Israël: tractations et craintes après la victoire de Netanyahu

Un partisan du parti Likud se protège de la pluie avec une bannière électorale représentant son chef, l'ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu, avant un rassemblement électoral dans la ville de Migdal HaEmek, dans le nord d'Israël, le 23 octobre 2022, avant les élections de novembre. (Photo par Menahem KAHANA / AFP)
Un partisan du parti Likud se protège de la pluie avec une bannière électorale représentant son chef, l'ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu, avant un rassemblement électoral dans la ville de Migdal HaEmek, dans le nord d'Israël, le 23 octobre 2022, avant les élections de novembre. (Photo par Menahem KAHANA / AFP)
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Publié le Vendredi 04 novembre 2022

Israël: tractations et craintes après la victoire de Netanyahu

  • Avec 64 sièges, le bloc de droite mené par M. Netanyahu, déchu du pouvoir en juin 2021 après 12 ans de règne continu, est arrivé en tête des législatives de mardi
  • L'annonce, jeudi soir, des résultats des législatives, les 5e en trois ans et demi, est survenue dans un contexte de regain de violences israélo-palestiniennes

JERUSALEM: Vainqueur des législatives, Benjamin Netanyahu a lancé les tractations avec ses alliés ultra-orthodoxes et d'extrême droite en vue de former un gouvernement qui pourrait être le plus à droite de l'histoire d'Israël, suscitant des inquiétudes internationales et locales.

"Où vont-ils?" titre vendredi le Yediot Aharonot, journal le plus vendu en Israël, avec les portraits de Benjamin Netanyahu, inculpé pour corruption, et de la star montante de l'extrême droite, Itamar Ben Gvir.

Avec 64 sièges, le bloc de droite mené par M. Netanyahu, déchu du pouvoir en juin 2021 après 12 ans de règne continu, est arrivé en tête des législatives de mardi.

Son parti, le Likoud, a obtenu 32 sièges, ses alliés ultra-orthodoxes 18 et l'alliance "Sionisme religieux" 14, un record pour l'extrême droite.

"Cela va être un gouvernement sans précédent", prédit dans le Yediot Aharonot la chroniqueuse politique Sima Kadmon. "La plupart des portefeuilles importants seront entre les mains de fanatiques (...) Tout le monde sait que si seulement une fraction de ce qui a été promis est mise en oeuvre, cela va être un pays différent."

En face, le camp "anti-Netanyahu" mené par le Premier ministre sortant Yaïr Lapid (centriste) a obtenu 51 sièges.

En Israël, la montée de l'extrême droite suscite la «peur» de la minorité arabe

Star des dernières élections législatives, l'extrême droite s'apprête à faire une entrée sans précédent dans les arcanes du pouvoir en Israël avec pour but affiché de "renforcer l'identité juive" du pays au grand dam de la minorité arabe dans son viseur.

Il y a deux ans, le parti trublion de l'extrême droite Itamar Ben Gvir n'obtient que 0,42% des voix aux élections. Un an plus tard, le Premier ministre d'alors Benjamin Netanyahu pèse de son influence pour réunir M. Ben Gvir avec un autre ténor de l'extrême droite, Bezalel Smotrich, sous l'étiquette "Sionisme religieux", leur permettant de moissonner 5% des voix.

Aujourd'hui, cette liste s'est imposée comme la troisième force politique d'Israël avec près de 11% des voix, soit un demi-million de votes, un bond lié à la fois à une "droitisation" de la société et des tactiques récentes, estiment des analystes.

"Netanyahu a légitimé l'extrême droite car il avait besoin d'elle pour sa coalition, alors beaucoup d'Israéliens l'ont vue simplement comme une version plus dure de son parti le Likoud", explique à l'AFP Yossi Klein Halevi, chercheur à l'institut Shalom Hartman de Jérusalem.

"Ben Gvir a emprunté le manuel de l'extrême droite européenne, et en particulier celui de Marine Le Pen, afin de changer son image et apparaître comme une figure politique respectable et il a réussi à convaincre de nombreux électeurs qu'il était modéré", souligne M. Klein Halevi.

"Il n'y a pas de doute qu'il est un politicien talentueux (...) mais le fait d'avoir été placé dans un plus grand parti et d'avoir été endossé par Netanyahu a tout changé", renchérit Shlomo Fischer, spécialiste de la droite israélienne.

"Il y a (aussi) assurément un phénomène à long terme qui tient à ce que la société israélienne devient de plus en plus à droite et à certains égards, plus traditionnelle et plus nationaliste d'un point de vue ethnique et religieux", explique-t-il.

Ce nationalisme croît davantage en "périphérie" des grands centres, dans les "classes populaires", et se nourrit aussi du contexte sécuritaire lié au conflit israélo-palestinien, pense-t-il.

Ces élections ont en effet eu lieu sur fond d'un regain de violences et ont été les premières depuis l'embrasement généralisé dans les villes mixtes arabo-juives, à Jérusalem et en Cisjordanie occupée, sur fond de guerre à Gaza, en mai 2021.

