

Une image tirée du film « Yunan », en compétition au festival. (Fourni)
Une image tirée du film « Yunan », en compétition au festival. (Fourni)
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  • Une première sélection de films internationaux explore l’exil, la mémoire, les liens familiaux et les traumatismes, du réalisme poétique à l’horreur
  • Cette première partie met en avant des auteurs du Moyen-Orient, d’Asie et d’Afrique, illustrant la diversité créative du RSIFF 2024

DUBAÏ : Voici la première partie de notre aperçu des films en compétition lors de l’édition de cette année du Red Sea International Film Festival à Djeddah, qui se tient du 4 au 13 décembre.

‘Yunan’

Réalisateur : Ameer Fakher Eldin
Avec : George Khabbaz, Hanna Schygulla, Ali Suliman

Deuxième volet de la trilogie sur l’exil imaginée par le cinéaste syrien Ameer Fakher Eldin, le film suit Munir, un écrivain syrien installé en Allemagne, accablé par le poids mental de son déracinement. Il se rend sur de petites îles isolées, où il envisage le suicide. « Le personnage est né d’une exploration profonde de la condition humaine », confiait Fakher Eldin à Arab News en avril. « Je voulais sonder cette bataille silencieuse que nous menons en nous. Je viens du Golan occupé. Je ne suis pas parti à cause de la guerre — la frontière a été déplacée, me laissant déplacé. J’ai donc grandi en exil sans avoir été forcé de partir… Mon approche consistait à anatomiser l’esprit de l’exilé, en me connectant aux aspects universels de la perte, de la désillusion et de la quête de sens. »

‘Two Seasons, Two Strangers’

Réalisateur : Sho Miyake
Avec : Shim Eun-Kyung, Yuumi Kawai, Shinichi Tsutsumi

Le réalisateur japonais, lauréat du premier prix au Festival de Locarno, signe un délicat drame inspiré de deux œuvres du mangaka culte Yoshiharu Tsuge : Mr. Ben and His Igloo et A View of the Seaside. Miyake présente son histoire comme un film dans le film. Le premier récit suit Natsuo et Nagisa, deux solitaires en quête de lien dans une petite ville côtière. Ce film est écrit par Li, une cinéaste coréenne installée au Japon qui projette dans ses personnages ses propres sentiments d’errance. Pour « s’éloigner des mots », elle part dans une auberge de montagne reculée, où elle rencontre Benzo, un divorcé cynique.

‘Truck Mama’

Réalisatrice : Zippy Nyaruri
Avec : Evaline Wambua Mutuku

La cinéaste kényane Zippy Nyaruri a mis plusieurs années à réunir les fonds nécessaires pour achever ce documentaire consacré à Eva, mère célibataire et conductrice de poids lourds sur de longues distances. Elle doit affronter non seulement un métier dominé par les hommes, mais aussi les routes dangereuses d’Afrique de l’Est. Quand son camion tombe en panne entre le Kenya et le Soudan, « Eva doit puiser en elle toutes ses forces et est même contrainte de repenser son avenir », indique le synopsis.

‘Roqia’

Réalisateur : Yanis Koussim
Avec : Ali Namous, Akram Djeghim, Mostefa Djadjam

Dans Roqia, le réalisateur algérien affronte les traumatismes de sa jeunesse durant la Décennie noire — la guerre civile qui a duré de 1992 à 2002. Sans surprise, c’est un film d’horreur. L’histoire s’ouvre en 1993. Ahmed se remet d’un accident de voiture qui l’a laissé amnésique. Son village natal et même sa famille lui paraissent étrangers. Et il ignore pourquoi son index droit manque. Dans la temporalité contemporaine du film, on découvre un vieil exorciste musulman… lui aussi privé de son index droit. « Quand on ne traite pas les traumatismes vécus par les Algériens, peut-être que ce qui les a causés revient — non pas comme une menace, mais en arrière-plan », expliquait Koussim à GQ Middle East. « Il faut travailler sur ce traumatisme. Roqia n’apporte pas une solution, mais expose le problème. »

‘The World of Love’

Réalisatrice : Yoon Ga-Eun
Avec : Seo Su-Bin, Chang Hyae-Jin, Kim Jeong-Sik

Le drame de la cinéaste coréenne suit Lee Jooin, lycéenne de 17 ans dont un accès de colère provoque des répercussions inattendues sur son entourage — et sur elle-même. Après avoir réalisé deux films « en première personne » où le protagoniste apparaissait dans chaque scène, Yoon a expliqué à Variety que son nouveau projet « tentait une méthode d’observation à distance, une perspective en troisième personne », donnant à voir ce que font les autres personnages quand la protagoniste agit, et comment ces actions se répondent.

‘The Stories’

Réalisateur : Abu Bakr Shawky
Avec : Amir El-Masry, Nelly Karim, Valerie Pachner

Décrit par le RSIFF comme « un hommage vif et authentique à l’Égypte », le film s’inspire de la relation entre le père égyptien et la mère autrichienne du réalisateur — relation née d’un échange de correspondance dans les années 1960 (les parents apparaissent d’ailleurs dans le film). « C’est l’histoire de mondes qui se percutent, de mondes qui se rencontrent », expliquait Shawky au Hollywood Reporter. « C’est l’histoire de petites victoires et de petites gens qui tentent de faire de grandes choses. »

‘Sink’

Réalisatrice : Zain Duraie
Avec : Clara Khoury, Mohammad Nizar, Wissam Tobeileh

Le premier long-métrage de la réalisatrice jordanienne a été décrit par le Festival international du film de Toronto comme « un portrait magnifique d’une mère aux prises avec l’effondrement mental de son fils adolescent ». Tandis que le comportement de Basil lui vaut d’être expulsé de l’école et isolé socialement, sa mère Nadia refuse d’abandonner.

‘Nighttime Sounds’

Réalisateur : Zhang Zhongchen
Avec : Aline Chen, Gu Hanru, Li Yanxi

Le cinéaste autodidacte chinois a été salué dans son pays pour son mélange de surréalisme, de réalisme magique et de poésie. Qing, huit ans, vit avec sa mère dans un village rural paisible, tandis que son père travaille dans une ville lointaine. Un matin, elle rencontre un « enfant fantôme » à la recherche de sa mère disparue. « À travers des images oniriques et une bande-son envoûtante… Zhongchen tisse un puissant récit sur la mémoire, le manque, et les silences transmis d’une génération de femmes à l’autre », indique le synopsis du festival.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Monte Carlo Doualiya sort des sentiers battus: une semaine de programmation spéciale sur le royaume d’Arabie

Pour la rédaction, cette « semaine saoudienne » n’était pas seulement une opération médiatique : elle répondait à un besoin concret de sortir des clichés, dépasser les préjugés et offrir au public de la radio arabophone un contenu à la fois informatif, vivant et nuancé. (AFP)
Pour la rédaction, cette « semaine saoudienne » n’était pas seulement une opération médiatique : elle répondait à un besoin concret de sortir des clichés, dépasser les préjugés et offrir au public de la radio arabophone un contenu à la fois informatif, vivant et nuancé. (AFP)
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  • Pour la direction de Monte Carlo Doualiya, le pari était simple : aller au plus près, voir, écouter, comprendre, et surtout raconter
  • La radio ne s’est pas contentée de commenter à distance : elle a dépêché une mission sur le terrain pour enquêter, sentir l’atmosphère, rencontrer ceux qui incarnent le nouveau visage du pays

PARIS: Il arrive qu’une initiative médiatique crée une véritable brèche dans les habitudes ou ouvre une fenêtre sur un monde encore méconnu ou mal compris.
Cela pourrait être le cas de la radio Monte Carlo Doualiya (MCD), un média public français arabophone qui a choisi de consacrer, pendant une semaine, une programmation spéciale à l’Arabie saoudite.
Cette décision audacieuse est presque inédite dans le paysage audiovisuel français, où le royaume reste souvent perçu à travers des prismes partiels ou des récits convenus.

« De Riyad à AlUla, Monte Carlo Doualiya révèle une Arabie saoudite en pleine métamorphose.»

Pour la direction de Monte Carlo Doualiya, le pari était simple : aller au plus près, voir, écouter, comprendre, et surtout raconter.
Les transformations du royaume depuis le lancement de la Vision 2030 sont considérables, mais elles restent souvent mal connues, d’où l’idée d’une immersion totale.
La radio ne s’est pas contentée de commenter à distance : elle a dépêché une mission sur le terrain pour enquêter, sentir l’atmosphère, rencontrer ceux qui incarnent le nouveau visage du pays.

Le résultat ? Un enthousiasme communicatif, porté par la surprise d’une Arabie saoudite qui change à une vitesse vertigineuse, dynamisée par une jeunesse que personne ne peut plus ignorer.
Pendant sept jours, émissions spéciales, reportages, débats, chroniques culturelles et entretiens exclusifs depuis Riyad, Djeddah, AlUla et Dhahran se sont succédé (du 24 au 30 novembre).

Pour la rédaction, cette « semaine saoudienne » n’était pas seulement une opération médiatique : elle répondait à un besoin concret de sortir des clichés, dépasser les préjugés et offrir au public de la radio arabophone un contenu à la fois informatif, vivant et nuancé.
L’équipe a voulu montrer l’Arabie saoudite telle qu’elle est aujourd’hui, et non telle qu’elle était hier.

Pour cela, le journaliste Atif Ali Salih a arpenté Riyad, ses quartiers futuristes, ses centres culturels, ses universités, ses cafés fréquentés par des jeunes qui débattent d’art, de cinéma, d’intelligence artificielle ou d’entrepreneuriat.
Ce qu’il en a rapporté : une série d’entretiens et de récits où dominent l’énergie, l’appétit de modernité et l’émergence de nouveaux visages, surtout féminins.

Répondant à Arab News en français, Ali Salih reconnaît avoir été surpris par ce qu’il a découvert : « Riyad donne le tournis », confie-t-il. « Tout va vite. Très vite. On sent un pays qui ne veut surtout pas rater sa décennie. »
Ce qui l’a surtout frappé, ce n’est pas tant la verticalité des nouveaux quartiers que la vitalité de ceux qui les habitent.

« Loin des clichés, un pays jeune, dynamique et résolument tourné vers l’avenir se dévoile. »

Il raconte ses rencontres avec de jeunes Saoudiennes dirigeant des start-up technologiques, des studios de design, des associations culturelles ou des projets artistiques. Beaucoup n’ont pas encore trente ans, parlent anglais couramment, et surtout, veulent participer au mouvement qui redéfinit leur pays.
Dans les cafés modernes de Riyadh Boulevard et les espaces de coworking, il dit avoir été impressionné par la liberté de ton, l’assurance et la soif d’apprendre.
« On a souvent une image figée des femmes saoudiennes, mais j’ai rencontré des ingénieures, des productrices, des développeuses, des conservatrices de musée… Elles se projettent loin, très loin, et regardent l’avenir droit dans les yeux. »

L’un des aspects les plus marquants de la semaine saoudienne a été la mise en lumière de l’effervescence culturelle : concerts gigantesques, expositions internationales, festivals de cinéma, bibliothèques ouvertes jusqu’à minuit… Le pays connaît un véritable renouveau artistique et culturel.
Cette métamorphose a été au cœur des émissions, avec des interviews de jeunes acteurs culturels saoudiens et des reportages réalisés dans les nouveaux musées de Riyad.

Ce qui ressort, c’est l’idée d’une génération — surtout féminine — impatiente de rattraper le temps perdu, une génération qui ne demande pas la permission d’exister, mais qui agit. Et cela, selon Ali Salih, « se voit, s’entend, se ressent ».

Cette semaine spéciale, au ton équilibré, curieux mais jamais condescendant, constitue une passerelle entre deux rives, en offrant aux Franco-Arabes et à tous ceux qui s’intéressent au Moyen-Orient un regard neuf et vivant sur l’Arabie saoudite d’aujourd’hui.
Ce type d’initiative, rare dans le paysage médiatique français, montre que la curiosité n’est jamais un luxe, mais une nécessité.

À l’issue de cette plongée saoudienne, la directrice de Monte Carlo Doualiya, Souad El Tayeb, assure à Arab News : « On reviendra. » Les portes se sont ouvertes, les liens se sont tissés, les idées ont fusé.
Au fond, dit-elle, c’est cela, la réussite de cette initiative inédite : « transformer la découverte en dialogue, et la curiosité en pont durable entre les sociétés ».

Seul bémol pour El Tayeb : MCD, qui diffuse sur FM, n’est pas écoutée en Arabie saoudite. Mais, se réjouit-elle, elle est largement suivie par les jeunes Saoudiens sur les réseaux sociaux.