«Entrepreneurs du dégoût»

Ce courant d'extrême droite remonte en Israël au rabbin extrémiste Meir Kahane, dont le mouvement Kach a été banni après l'assassinat en 1994 de 29 Palestiniens en train de prier à Hébron, en Cisjordanie occupée, par un de ses sympathisants, Baruch Goldstein.

Itamar Ben Gvir, qui a milité dans Kach, a longtemps eu un portrait de Goldstein dans son salon mais dit avoir pris quelques distances depuis.

Dans son ouvrage "Les émotions contre la démocratie", publié mi-octobre, la sociologue franco-israélienne Eva Illouz estime que le mouvement Kach avait cherché à recentrer le conflit entre Israéliens et Arabes "non plus sur la terre, mais sur les personnes".

"La question des compromis territoriaux a cessé d'être la question essentielle; ce qui importait désormais plus que tout c'était d'instaurer des lois empêchant dans les faits les Arabes d'intégrer la société israélienne et, a fortiori, de s'assimiler à elle", écrit-elle.

Or ce mouvement continue de vivre via des "entrepreneurs du dégoût" pour qui "la présence de non-Juifs dans le corps politique juif compromet la pureté du peuple juif dans son ensemble".

M. Ben Gvir a d'ailleurs fait campagne en taclant la présence d'un parti arabe dans la coalition sortante du centriste Yaïr Lapid.

«Peur»

La perspective de voir l'extrême droite au pouvoir inquiète des Arabes israéliens, descendants des Palestiniens restés sur leur terre à la création d'Israël en 1948 et qui représentent aujourd'hui près de 20% de la population.

"Il y a énormément de frustration à voir Netanyahu former un gouvernement avec Ben Gvir. Les gens ont peur des mesures qu'ils vont mettre en oeuvre (...) et de voir les tensions s'accentuer dans les villes mixtes", explique à l'AFP Jaafar Farah, directeur de Moussawa, une ONG de défense des droits des Arabes israéliens.

"La population se demande comment la réconciliation (entre Juifs et Arabes) sera possible. Il n'y a pas vraiment d'espoir", souligne-t-il.

En Israël, la minorité arabe compte sur des partis à la Knesset, le Parlement. Ces formations ont obtenu mardi au total environ le même nombre de voix que l'extrême droite, un demi-million, mais fait élire moins de députés en raison de divisions internes.

Pour Feda Tabouni, partisane de la formation arabe Hadash/Taal, un constat s'impose après ces élections: "Israël devient de plus en plus raciste, fasciste (...) et cela mènera à plus de violence et d'humiliation".

Compliqués

L'annonce, jeudi soir, des résultats des législatives, les 5e en trois ans et demi, est survenue dans un contexte de regain de violences israélo-palestiniennes.

L'armée israélienne a frappé dans la nuit "des sites militaires" dans la bande de Gaza après des roquettes tirées de cette enclave palestinienne vers Israël. Et jeudi quatre Palestiniens, dont un assaillant, un combattant et un adolescent, ont été tués par les forces israéliennes en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est.

L'enclave de Gaza est sous blocus israélien depuis plus de 15 ans et la Cisjordanie et Jérusalem-Est sont occupés par Israël depuis 1967.

Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a exprimé jeudi sa "profonde inquiétude" face à ces violences et appelé à une désescalade.

Conformément à la loi électorale israélienne, les résultats définitifs des législatives seront transmis le 9 novembre au président Isaac Herzog, qui devra ensuite mandater officiellement le candidat ayant reçu le plus de recommandations de la part des partis pour former un gouvernement, vraisemblablement M. Netanyahu.

Ce dernier aura alors 42 jours pour former son équipe.

Selon les médias locaux, il a d'ores et déjà mandaté Yariv Levin, un de ses proches, pour entamer des pourparlers qui pourraient s'annoncer compliqués, avec la formation "Sionisme religieux" notamment.

Le chef de ce parti, Bezalel Smotrich, a indiqué vouloir le ministère de la Défense, et son n.2 Itamar Ben Gvir, celui de la Sécurité publique, deux postes clés à l'avant-scène du conflit israélo-palestinien.

Chez les ultra-orthodoxes, le chef du parti séfarade Shass, Arieh Dery, revigoré par ses onze sièges, lorgne sur les Finances ou l'Intérieur. M. Dery a été reconnu coupable de fraude fiscale en 2021 et avait auparavant été emprisonné pour corruption.

Israël: quatre ans de crise politique

Les principales étapes de la crise politique en Israël, de son début en 2018 aux élections législatives du 1er novembre, cinquième scrutin en moins de quatre ans.

Parlement sans majorité 

Après la démission en novembre 2018 du ministre de la Défense de l'époque, Avigdor Lieberman, chef du parti nationaliste Israël Beitenou (5 députés) opposé à une trêve entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, le gouvernement Netanyahu ne dispose plus que d'une seule voix de majorité au Parlement. Un mois plus tard, celui-ci est dissous et des élections convoquées.

Aux législatives anticipées du 9 avril 2019, le Likoud (droite) de Benjamin Netanyahu, au pouvoir depuis 2009, et Kahol-Lavan (Bleu-Blanc), alliance centriste menée par l'ancien chef d'état-major de l'armée Benny Gantz, remportent le même nombre de sièges.

Fin mai, devant l'incapacité à former une coalition, le Parlement vote encore sa propre dissolution.

Netanyahu inculpé 

Le 17 septembre, le Likoud et Bleu-Blanc sont de nouveau au coude à coude à l'issue des législatives.

Le 21 novembre, M. Netanyahu est inculpé de corruption, fraude et abus de confiance dans trois affaires distinctes.

Le 11 décembre, après les échecs de MM. Gantz et Netanyahu à former un gouvernement, les députés votent une nouvelle fois la dissolution du Parlement.

Nouvel échec 

Le 2 mars 2020, le Likoud obtient 36 sièges et Bleu-Blanc 33 aux élections.

Le 16, le président Reuven Rivlin charge toutefois M. Gantz de former un gouvernement car il avait rallié davantage d'appuis des autres partis.

N'ayant pas réussi seul, M. Gantz forme à la surprise générale un "gouvernement d'union et d'urgence" avec Benjamin Netanyahu pour faire face à la pandémie de coronavirus.

Le 7 mai, le président charge Benjamin Netanyahu de former le gouvernement d'union, auquel le Parlement accorde sa confiance le 17 mai.

Le 23 décembre, après l'échec de ce gouvernement d'union Netanyahu/Gantz à adopter un budget d'Etat, le Parlement est à nouveau dissous.

Et de 4!

Le 23 mars 2021, le Likoud arrive en tête des nouvelles élections, suivi cette fois par la formation Yesh Atid ("Il y a un futur" en français) de son rival, le centriste Yaïr Lapid.

A la date-butoir du 5 mai, Benjamin Netanyahu échoue à former un gouvernement. Le président charge Yaïr Lapid d'essayer à son tour.

Bennett Premier ministre 

Le 30 mai, le chef de la formation de droite radicale israélienne Yamina, Naftali Bennett, annonce son intention de rejoindre le camp de Yaïr Lapid, qui parvient à réunir une coalition hétéroclite, allant de la droite à la gauche, en comprenant - fait unique - une formation arabe.

Le 13 juin, Benjamin Netanyahu, au pouvoir depuis 15 ans, dont 12 sans discontinuer, est écarté après un vote de confiance du Parlement à cette coalition inédite.

Dans un accord de rotation à la tête du gouvernement, Naftali Bennett devient Premier ministre, tandis que Yaïr Lapid prend la tête de la diplomatie.

Le 4 novembre, le Parlement adopte le budget 2021, le premier voté en trois ans. Le lendemain, le budget 2022 est adopté, une victoire-clé pour la coalition.

La coalition s'écroule 

Le 6 avril 2022, la coalition, tiraillée par des tensions internes, perd sa majorité avec le départ d'une députée du parti de M. Bennett.

Le 20 juin, MM. Bennett et Lapid annoncent la dissolution du Parlement.

Yaïr Lapid assure l'intérim du poste de Premier ministre jusqu'au scrutin fixé au 1er novembre. Naftali Bennett annonce qu'il ne se représentera pas.

Une majorité pour Netanyahu 

Benjamin Netanyahu et ses alliés de droite remportent la majorité des sièges au Parlement à l'issue des législatives du 1er novembre.

Avec 32 sièges pour le Likoud, 18 pour les partis ultra-orthodoxes et 14 pour une alliance d'extrême droite, le bloc de droite a remporté 64 sièges, sur les 120 du Parlement. En face, le bloc de Yaïr Lapid remporte 51 sièges.

"Qui est le maître!" 

Mais M. Netanyahu est conscient que propulser ces personnalités à des postes clés pourrait "endommager" ses relations à l'étranger, estime Shlomo Fischer, du Jewish People Policy Institute à Jérusalem.

"Il ne veut pas que MM. Ben Gvir et Dery mènent la danse", dit l'analyste à l'AFP. "Il est très prudent, il ne veut pas perdre sa légitimité internationale (...) Il pourrait essayer d'élargir sa coalition pour minimiser leur influence".

Alors que M. Ben Gvir multiplie les appels à faire usage de la force contre les Palestiniens et à "montrer qui est le maître" en Israël, les Etats-Unis ont dit, avant l'annonce de la victoire de M. Netanyahu, espérer que "tous les responsables israéliens continueront de partager les valeurs d'une société démocratique et porteuse de tolérance pour toute la société civile, en particulier les groupes minoritaires".

Du temps où il était Premier ministre avant 2021, M. Netanyahu s'était aliéné les alliés historiques d'Israël au sein du parti démocrate du président américain Joe Biden et avait travaillé en étroite collaboration avec l'ex-président républicain Donald Trump.

Le Royaume-Uni a lui aussi invité jeudi, avant l'annonce des résultats définitifs, "tous les partis israéliens à s'abstenir de tout langage incendiaire et à faire preuve de tolérance et de respect envers les groupes minoritaires".


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »